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 jaws, the return

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MessageSujet: jaws, the return   jaws, the return EmptySam 3 Mai - 19:45



solveig & parker ✖ jaws, the return  

« C’est vraiment du bon boulot, Jordan. » Je me souviens encore de l’époque où j’ai débarqué à Los Angeles comme si cela datait de hier. 21 ans, dans la fleur de l’âge, plein de rêves,  absolument aucun rond en poche et des étincelles dans les yeux. Ouais, je rentrais typiquement dans le moule, quand on y pense. Le bon cliché du jeune qui court après les promesses que lui font la Cité des Anges, avec ses palmiers, ses paillettes, ses folies. Sauf que je devais mon regard pétillant au cône partagé à l’arrêt de bus avec un bassiste en devenir dont je m’étais proclamé pote le temps que la combustion fasse son chemin, que ma mère s’affairait encore à détourner quelques bons petits billets verts de la surveillance de son boulet d'époux sur le compte que j'allais voir, de temps à autre, quand mes petites arnaques ne me suffisaient plus. Quant aux rêves... Et bien, on ne peut pas dire que j'en avais vraiment. Je n'en avais plus, depuis quelques années, déjà. Je débarquais à LA avec ceux d'un autre en guise de consolation, de substitut, d'excuses. Jack, mon compagnon de route d'alors, visait ce coin de l'Amérique, lorsqu'on - qu'il - s'est fait gaulé. S'il avait finalement opté pour une destination plus carcérale, moi, j'avais continué, et j'étais arrivé ici. Parce qu'il en avait parlé. Et parce que j'étais paumé. Je ne le restais jamais bien longtemps; il avait suffi que je croise le regard d'une brune, éloignant ses longs cils du viseur de son appareil photo pour que mon chemin se voit tout tracé. Quelques mois à traîner dans ses pattes, entre ses pattes, et j'avais pu filé à l'anglaise de son loft sur Dowtown où elle m'avait accueilli bien trop facilement, attrapant à la volée un carnet d'adresses bien rempli et un appareil photo, qui, merde, me serait toujours plus utile qu'à cette paumée boho juste assez célèbre parce qu'elle avait fait le portrait officiel du nouveau clébard d'Hilton il y a deux ans de cela. J'avais visé gros, mais j'avais visé juste; un bout de chemin à batailler à gauche et à  droite encore, et voilà que je décrochais un premier contrat en tant que photographe. Rien de rutilant, mais ça avait suffit à me lancer dans cette carrière. « Vraiment ?! » Carrière qui avait connu ses hauts comme elle connaissait désormais ses bas; il n'empêche que,  en me formant sur le tas, en donnant de ma personne pour tringler l'autre croque-mitaine jusqu'à ce qu'elle me crache tout ce qui pouvait me servir pour bien débuter dans le milieu, j'avais su me dépatouiller, pas si mal que ça, puisque je me retrouvais aujourd'hui à transmettre mon savoir ultime à des bolets à peine secs derrière les oreilles, comme celui qui me dévisage, à l'instant, de ses grands yeux vitreux d'étudiant camé au bas de gamme. « Non, bien sûr que non.  » Je lâche un rire en fronçant les sourcils, même pas mauvais - enfin, dans le gros du truc. Je regarde son air fier s'effriter en me demandant à quel point il peut être en train de planer, pour en venir à prendre mes compliments au sérieux. Ça dure un instant, quelques secondes, tout au plus, jusqu'à ce que je me rappelle que je m'en fichais et que j'attrape l'un des projecteurs qu'il s'était affairé à disposer ce dernier quart d'heure sous mes yeux. « Va me chercher du café, ça, ça devrait entrer dans tes compétences. » Ou pas. Mais, bon, bon gars que je suis, fallait bien que j'occupe mon assistant d'un jour, puisque j'avais si gentiment accepté sa demande de m'accompagner sur ce shooting en guise de premier travail pratique, fraîchement arrivé dans ma classe à UCLA, poussé par les encouragements de ses camarades plus anciens - les joies du bizutage, hé. Je lui jette un coup d'oeil tandis qu'il tourne les talons, les épaules basses, avant de soupirer doucement. Son café sera infect, je ne me fais pas d'illusion, mais je n'avais plus grand chose d'autre en réserve, alors, je ferai avec. Avant de retourner à mon éclairage, je m'attarde encore un instant sur le reste de burrito qui traine sur la table, sa première mission de la journée. Ouais, j'aurais pas dit non à une ration supplémentaire de fromage.

Les mannequins débarquent à l'heure prévue, m'empêchant de râler sur le directeur du truc, les visages défilent et je n'y prête pas attention, focalisé sur leurs mich... leurs bikinis que je dois mettre en valeur. Jordan l'assistant se fond encore mieux dans son rôle de Jordan l'assisté en laissant bêtement  traîner un bras, une jambe dans deux ou trois clichés et je compense sur lui tout ce que je n'ai pas pu cracher au mac de ces dames, pour la peine, mais ce n'est pas lui qui me fait me redresser, comme piqué par je ne sais quelle bestiole californienne, en apercevant une silhouette en arrière plan. Non, définitivement, après un deuxième contrôle hors de mon objectif, ce n'est définitivement pas lui que je vois s'avancer vers le petit troupeau de moutons qui bossent sur cette prise de vues. J'en suis presque à le regretter ; autant lui et sa face de cake, j'aurais su gérer la chose, piquer une crise et lui balancer à la tronche que je me suis tapé sa gonzesse dans sa propre piaule un nombre insoupçonné de fois depuis qu'ils ont débarqués de leur petit Minnesota natal, mais là... Là, je mets encore quelques bonnes secondes à m'acclimater à ma vision. Déjà, je cherche à savoir si le rail du dernier quart d'heure de pause syndical ne m'a pas mis la tronche à l'envers au point que j'en chope des mirages ou, du moins, une très, très mauvaise définition des visages.  Qu'est-ce qu'elle foutrait là, sérieusement ?  

Mais je n'ai pas le temps de me décider quant à ce qui serait le plus improbable entre le fait que ma petite soeur soit en train de déambuler sur cette plage et celui où je commence à ne plus doser correctement ma coke, qu'une monstruosité se produit juste derrière mon épaule. « C'est qui cette brune ? Encore un mannequin ? » Glacé d'effroi et d'un dégoût incommensurable, à la fois destiné au sens même des paroles de cet abruti de Jordan et à son avenir de photographe toujours plus incertain si l'on se fie à ses notions de ce qui peut être un mannequin ou non, je ne prends pas la peine de diriger mes traits froissés vers lui, le regard fiché sur Solveig. Solveig.

Well, shit.

Appareil reposé d'une délicatesse pas du tout, du tout mesurée, une fois n'est pas coutume, j'ai proclamé tacitement un nouveau quart d'heure d'une nouvelle pause sans prêter la moindre attention au directeur artistique que j'entends râler quant à l'heure qui tourne et ma tronche de cokehead qui lui coûte trop cher - il perdra une dent ou deux une autre fois, à l'occasion. J'ai plus important en tête, aussi affreux cela me paraît-il, et j'emmerde royalement le soleil qui menace de se coucher au large et foutre en l'air la fin de la session, lorsque je pars à la rencontre de l'autre blatte.

 « Je crois que le tournage du nouveau Shrek, c'est la plage d'à côté. »  Sourire rayonnant, regard chaleureux, traits détendus; j'adopte mon meilleur air de guide touristique pour mieux cacher le désarroi total qui s'empare de moi. Pourquoi est-ce qu'il n'y a jamais l'ombre d'une nageoire de requin à l'horizon quand il en faudrait une ?



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