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 BENNY&TARA - « somebody else »

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MessageSujet: BENNY&TARA - « somebody else »   BENNY&TARA - « somebody else » EmptyVen 13 Juil - 23:57

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BENNY&TARA

« can you see me up here? would you bring me back down?
‘cause i've been living to see my fears, as they fall to the ground.
‘cause i remind myself of somebody else. i'm feeling like i'm chasing,
like i'm facing myself alone. i've got somebody else's thoughts in my head.
i want some of my own. »


Je déteste venir ici, un lieu à la morale douteuse, au passé souillé. La cloche sonne, un son lugubre qui résonne durement à mes tympans. La messe est finie, le prête a transmis sa parole – ou celle d’un Dieu qui préfère rester au ciel, que de mettre les pieds dans sa construction désastreuse qu’est la vie humaine. Une vie éphémère qui a autant de malheur que de bonheur; la balance de la vie, qu’ils disent. J’ai envie de détester, d’haïr les principes de l’Église qui parle en son nom et agit pour ses besoins égoïstement humains. Envie de mépriser Dieu qui n’a pas assez d’orgueil pour les contredire et qui laisse les hommes régner en son nom. Probablement que certaines personnes ont besoin d’y croire, et je respecte l’option du choix. Et j’suppose qu’avec le sida au creux des veines, ou le cancer sous la peau, mon opinion si purement réfléchie serait ébranlée. Une rage au creux des tripes, là, maintenant pourtant. Mon cœur s’apaise en voyant Benny. J’étire l’ombre d’un sourire à reconnaître ses traits d’enfant. Un visage paisible qui cache les regrets d’une vie.

    TARA - « Salut p’tit con! »

Je fige sur le trottoir, à admirer le bitume sobre qui reste muet sous les pas rythmés du jeune Miller. J’oublie les plaisanteries qui nous définissent toujours trop bien, l’aise qui cogite entre nous. J’oublie mon ton enfantin et mes insultes toujours prises à la légère. On marche, sans vraiment s’être dit vers où. On va au centre, parce que c’est logique. C’est comme ça, un point c’est tout. Des pas coordonnés qui se complètent à une vitesse calme. Trop calme. Je pense trop, et j’arrive pas à vivre normalement. Je glisse mes mains moites d’angoisse au creux de mes poches et fixe l’horizon qui n’offre rien de nouveau. J’entrouvre les lèvres, regarde Benny un instant, et j’hésite encore. Mais je veux savoir, et le besoin de connaître la réponse me force à propulser ma question. Tout est dans le désordre, projeté comme ça, sans logique posée; représentation fidèle au tableau qui se dresse entre mes deux oreilles bourdonnantes.

    TARA – « Dis, eum… Si j’te demande pourquoi tu t’es enrôlé dans l’armée… Pas, pas parce que t’as besoin de te justifier ou parce que je te juge sur ta décision. Je, j’voulais juste essayer de comprendre, ce qui te pousse à laisser tout le monde derrière, pour risquer ta vie à essayer de défendre une vérité ou une réalité… »

Mes iris sondent les siens, parce que c’est de l’inconnu. Je connais Benny. Cinq mois de connaissance, mais une compatibilité qui quadruple l’ampleur de notre amitié. Je repousse une mèche derrière mes oreilles, combat acharné contre le vent humide qui tourbillonne avec autant d’incohérence que mes paroles, que mes pensées, que mon être. Y’a papa, journaliste de guerre qui se meurt dans l’inaction, dans l’inaccessibilité de ce métier qui palpite dans ses veines. C’est une drogue pour lui, un besoin d’être là-bas, de jouer son rôle. Et j’ai beau comprendre le sentiment de fierté à illustrer la vérité sans détour, je reste avec la peur de tout le reste. De son retour au fond d’un cercueil, d’une personne qui revient, mais qui n’est plus lui. Mon paternel, ce résumé complet de ma petite famille émiettée, est blessé. Blessure de guerre, ça fait partie des risques. Il a signé le papier, le contrat, il a accepté les enjeux, les dangers. Mais pas moi. Alors quelque part, dans un recoin de mon âme, une partie de moi est heureuse qu’il soit blessé, que ses dommages l’empêchent de repartir. Mais ce bonheur frivole est accompagné de honte. Parce qu’il aime ce qu’il fait, et que j’aime ce qu’il est. Le bordel de ma tête m’oblige à hocher à répétition de droite à gauche. Sans conclusion, mais avec le désespoir de comprendre, de pouvoir même ressentir l’enjeu.

    TARA – « Tu sais, eum. Oublie, j’suppose que t’as pas vraiment envie de replonger dans ces souvenirs macabres-là… Ça changera rien, de toute façon. »

Je n’ai pas abandonné. Pas vraiment. Au fond de ma tête, je veux savoir, comprendre. Mais mes paroles plus réfléchies, articulées avec soin offre le choix à Benny. Parce que j’ai beau être prête à entendre la vérité, le jeune Miller, lui, a encore son choix à faire. Il me connaît trop bien, lit dans mon âme, sans retenue. Mais au creux de mes iris naïfs et innocents, j’attends patiemment son choix, selon ses besoins et ses envies. Juste pour ça, je réalise que moi aussi, j’arrive à le cerner, à remplacer les mots par des gestes et des silences respectueux.
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MessageSujet: Re: BENNY&TARA - « somebody else »   BENNY&TARA - « somebody else » EmptyDim 15 Juil - 3:57

« Je suis heureux de te voir ici, Benny. » Voilà maintenant des mois qu'il se permet de m'appeler par mon prénom et je dois dire que ça ne me gêne pas vraiment. Histoire de se rapprocher de leurs fidèles - et d'en recruter quelques-uns, sans doute - les prêtres sont prêts à user d'une familiarité difficile à reprocher et je serre la main bienveillante qu'il me tend avec un sourire. L'église est encore calme, à cette heure, mais je n'ai aucun doute; bientôt, les gens rempliront les bancs et des murmures s'élèveront ici et là. Parce qu'on ne veut pas troubler le silence qui règne dans une église, seuls les enfants en ont le droit. Et encore! On fusille la mère du regard, on lui demande de faire taire son gosse ou de partir. Je m'assois dans l'une des rangées du milieu et j'attends. J'ignore pourquoi je viens encore ici alors que tout en ce monde laisse présager que Dieu l'a abandonné, telle une vulgaire chaussette trouée trop souvent utilisée. J'ai vu la guerre, j'ai vu ce que les hommes sont capables de faire et j'ai vu la drogue. Je ne mérite pas de crever comme ça, je ne veux pas d'une mort lente, à petit feu. Tant pis, je vivrai et je mourrai de n'importe quoi d'autre, mais pas de ce putain de sida qui souille mon sang.

Étonnamment, la messe n'est pas trop longue, aujourd'hui, et je peux quitter l'église une quarantaine de minutes plus tard avec l'intention de me rendre au centre. Et puis je l'entends qui m'appelle. Je pourrais reconnaître sa voix n'importe où et je fonce vers elle jusqu'à lui ébouriffer les cheveux d'un geste amical. « T'aurais dû venir me chercher, j'aurais prié moins longtemps. » J'ai l'air sérieux, comme ça, mais je finis par rigoler. « C'est une blague. » Je la regarde et je la trouve jolie à regarder ainsi le trottoir, les yeux baissés, même si j'aime bien percevoir l'éclat particulier qui fait scintiller ses iris. Pourtant, je lui emboîte le pas alors que je devine aisément où elle nous emmène. Je souris lorsque son regard croise le miens, mais je m'abstiens de commentaires, conscient de la chance que j'ai d'avoir une amie avec qui tout semble plus facile. J'observe ses gestes, ses mimiques, et je flaire le piège. Elle n'est pas comme ça, d'habitude. Elle rigole, elle me taquine, elle ne se triture pas nerveusement les mains. « Dis, eum… Si j’te demande pourquoi tu t’es enrôlé dans l’armée… Pas, pas parce que t’as besoin de te justifier ou parce que je te juge sur ta décision. Je, j’voulais juste essayer de comprendre, ce qui te pousse à laisser tout le monde derrière, pour risquer ta vie à essayer de défendre une vérité ou une réalité… » Sa question me heurte de plein fouet et je reste silencieux, visiblement incapable de lui fournir une réponse correcte. C'était facile avec mes soeurs et mon frère puisqu'ils étaient jeunes lorsque je suis parti, mais je me rends compte que Tara n'acceptera pas n'importe quoi. Je ne peux pas simplement lui dire que c'était pour l'honneur de mon pays et qu'il n'y a rien d'autre à comprendre et ce, même si c'est difficile pour moi de dénicher une véritable réponse à sa question. J'ai mis de longs mois afin de me convaincre moi-même que ce que je faisais était juste, tant et si bien qu'on pourrait presque dire que j'ai subi un lavage de cerveau, que je ne sais même plus ce qui m'a poussé à m'engager, au départ.

« Tu sais, eum. Oublie, j’suppose que t’as pas vraiment envie de replonger dans ces souvenirs macabres-là… Ça changera rien, de toute façon. » Ça me prend trop de temps. C'est à mon tour de triturer nerveusement mes mains alors que je fixe le paysage devant moi. « Si seulement tu savais à quel point ces souvenirs-là ne me quittent jamais ... » Je murmure, avec un léger sourire. Je veux lui dire que c'est la drogue qui m'a permis de rester en vie, mais les mots s'effondrent dans ma gorge et je peine à déglutir. « C'est une histoire de famille, tu vois? Mon père s'est enrôlé avant moi. Mon grand-père a participé à la deuxième guerre mondiale. Tous les petits garçons un peu turbulents rêvent d'enfiler l'uniforme de soldat au nom de la justice. » Je hausse les épaules et je tourne les yeux vers elle, brillants d'une nostalgie qui ne m'habitait pourtant plus. Je la vois qui s'interroge et je comprends ce qu,elle cherche à comprendre. Pourquoi j'y suis allé, moi ? J'aurais pu fuir les traces paternelles pour suivre mon propre destin, quitte à me mettre mon père à dos. J'aurais pu poursuivre mes études. J'aurais pu ... Tout comme on ne va pas loin avec des si, on ne fait pas long feu avec des regrets et des remords. Ma vie aurait été sensiblement différente si je n'avais pas choisi cette route, mais j'aurais pu me faire frapper en traversant la rue et demeurer invalide pour le reste de mes jours. Ou bien j'aurais pu me faire arracher un bras par celui à qui j'aurais demandé de l'argent.

« C'était pour le statut et pour l'honneur. C'était pour la fierté que je pouvais lire dans le regard de mon père. J'étais jeune, j'avais la vie devant moi et je me croyais invincible. Comme tous les petits garçons qui se prennent pour Batman. » Je marche à ses côtés, doucement, et je tourne lentement la tête vers elle. Ma main se pose sur son épaule pour l'attirer contre moi et la taquiner gentiment, tentant du même coup de la dérider un peu.
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MessageSujet: Re: BENNY&TARA - « somebody else »   BENNY&TARA - « somebody else » EmptyJeu 19 Juil - 2:15

    BENNY - « T'aurais dû venir me chercher, j'aurais prié moins longtemps. »

Mon coude se frappe contre ses côtes, sans conviction. Son sérieux le quitte d’un souffle, comme un masque tombant qui cache la beauté de sa témérité d’enfant et son humour chaleureux. Je tourne la tête vers le bâtiment qui se dresse derrière nous. Une pointe fulgurante qui jette son ombre sur tout. Mais c’est si vieux, et si décrépit qu'il n’en reste qu’une ambiance de sévérité nauséeuse. Je m’imagine au milieu des bancs usés, derrières des vitraux dépressifs, sous une structure imposante. C’est un frisson qui me parcoure l’échine, mes doigts se serrent contre ma paume, les jointures blanchies par l’effort incongru qui se débat dans mes muscles. Les mots de Benny me ramènent ici, au présent rassurant, à engouffrer de l’air pur dans mes poumons. La liberté me force à quitter l’église des yeux et à l’oublier – tout comme l’Église a aussi oublié les femmes depuis sa création.

    BENNY - « C'est une blague. »
    TARA – « Ça doit être long, de parler à quelqu’un qui répond jamais… J’sais pas comment tu fais… »

Un sourire qui m’extirpe de mes pensées sombres, de ces dédales d’incompréhension qui surchargent mon crâne. J’oublie l’espace d’un instant les complexités de mes neurones; ma quête du raisonnement logique, de l’explication parfaite. Comprendre, simplement. Une grimace forge mes traits déjà insécures. Et je pose mes questions sans barrières, emballée d’avoir Benny. Un ami avec l’expérience, avec le passé pour m’aider à déchiffrer mon présent.

    BENNY - « Si seulement tu savais à quel point ces souvenirs-là ne me quittent jamais... »

Le malaise gronde dans mes tripes et je n’ose pas fixer son regard. Parce que tout est lourd, pesant. Sujet merdique, qui me noue la gorge. Ça lui paraît pénible, et pourtant déjà présent en lui. L’air est plus frais soudainement, mes bras nonchalants se referment contre mon corps qui tremble timidement. Je fixe mes pas s’alourdirent contre le sol, un après l’autre, dans un son étouffé. L’asphalte grise est régulière, elle. Petite bouée qui me stabilise. Je le laisse poursuivre, incapable d’articuler quoi que ce soit après ça. Après la bombe qui tombe entre nous, bombe ancestrale que le jeune Miller a déjà vu exploser, il y a plusieurs années. Bombe qui l’a laissé en vie, mais qui a tout de même tué une partie de lui. De cette ignorance qu’il avait face à la vie.

    BENNY - « C'est une histoire de famille, tu vois? Mon père s'est enrôlé avant moi. Mon grand-père a participé à la deuxième guerre mondiale. Tous les petits garçons un peu turbulents rêvent d'enfiler l'uniforme de soldat au nom de la justice. »

C’est à dix-huit ans qu’on s’enrôle. Les âmes de petits garçons sont bien loin derrière. Les fusils ne jettent plus de l’eau glaciale, mais des balles mordantes. C’est ce que je dirais, si je m’écoutais. Mais j’vois que Benny s’efforce à faire émerger ses souvenirs. À remettre une intention sur une erreur, sur un passage amer qui hante ses souvenirs. Le silence siffle à mes tympans, recoupant chaque mot qu’il prononce à la recherche de la solution. Mon regard se plonge enfin sur lui, sur sa silhouette. Ses épaules faiblement courbés sur la lourdeur de ces mémoires émergeantes. Son pas lasse, vidé de quelque part, au plus profond de son être. Je vois un Benny décousu, une façade acerbe et faible. Je serre les dents, d’être la cause d’une remémoration non-voulue.

    BENNY - « C'était pour le statut et pour l'honneur. C'était pour la fierté que je pouvais lire dans le regard de mon père. J'étais jeune, j'avais la vie devant moi et je me croyais invincible. Comme tous les petits garçons qui se prennent pour Batman. »
    TARA – « Et tu le referais? »

La question plane entre nous, des syllabes imparfaites et empreintes de doute. Ça ne s’efface pas – je le sais bien -, c’est une cicatrice permanente contre son essence. Des suppositions qui nous grugent des regrets, là où on devrait avoir de l’acceptation. D’avoir été soi-même, au travers de nos erreurs. Mais je soutiens son regard, parce que j’ai cette volonté de savoir. Pour mon père et ses sevrages de boulot, mais pour Benny aussi. Pour l’âme meurtrie qu’il garde durement au fond de lui. Je me mordille les lèvres, à poursuivre ma question, dans des termes plus envisageables. Dans un « si » plus près du réalisme.

    TARA – « Je sais que c’est pas possible, et que ça changerait carrément tout, tout ce que tu es devenu à cause de ça, mais… T’y crois toujours au statut et à l’honneur? »

Mon débit est rapide, trop rapide. Je crache tout ce qui se refoule dans ma gorge, à l’aube de mes lèvres. Je soupire bruyamment, comme si je réalisais qu’aucune réponse ne pourrait satisfaire mes besoins. Mes bras se croisent sur ma poitrine, mes iris perdus cherchent encore quelque chose. L’inconnu au travers du ciel bleu et des nuages découpés. Je m’en éblouis presque, la pureté d’une lumière blanche. Je ferme les yeux et retombe sur terre, là où nos pieds marchent encore en synchronisation, même si nos esprits s’égarent dans des souvenirs et des réflexions divergentes.

Quelque part, au travers de ces interrogations qui cogitent dans mon crâne, une idée incongrue, une image troublante s’impose à moi. Un Benny violent, au devoir du fusil meurtrier, le corps négligé et les yeux vides d’espoir. D’espoir en sa cause, en ses choix, en ses actions. Je l’imagine malgré moi, à appuyer sur la détente. Pas nécessairement par défense, plutôt par offensive. Parce qu’à la guerre, on attend pas d’être menacé pour abattre. Le scénario me coupe le souffle. Une équation débile; Benny qui prend des vies. La vie qui prend Benny. Le petit « x » qu’on isole bêtement et qui forme le mot SIDA comme réponse à ces « moins » qu’il avait provoqués.


    TARA – « Hey Benny… tu crois au karma, toi? »



[ Désolé du petit délai, (a). En espérant que ça se lise bien, j'avais l'impression de pas être cohérente dans ma tête, haha. ]
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MessageSujet: Re: BENNY&TARA - « somebody else »   BENNY&TARA - « somebody else » EmptyMar 31 Juil - 5:24

« Ça doit être long, de parler à quelqu’un qui répond jamais… J’sais pas comment tu fais… » Un sourire amusé glisse sur mes lèvres alors que je la nargue d'un léger coup d'épaule. « Je l'imagine qui me répond. » C'est une blague, évidemment. J'aimerais y croire, mais je l'imagine mal me venir en aide maintenant, alors qu'il m'a abandonné tant de fois auparavant. Et pourtant, j'y retourne encore et encore, comme Tara me l'a si bien fait remarquer. Je peux comprendre l'incompréhension qui gagne ses traits puisque moi-même j'ai du mal à expliquer mon propre comportement, comme si c'était mon âme qui parlait, comme si c'était elle qui décidait de pousser mes pieds jusqu'à l'intérieur de l'église. J'y trouve une paix qui me réconforte et qui apaise mes peurs, ce genre de sérénité qui vous enveloppe et qui vous rend amorphe, ivre de ce silence majestueux que personne n'ose vraiment rompre.

Et je tente de tout lui expliquer, à Tara. Je veux qu'elle comprenne et surtout, je ne veux pas qu'elle juge mon choix comme l'avait fait ma mère. Ce n'est pas vraiment difficile: je me suis enrôlé parce que le chemin était tout tracé pour moi. C'était la route facile à prendre, c'était la décision irréversible qui s'imposait à moi telle une mine antipersonnelle sur un champ de bataille. Mon père n'avait pas vraiment eu besoin de livrer combat pour me convaincre d'y aller, je m'étais retrouvé là-bas de mon plein gré, poussé par ses convictions, ses valeurs et ses principes. « Et tu le referais? » Surpris, je tourne les yeux vers elle et je demeure silencieux, visiblement troublé. « Non. » Je murmure presque. C'est égoïste de ma part de laisser les autres se battre à ma place, mais cette guerre a détruit tout ce que j'avais. J'y ai vu trop d'horreurs pour espérer y retourner un jour et je sais que je ne referais pas la même erreur deux fois, si j'avais la chance et l'honneur de revenir en arrière. Je pourrais déblatérer des heures sur le pourquoi de ma réponse, afin de tenter de me décharger de la culpabilité provoquée par cette décision narcissique, mais je demeure silencieux. Je ne ressens pas le besoin de me défendre. Elle n'a pas besoin de moi pour deviner ce que je ne lui dis pas, elle est suffisamment intelligente pour comprendre toute seule.

« Je sais que c’est pas possible, et que ça changerait carrément tout, tout ce que tu es devenu à cause de ça, mais… T’y crois toujours au statut et à l’honneur? » Un petit rire m'échappe alors que je hausse les épaules, incertain. « Avoue que je t'intéresse parce que j'ai combattu pour mon pays. C'est beau, un militaire, non? » C'est dingue à quel point je ne peux pas m'empêcher de blaguer et ce, même lorsque le sujet ne s'y porte pas. Je serre doucement son épaule de mes doigts et je la pousse légèrement de côté pour la taquiner. « Il n'y a jamais eu d'honneur à tuer. C'est une excuse qu'on nous donne. » Je balance, les sourcils légèrement froncés. L'honneur, c'est la valeur sur laquelle on se base pour tenter de justifier les conneries qu'on a pu faire au nom de son pays. Moi aussi, j'avais de bonnes intentions, mais ces dernières se sont envolées comme poussière au vent lorsque je me suis retrouvé au coeur des batailles.

« Hey Benny… tu crois au karma, toi? » La question me surprend et je baisse les yeux, les sourcils froncés. « J'ai peut-être eu ce que je méritais, mais j'étais jeune, Tara. Et la guerre m'a détruit. » Je ne pouvais pas croire à un destin tracé d'avance. Certaines routes étaient plus faciles que d'autres à suivre, mais j'étais de ceux qui croyaient qu'on pouvait tout changer. J'avais choisi de partir pour l'Irak, le choix m'appartenait, mais j'aurais pu décider de rester. De devenir flic. Tout comme j'aurais pu me laisser crever alors que je voulais vivre. « Peut-être que c'est le karma, au fond. » Je lâche en haussant légèrement les épaules et je la regarde. Je me sens mal tout à coup. « Tant pis, si c'est la volonté de Dieu. Je veux vivre. » C'est la première fois que je lui dévoile aussi clairement mes intentions et je suis soulagé. Après tout, elle doit bien être celle qui me connait le mieux, ici. Pourtant, lorsque j'énonce haut et fort cet acharnement avec lequel je compte mener ma vie à son terme, je sens la maladie qui gonfle mes veines. Le sida qui s'infiltre tel un poison et je dois déglutir pour ne pas vomir. Je serre un peu plus fort son épaule afin de reprendre contenance et je regarde droit devant moi, là où j'aperçois la toiture du centre.

« Souris. J'aime quand tu souris. » Je gratouille ses côtes pour la chatouiller un peu et je rigole, un peu plus serein. « Je parie que t'as plein de fautes à expier. Je t'emmène avec moi au confessionnal, la prochaine fois. » Je ne forcerai jamais personne à m'accompagner à l'église, mais j'adore la taquiner. « T'as dis à ton père qu'on allait se marier? » Je lui lance un coup d'oeil malicieux et je hausse un sourcil charmeur, amusé par mes propres conneries. En même temps, j'essaie d'en savoir un peu plus sur elle, sur sa vie, sur sa famille. Je ne lui ai pas beaucoup parlé de la mienne puisqu'ils sont tous restés à Springfield, mais je préfère ça. Ils ne sont pas au courant et j'aurais peur qu'elle finisse par les inviter, un de ces jours, en croyant bien faire, en pensant me faire plaisir.

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MessageSujet: Re: BENNY&TARA - « somebody else »   BENNY&TARA - « somebody else » EmptyJeu 2 Aoû - 2:34

    BENNY - « Non. »

Son regard est perdu, figé sur ce passé qu’il ne pourra pas changer. Toutes les cellules de son corps doutent, du pourquoi, du comment. Mais ses mots se débitent trop vite, trop cru pour être hésitants. C’est pire maintenant, parce que ça n’explique pas pour mon père, pour ce deuil qui l’enveloppe, de ne pas pouvoir y retourner. Un frisson d’incompréhension me parcoure l’échine, mes bras se raidissent dans le creux de mes poches. Je n’ose pas un mot de plus, pas maintenant, puisque c’est trop dur de répliquer quoi que ce soit après ça. Après le regret d’une vie; un domino qui entraîne tous les autres dans une vague d’échecs qui l’amène ici; à cette maladie qui ne pardonnera jamais.

    BENNY - « Avoue que je t'intéresse parce que j'ai combattu pour mon pays. C'est beau, un militaire, non? »
    TARA – « Tu veux dire que t’as déjà été beau quand t’étais dans l’armée? T’aurais dû y rester au moins pour ça, alors… »

J’expire cet air pesant qui frôle mes lèvres sèches. Sa main s’enroule sur mon épaule soudainement moins lourde. C’est Benny et son positivisme qui repousse le sujet d’une blague terne, mais tellement appréciée. Mes pas dérivent vers lui, dans ce déséquilibre qui nous rallie. Mes mains s’évadent de mes poches, retrouvant le vent qui les fouette. Mes doigts s’agrippent au dos de son veston, et la suite découle. À alterner entre le sérieux de la discussion et nos plaisanteries soulageantes; malaise chavirant dans un neutre réconfortant. C’est pénible, de s’imaginer tout ça, mes pensées se bloquent d’elles-mêmes devant une réalisation de la sorte. Benny avec un fusil entre les mains, c’est trop loin du réel, quelque part dans un univers parallèle irrationnel.

    BENNY - « Il n'y a jamais eu d'honneur à tuer. C'est une excuse qu'on nous donne. »

J’étire un sourire muet – petit silence qui parle plus que des mots. Je fixe le ciel et son soleil éblouissant, espérant devenir aveugle de la merde qui nous entoure, de ce monde imparfait qui vit de souffrance et de malheur. Mais ça n’y changerait rien, ne pas voir n’efface rien, alors j’abandonne, mes yeux plissés pleurant presque à la blancheur de la lumière qui me réchauffe la peau. Contraste éclatant à la froideur qui me craque les os. Chaque son que le jeune Miller prononce est un mal sourd qui me résonne dans les nerfs, à vif. Je serre les dents et fixe le néant devant moi, là où on va, ce futur incertain. Ma vue se brouille, des larmes s’osent à humidifier mes yeux vitreux, mais rien ne s’échappe. Parce qu’il ne faut pas, que le barrage tiendra bon jusqu’au déluge.

    BENNY - « J'ai peut-être eu ce que je méritais, mais j'étais jeune, Tara. Et la guerre m'a détruit. Peut-être que c'est le karma, au fond. Tant pis, si c'est la volonté de Dieu. Je veux vivre. »
    TARA – « J’veux que tu vives aussi, Benny… »

C’est un souffle qui s’abandonne dans l’atmosphère. Y’a que nous soudainement, plus de piéton, de voiture – qu’un monde à nous. Je m’agrippe au veston, les jointures blanchies sous l’effort surhumain. Comme si je pouvais le « tenir » en vie. Qu’une illusion de plus qui s’éteint dans mon esprit et m’abandonne dans une pénombre effrayante. J’ai peur du noir Benny, c’est là que je pourrais t’y perdre…

    BENNY - « Souris. J'aime quand tu souris. »

J’essaie, même si je sais qu’il n’y croira pas. Car une part de moi voudrait pleurer, pleurer à m’en noyer. Alors mes dents brillent d’une fausseté que je n’arrive pas à corriger. Ses doigts tambourinent mes côtes et les chatouillis me plongent dans un rire étouffé. Je déteste me faire chatouiller, comme pour m’obliger à rire, sans effort marqué. Mais j’peux pas lui en vouloir, pas maintenant, pas pour ça. Je me défais de son étreinte, pour reprendre mon souffle, pour ma survie. Mes paumes s’appuient sur mes genoux fléchis, pliée en deux. Les cheveux me frappent au visage, le rire s’atténue et l’air s’engouffre dans mes poumons avec naturel. On n’oublie jamais comment respirer. À un mètre de lui, je me redresse et sans le réaliser, mes lèvres s’étirent en un sourire gratuit. Cette émotion contagieuse qui allège la poitrine.

    BENNY - « Je parie que t'as plein de fautes à expier. Je t'emmène avec moi au confessionnal, la prochaine fois. »
    TARA – « Quoi? Tu sais très bien que j’suis un ange voyons… »

Mes pas se réaccordent aux siens, et de nouveau, on joue la même mélodie – un parfait accord. Mon pied frappe son derrière, comme une finale à ma réplique sarcastique. J’aperçois le centre, à quelques rues, mais je ne le remarque plus. Le trajet s’impose à mes jambes qui s’emboîtent le pas sans questionnement. Une chose de simple, au travers du désordre de ma vie. Je suis prête à dériver dans mes répliques humoristiques, à jouer le rôle à l’extrême, mais c’est Benny qui ouvre les lèvres avant moi. On se complète, peut-être même trop pour en rire, au final.

    BENNY - « T'as dis à ton père qu'on allait se marier? »
    TARA – « Pas tant que j’ai pas vu la bague. Me faut un gros diamant, chéri. »

J’accentue le « chéri », d’une voix aïgue et troublante. Je lève ma main gauche et agite les doigts. Son regard malicieux se fait miroir à mes iris amusés. Ça se joue à deux tout ça, Miller. Je me vois mal dans une robe blanche, à offrir à Dieu la promesse de notre vie heureuse. Comme si notre promesse mutuelle ne serait pas suffisante à sa « grandeur ». Mais dans les vapes de ce rêve éveillé, j’imagine Benny dans un complet noir, la barbe faite et le jonc au doigt. Petit homme civilisé qui brille de bonheur et de sérénité. Je pousse plus loin dans l’imaginaire, dans ce scénario qu’on adapte à notre esprit mal tourné.

    TARA – « Et tu devrais lui demander la permission d’abord. Parce que sinon, crois-moi, il va être le premier à se lever et à s’opposer au mariage durant la cérémonie. Tu veux que j’planifie un souper? Faudra que tu mentes sur ton âge aussi d’ailleurs. T’es trop vieux, il voudra pas. »
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MessageSujet: Re: BENNY&TARA - « somebody else »   BENNY&TARA - « somebody else » EmptyMar 7 Aoû - 21:30

« Tu veux dire que t’as déjà été beau quand t’étais dans l’armée? T’aurais dû y rester au moins pour ça, alors… » Je arque un sourcil, faussement vexé, et je la repousse légèrement en riant. « C'est pas facile de me mettre à ton niveau ... » C'est une blague, bien sûr, et elle le sait. Je la trouve charmante, avec ses cheveux bruns qui tombent en bataille sur ses épaules et ses prunelles dévorantes de curiosité. Elle me fait un peu penser à ma soeur Carlie, au même âge. Vivante. Innocente. Mais qui refuse d'avaler les bobards que j'ai pu tenter de lui raconter. J'essaie de nuancer mes propos pour ne pas les brusquer inutilement, mais je prends peu à peu conscience de la maturité dont elles peuvent faire preuve. Ça me surprend et mon estomac se contracte à l'idée que des jeunes filles de cet âge puissent évoluer aussi modérément dans un monde où elles devraient profiter de chaque instant. Mes paroles la blessent, lui font peur, la peinent. J'ai tué et je ne pourrai jamais revenir en arrière; elle le sait. J'ai déjà dis que je regrette, que je ne referais pas cette erreur deux fois, mais c'est peut-être déjà trop tard. Elle me voit comme un connard, comme un enfoiré qui a pris la vie de ceux qui ne méritaient pas de crever. J'hésite. Les survivants ne sont peut-être pas dignes d'avoir été épargnés alors qu'ils se sont jetés dans la mêlée, espoir qui leur fend le coeur de repousser les ennemis, ennemis qui ne sont pas si différents, au fond. Tara a raison, c'est le karma.

« J’veux que tu vives aussi, Benny… » Je la regarde, un petit sourire aux lèvres alors que ses doigts à elle s'agrippent dans mon dos. Comme si j'allais m'échapper. Je n'ai ni l'audace ni l'indécence de lui avouer à quel point elle a tort de croire à un miracle. Elle peut l'espérer autant qu'elle veut, je ne serai pas gracié. C'est plutôt le contraire. J'essaie de racheter mes fautes et ils m'accueilleront à bras ouverts, ravis lorsque j'abandonnerai les miens derrière moi, un peu comme une vengeance pour les proches que j'ai arraché à ceux qui ne méritaient pourtant pas un tel affront. Ça ne sert à rien de lui dire qu'elle se trompe, qu'elle ne pourra jamais voir son souhait exaucé et qu'elle ne pourra pas me retenir comme elle tente de le faire. Elle connait suffisamment la maladie pour savoir qu'elle ne pardonne pas. Alors je ne dis rien et je me contente de lui demander un sourire, la seule chose que je puisse réellement me permettre. Ce n'est pas facile, pourtant, et je la vois qui étire distraitement les lèvres, pour me faire plaisir. Tant pis, elle l'aura cherché. Je la chatouille et je ne la lâche pas lorsqu'elle tente de se dégager, lorsqu'elle me dit d'arrêter. J'abandonne ma prise et je l'observe reprendre son souffle, un rire ravi éclairant mes traits. J'adorerais qu'elle vienne avec moi, qu'elle voit ce qui anime ma foi, ce qui me permet encore d'y croire malgré toutes les horreurs du monde. « Quoi? Tu sais très bien que j’suis un ange voyons… » Je pouffe de rire lorsqu'elle me balance son pied sur les fesses, ébouriffant maladroitement ses cheveux en y glissant mes doigts marqués par les batailles. Des mains qui ont trimé dur. Des mains qui n'en demeurent pas moins douces et insistantes, parfois.

Ça me fait rire de voir sa réaction lorsque je parle d'un mariage prévu d'avance, un mariage qui n'est approuvé par personne et qui n'engage que nous. « Pas tant que j’ai pas vu la bague. Me faut un gros diamant, chéri. » Je soupire en enroulant l'une de ses mèches de cheveux autour de mon doigt pour la taquiner. « Tu serais belle, avec les cheveux bouclés, garnis d'un diadème ... » Je me moque un peu, mais je relâche la mèche que j'ai triturée et je prends de l'avance. On blague, mais c'est une évidence, je ne marierai jamais. « Et tu devrais lui demander la permission d’abord. Parce que sinon, crois-moi, il va être le premier à se lever et à s’opposer au mariage durant la cérémonie. Tu veux que j’planifie un souper? Faudra que tu mentes sur ton âge aussi d’ailleurs. T’es trop vieux, il voudra pas. » Je arque un sourcil, faussement vexé. « Trop vieux ? Comment ça, trop vieux ? » Bien sûr que je suis trop vieux. Et même si je ne l'étais pas, le sida se mettrait en travers de notre chemin, là où on ne peut pas simplement le repousser en remettant à plus tard ce qui finira par me tuer. « Il m'aimerait, tu penses? » Je tourne le regard vers elle, amusé, et je hausse les épaules. « Si je lui dis que j'ai vingt-deux ans? Je pourrais étudier en médecine, aussi, ça ne me nuirait pas! » Je rigole en imaginant ma carcasse sur les bancs d'école, à réviser l'anatomie humaine et le fonctionnement des organes. Les maladies, aussi. Franchement, je visualise et ça me fait rire, d'autant plus que ce serait un peu l'hôpital qui se fout de la charité.

On continue à marcher et bientôt, on se retrouve dans l'allée qui mène au centre. Je foule le sol, un peu nerveux, alors que je viens ici presque tous les jours. Je fronce les sourcils, je m'arrête et je me hisse sur le petit muret qui borde l'allée, le coeur battant. Je déglutis et je fixe les fenêtres inanimées, derrière lesquelles souffrent les patients du centre. Seules les fenêtres des espaces communautaires, ou presque, sont ouvertes et je reporte mon attention sur Tara. « Y'a le vieux Will qui est mort, hier. Tu le savais? » Ce n'était qu'une question de temps puisqu'il refusait tout ce qu'on pouvait bien lui donner à boire ou à manger, s'obstinant à rejeter chacune des tentatives des médecins et des infirmières pour lui faire avaler quelque chose. Mais il était mort quand même.
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MessageSujet: Re: BENNY&TARA - « somebody else »   BENNY&TARA - « somebody else » EmptyLun 20 Aoû - 0:38

    BENNY - « C'est pas facile de me mettre à ton niveau ... »

J’abandonne l’argument, l’esprit occupé par la réalité qui englobe le reste. Je boude faussement l’espace d’une seconde, mais mes pupilles dilatées sont déjà dans la noirceur des images macabres qui tournent dans le cinéma de mon être. Gauche, droite, gauche, droite. Nos pas qui s’enchaînent sur un rythme soutenu. J’ai assez de volonté pour oublier l’histoire de la guerre. Celle de Benny, et celle de papa. Le monde me retombera sur la tête bien assez tôt. Le sérieux qui pèse entre nous s’estompe, parce qu’on est un « nous » naturel et serein, pas figé et perturbé.

    BENNY - « Tu serais belle, avec les cheveux bouclés, garnis d'un diadème ... »

Mon imagination s’embellit, une image de plus dans ce mariage inventé. Je récupère la liberté de mes cheveux, un vent frais pour les abîmer. J’enroule mon bras sous le sien, et redresse le menton avec humour. Je suis bien avec Benny, en amie et en fausse mariée. À sentir la sécurité de ses bras, son regard sincère et sa chaleur corporelle qui m’étire un frisson jusqu’à la nuque. Le monde nous est pénible, alors on l’embellit à notre façon, de nos yeux naïfs et enfantins. Rêver sans barrière, c’est ce qui nous fait vivre. J’entends sa voix, la tonalité étonnée, emplie d’interrogations et d’exclamation. Je déglutis et j’articule doucement mes mots, à la fin d’un silence marqué qui remplit l’espace.

    BENNY - « Trop vieux ? Comment ça, trop vieux ? »
    TARA – « Trop vieux pour moi. J’suis encore une gamine, du moins selon ce que les gens en disent autour de moi… Petite Tara, jeune enfant, blablabla… »

Ma voix est hargneuse, parce que je ne suis plus une enfant. Que mon âge ne transcrit pas ma maturité. J’suis une personne, une voix dans la masse, pas qu’une gamine délurée. J’oublie ces adultes qui se croient supérieurs, leurs paroles qu’ils pensent sages mais qui ternissent mes objectifs. Je frappe un caillou du pied, une montagne de colère momentanée sur une roche miniature qui culbute sans défense. J’expire bruyamment et change de chapitre en délaissant la mauvaise humeur temporaire. Sept ans de différence, ça n’a rien de si dramatique. Mais pas maintenant, pas à l’aube de ma vingtaine, au crépuscule de la sienne. La fin d’une vingtaine qui ne promet plus grand chose, que du temps sans qualité, dénudé d’espoir. Ma rage s’essouffle en un vide surprenant.

    BENNY - « Il m'aimerait, tu penses? »
    TARA – « J’crois que oui. J’crois que tu me ressembles étrangement, Miller… »

Je croise son regard et la joie qui pétille au fond de ses iris. Un sourire en coin qui illumine mon visage, mes faussettes comme vestige d’un bonheur éphémère. Le poème de mon âme décrit Benny comme une âme-sœur, pas de ces histoires d’amours qui détonnent dans la vie accablante, mais deux âmes qui se complètent. Dans les bons côtés, comme dans les mauvais. J’pense qu’on était lié, même avant de se rencontrer, deux inconnus qui se connaissent dans l’inconnu. Deux parcelles qui se complètent et se comparent, irrationnellement. Mes yeux se perdent sur l’horizon, mais j’ai la tête dans les nuages. À planer dans un monde de « si » et de possibilités. Mais y’a toujours Benny pour me ramener sur terre, à son odeur indescriptible, mais qui laisse en moi un sentiment de familiarité.

    BENNY - « Si je lui dis que j'ai vingt-deux ans? Je pourrais étudier en médecine, aussi, ça ne me nuirait pas! »
    TARA – « Médecin? C’est ça ton histoire inventée? J’aurais choisi agent du FBI ou astronaute, un truc vraiment plus époustouflant que « médecin » si tu me demandes mon avis. »

Je le défie du regard, incapable d’imaginer ses mains de charpentiers sur un scalpel délicat. Nos pas ralentissent, jusqu’à ce gazon trop vert qui cache la mort. Mes mains se reperdent dans la souplesse de mes poches, là où le vide se fait ressentir. J’anticipe la désolation dans son être entier avant d’entendre sa voix et les mots qu’il prononce. Comme un couteau qui nous replonge dans la réalité. Dans la morgue qui se dresse devant nous. Son corps s’installe sur le muret, et je reste debout, face à lui. À observer mon ombre qui voudrait s’enfuir sous mes pieds.

    BENNY - « Y'a le vieux Will qui est mort, hier. Tu le savais? »
    TARA – « Helen me l’a dit… »

J’hoche la tête à entendre ces mots. Parce que je suis au courant, qu’on sait tous ici, au centre. Même si on préfèrerait l’ignorer. Vivre un instant de plus dans l’inconscience de sa mort, de son départ – pourtant si attendu. Mon crâne si pesant qui chavire de haut en bas, sans arrêt. Pour m’obliger à faire quelque chose. Puisque je réfléchis, à cette horreur maladive qui gave mon esprit déprimé. J’ai envie de pleurer pour Will, pour sa mort, mais pour sa vie aussi. Mais pire encore, je pleurerais pour Benny. Je sais la suite inévitable, incapable de me convaincre de nos contes de fées éveillés et sans convictions de mes prières muettes. Je ne parle toujours pas, mais tout ce dit en moi, comme l’écho de moi-même qui discute avec tristesse. Un goût salin qui glisse jusqu’à mes lèvres. Première larme qui déclenchera la suite, bientôt. Petit avant-goût de ma faiblesse humaine, et de mon amour surhumain. Je me mordille la lèvre inférieure, jusqu’au sang. J’espère atteindre un contrôle inespéré et articuler un discours logique et calme. Mais mes genoux tremblent sous l’émotion, sur l’ouragan qui chavire mes tripes. J’étire les bras et entoure son corps assis. Ma tête se calle contre son torse, là où son cœur bat encore. Encore un peu, juste pour moi, à l’instant. Et dans le confort de ses bras, dans un silence qui ne m’oblige à rien, je balance quand même, maladroitement, tout ce fardeaux qui s’évade de ma gorge par des mots fébriles, et de mes yeux par des larmes fiévreuses.

    TARA – « J’te l’ai jamais dit, mais la mort, ça me terrorise… Surtout ici, parce qu’ils savent que ça s’en vient, et que j’peux vraiment rien y faire pour les sauver… Je, j’ai l’impression que c’est un décompte, Benny. Une personne à la fois, jusqu’à ce que ça soit toi… »
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MessageSujet: Re: BENNY&TARA - « somebody else »   BENNY&TARA - « somebody else » EmptyJeu 30 Aoû - 2:12

« Trop vieux pour moi. J’suis encore une gamine, du moins selon ce que les gens en disent autour de moi… Petite Tara, jeune enfant, blablabla… » Mes prunelles dévisagent malicieusement la jeune femme alors que je détaille une mèche de cheveux, une pommette, une courbe. Rapidement, ma main glisse sur sa hanche et je l'attire un peu plus contre moi, mon souffle tapi au creux de son cou alors que je murmure. « Peut-être. Mais ils ne voient pas ce que je vois, moi » J'essaie de la faire rire, même si je ne comprends pas ce qu'elle peut ressentir. À son âge, j'étais déjà un homme. À son âge, j'étais à la guerre. J'avais tué. Et pourtant, j'ignore lequel d'entre nous possède la plus grande maturité. Je vis au jour le jour, je ne me projette pas dans l'avenir et je profite du temps qui me reste à vivre. C'est court, c'est vide de promesses, mais c'est comme ça. Tara est plus jeune, c'est vrai, mais elle est posée. Elle comprend tout, elle assimile, elle grandit comme une fleur. Et moi, je la regarde et je la trouve belle. Avec cette détermination à prouver qu'elle n'est plus une enfant, ce froncement de sourcils qui la caractérise lorsqu'elle se fâche.

J'aimerais qu'elle me dise que c'est possible de m'aimer quand même, malgré le mal qui me ronge. « J’crois que oui. J’crois que tu me ressembles étrangement, Miller… » Je garde le silence, mais je la serre davantage contre moi. Je dépose un baiser sur son front, alors que j'aurais tant aimé cueillir ses lèvres. Les sourcils froncés, je la relâche subtilement en riant; je n'ai pas le droit à l'erreur et je ne peux pas lui imposer celle que j'ai commise, celle qui me tuera. Je n'ai rien à lui offrir, je pourrais comprendre le père récalcitrant, je pourrais comprendre celui qui s'opposerait à cette union farfelue. À la vie à la mort, hein ? Foutaises. L'improbabilité de ce scénario me fait rire un peu et j'invente une histoire, j'imagine. « Médecin? C’est ça ton histoire inventée? J’aurais choisi agent du FBI ou astronaute, un truc vraiment plus époustouflant que « médecin » si tu me demandes mon avis. » Je la nargue et je la pousse doucement du coude. « J'ai pas demandé. Médecin, c'est cool. Ça gagne plein de fric et c'est réputé ! » Je blague, évidemment. L'argent - et tout ce que ça implique - n'est pas ma première priorité dans la vie et j'ai des valeurs qui m'empêchent de gagner ma vie autrement. J'aurais pu poursuivre mes études. J'aurais pu devenir quelqu'un et pourtant, je n'ai été quelqu'un qu'une minute durant, sur l'étalage d'une vie entière. La mienne sera plus courte, mais j'espère au moins gagner les trente ans. Je pourrai dire que j'ai un peu vécu.

On arrive. On arrive et je prends brusquement conscience de l'endroit où on se trouve. Je viens ici de mon plein gré, j'aide ceux qui ont besoin de moi et je ne me suis jamais senti aussi las. Je n'ai pas envie de franchir le pas de la porte, de retrouver cet air humide qui empeste la mort et de sourire aux infirmières et aux patients que je croiserai. J'hésite, mais je lui parle quand même de Will, juste au cas où. Elle le connait, elle aussi. Et elle l'aimait bien. « Helen me l’a dit… » « Ah oui. Helen. » Elle se donne corps et âme aux patients du centre et pourtant, j'avais presque failli l'oublier. Elle les aime de tout son coeur et lorsqu'ils meurent, c'est comme si un morceau d'elle-même disparaissait avec eux, comme si son âme s'effritait, comme si l'espoir s'affaiblissait. Et pourtant, sa loyauté, elle, n'avait jamais faibli.

Surpris, j'accueille la tête de Tara sous le pli de mon épaule et je la serre dans mes bras, troublé par les larmes qui glissent sur ses joues. Elle ne laisse que très rarement transparaître sa tristesse et je ne sais pas comment réagir. Je ferme les yeux, je serre les dents, je caresse doucement son dos de mes doigts engourdis par la peur. Je sais ce qu'elle va dire et je ne veux pas l'entendre. Je ne suis pas encore prêt à écouter son discours, pas encore prêt à la rassurer. « J’te l’ai jamais dit, mais la mort, ça me terrorise… Surtout ici, parce qu’ils savent que ça s’en vient, et que j’peux vraiment rien y faire pour les sauver… Je, j’ai l’impression que c’est un décompte, Benny. Une personne à la fois, jusqu’à ce que ça soit toi… » Je sens mon coeur flancher et mon estomac se contracter devant la réalité incandescente de ses propos. Elle a raison sur toute la ligne et je le sais depuis le début. Un jour, ce sera mon tour. Délicatement, mes doigts s'accrochent à ses épaules jusqu'à caresser la douceur de sa mâchoire. Je la force à me regarder, mais je n'essuie pas ses larmes, persuadé qu'elles ont un sens, une signification particulière. Elle les fera disparaître lorsqu'elle sera prête. Je retiens fermement son visage entre mes mains et je plonge mes iris au creux des siens. Je voudrais la rassurer, lui dire que je vais guérir, mais je n'ai pas le droit de lui fournir cette illusion. Je n'ai pas le droit d'espérer ça parce que je sais que ça finira par me détruire. « Je suis là et ... je vais bien. » Je me rends compte que je la tiens trop fort et mes doigts glissent dans ses cheveux pour l'attirer à nouveau contre moi. À son oreille, je poursuis et j'embrasse doucement le lobe pour la taquiner, en espérant lui tirer un sourire. « Tu me connais mal si tu penses que je vais abandonner aussi aisément. » Je caresse ses cheveux et j'embrasse son front. « Je vais me battre, Tara. Je te le promets. » Ma voix se brise un peu, devient rauque.

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MessageSujet: Re: BENNY&TARA - « somebody else »   BENNY&TARA - « somebody else » EmptyMer 12 Sep - 1:40

    BENNY - « Peut-être. Mais ils ne voient pas ce que je vois, moi »

La chaleur brûle mes joues, d’un malaise inexpliqué. Je reste agrippé à lui, mais mon regard se détache, de gêne ou d’angoisse. Nos discussions s’évadent de mes doutes – envers mes sentiments, envers les siens – parce qu’on est toujours trop innocents dans nos imaginaires. Le baiser sur mon front chavire mes nuances, mais je ne m’y attache pas. Parce que je nous connais, Benny et moi. À s’aimer sans avoir le droit, ou sans s’en autoriser. S’aimer assez pour ne pas s’espérer à une relation normale. Quatre lettres s’interposent entre nous. Plusieurs termes, une réalité; sida, mort. Et on rit, même si ce petit poids ne nous quitte jamais. Vivre avec, puisqu’on ne peut plus vivre sans. Et son rire est un chant mélodieux qui étire mes lèvres et fait briller mes dents.

    BENNY - « J'ai pas demandé. Médecin, c'est cool. Ça gagne plein de fric et c'est réputé! »
    TARA – « Médecin, ça ouvre les gens en deux, ça prend des bains de sang dans des costumes qui sont même pas sexy… »

Loin de lui, là où l’air redevient stable, où mes poumons s’alimentent sereinement alors que ma chair redemande ce contact si inoffensif de sa présence contre moi, j’expire en souriant de bonheur. Une joie pure, bien avant la déchéance du réel, cette balance qui rétablit tout sans sentiments. Du bonheur et du malheur qui s’entrechoquent sans égale, sans logique. Mais avec une constance rigide. Le nom de Will rouille entre ses lèvres, prénom rocailleux qui camouffle une peur au creux du chagrin. Je préfèrerais ignorer encore un moment, me laisser bercer par un bien-être triché. Mes pieds grattent le sol, gazon parfait que je détruis pour le rendre à mon image. Petite façade qui cache la haine, la tristesse et la peur, dans un désordre chaotique.

    BENNY - « Ah oui. Helen. »

Le silence me détruit, me laisse seule avec des pensées mortuaires. J’accours vers lui, parce qu’il est encore là, maintenant. Mais qu’un jour, ses bras ne se croiseront plus que sur lui-même, dans sa tombe vide et froide. Je pleurs de honte, l’impuissance qui me gruge sans scrupule. Mes bras s’accrochent à lui, j’entends son cœur battre. Petit rythme qui s’interpose à mon propre pouls, à l’écho qui résonne dans mes tympans vibrants. Je renifle, les gouttes roulant contre mon visage, s’imprégnant sur son gilet dans un océan au flot constant. Je me redresse, ou Benny le fait. Comme deux âmes qui concordent, encore une fois, parfaitement. Ses doigts de soie voyagent sur l’arcade de mon menton, là où les larmes se précipitent dans un suicide de plusieurs étages.

    BENNY - « Je suis là et ... je vais bien. »

Qu’un mensonge que je n’ai pas la force de contredire. Même avec mes convictions d’un monde honnête et droit. Parce que sans le mensonge, c’est ma droiture qui flancherait. Croire en mieux, pour survivre. Ses os compriment les miens, mais je suis trop loin dans mon esprit pour avoir mal, pour chercher à m’échapper. Puisque de toute manière, son emprise est tout ce qu’il me reste soudainement. Il m’attire vers lui, vers cette odeur familière qui étouffe un sanglot, dernier ravage avant que les larmes ne s’apaisent. J’ai besoin de me reprendre en main, mais au creux de ses bras, je me sens vulnérable et inexpérimentée. Tout ce que je regrette, mais tout ce qui est vrai. Son souffle ronronne à mes oreilles, son baiser si naturel chatouille mon cou. Petit élan de plaisir qui augmente la culpabilité de mon malaise. Minuscule fouillis de sentiments qui se taisent quand sa voix reprend enfin.

    BENNY - « Tu me connais mal si tu penses que je vais abandonner aussi aisément. Je vais me battre, Tara. Je te le promets. »
    TARA – « Je sais, Benny… Mais te battre contre la mort, c’est une promesse que tu pourras pas tenir. Pas pour toujours. »

Nos émotions déforment nos voix et les saccagent. On se brise, à s’offrir un fait inébranlable. J’ai envie de fermer la lumière qui éclaire la vérité. De replonger dans notre mariage fictif pour fuir la triste réalité. Je chasse les larmes de mes joues d’un revers de main, petit geste enfantin qui laisse briller l’innocence dans mes iris surchargés. Je me mordille la lèvre, à réacquérir le contrôle sur ma petite personne qui s’emporte aux drames et aux comédies trop aisément en sa compagnie. Je croise mes bras contre ma poitrine, pour me tenir contre les frissons qui traversent mon échine. Au travers de mes yeux humides, bien loin de mes joues fraîchement sèches, je brille d’exister encore avec lui.

    TARA – « Tu sais comment il nous appelait, Will? Les deux tourtereaux. »

Je devrais être timide d’une appellation si « romantique ». Mais ça ne l’est pas. On est deux, un couple, un duo. Hors-norme, peut-être, mais bien moins faux que ces histoires d’amour qui n’en sont pas vraiment. Je souris, mais mon visage tremble du souvenir. De Will et de comment il nous transforme par ses mots, par sa vision des choses. De ses petites phrases philosophiques qui berçaient notre quotidien. Je fixe son regard, sans l’ombre d’une hésitation. On n’a plus le temps pour ça, pour peser nos gestes et les conséquences. Pour réfléchir à vivre, plutôt que d’exister.

    TARA – « J’veux pas devenir une tourterelle triste, okay? Arrange-toi comme tu veux, fais un pacte avec le diable s’il le faut. Mais me laisse pas toute seule, ici. »

Je me râcle la gorge pour terminer mon discours sans défaillance. Mes yeux brillent encore de larmes inavouées, mais l’épiderme de mes joues reste sec. Je m’avance vers lui, et dépose un baiser sur sa joue, au coin de ses lèvres. Là où une fossette se creuse sous son sourire. Ma main descend contre son bras, savourant la courbe d’un muscle jusqu’à atteindre le confort de sa main. Nos doigts s’entrelacent, unis comme nos êtres, et je l’entraîne jusqu’au centre. Là où Helen pleure à chaudes larmes et nous raconte avec nostalgie l’histoire de Will, l'histoire « des deux tourtereaux ».
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