« Inspirez. » Lou-Ann gardait les yeux fermés, se laissant guider par la respiration profonde de ses étudiantes, toutes alignées devant elle. « Expirez. » la rouquine ouvrit une paupière, puis l’autre avant de sourire de toutes ses dents. « Namaste. » elle se pencha en avant, les saluant toutes, avant de faire une petite révérence cassant complètement le traditionnel remerciement en sanskrit. « Yeah! Premier cours? Nailed it! »

La jeune fille éclata de rire alors que les élèves de la classe se mirent à l’applaudir fièrement. Lou suivait des cours de yoga dans ce centre depuis des années et cette semaine enfin, elle avait reçu son diplôme officiel d’instructrice aguerrie. C’était un parfait timing aussi, compte tenu du fait qu’elle se retrouvait maintenant toute seule sans Jonah pour aider à payer le loyer. Ça devenait dur sur le portefeuille. D’un autre coté, il aurait quitté l’appart un jour ou l’autre, suite à tout ce qu’elle avait deviné sur lui. Mais en plus de lui avoir menti toute sa vie et de l’avoir mêlée à des tonnes d’histoires merdiques et dangereuses, il avait fallu qu’il s’enlève la vie devant elle. Après avoir menacé au passage le petit ami de Lou. Sympa, vraiment. La rouquine s’appliquait à rouler son tapis de yoga en saluant chaleureusement ses étudiantes qui commençaient à quitter le local, l’esprit toutefois ailleurs. Ça ferait 3 mois demain. 3 mois que Jonah s’était enlevé la vie. 3 mois qu’elle et Thayer avaient décidé de former un couple. Quelque chose clochait entre eux, c’était assuré. Mais ils n’étaient pas capables de faire autrement que de se tomber dans les bras. Pour se retenir. Pour s’empêcher de s’effondrer. Pour tenter de s’en sortir comme des grands ensembles, sûrement. Et pourtant elle aurait tellement voulu l’aider inconditionnellement. Elle aurait tellement voulu être la femme de sa vie, celle qui allait lui cuisiner des tartes aux pommes et lui demander comme s’était déroulée sa journée. Il était tellement beau et tellement gentil, il la traitait aux petits oignons, et elle n’arrivait pas à faire plus que de recevoir. Que d’agir en sangsue, prenant tout ce qu’elle pouvait prendre côté réconfort, le temps de se reconstruire. Elle sentait bien aussi, que parfois il avait l’esprit ailleurs. Que Joey désapprouvait sa relation, que Jaxson n’était plus le même depuis. Mais elle niait, elle ne voulait pas le voir totalement. Pas tout de suite. Surtout pas après avoir fait un premier pas vers Parker, pour voir s’il allait toujours bien. Surtout pas.

« Lou, arrive, ça urge! » vit-elle à la va-vite sur son portable.

« ??? » qu’elle répondit, le plus loquacement du monde, rangeant son tapis dans son sac et s’apprêtant à quitter le local pour aller prendre une douche.

« Lennon te cherche! Il a absolument besoin de toi au bloc opératoire!! »

Abbott haussa un sourcil. Besoin d’elle? Qu’avait-elle de si spécial pour que Lennon, collègue et pote depuis belle lurette, la demande avec autant d’empressement? Bah oui de la conne. Elle se frappa le front d’un coup sec. À la base elle était neurologue aussi. Ou du moins, elle tentait de l’être depuis des années, études et internat compris. C’est vrai que ces temps-ci, elle traînait un peu moins à l’hôpital. Être interne avait des tonnes de désavantages, bosser très dur pour presque rien, manquer des heures de sommeil, étudier dans une salle d’opération puant l’ammoniac parce qu’on a pas le temps de retourner chez soi et j’en passe. Mais il y avait aussi l’option de pouvoir prendre quelques jours de congé lorsque ça n’allait pas. Lorsqu’on avait besoin de s’aérer l’esprit le temps qu’on oublie que le cadavre de son meilleur ami est tombé du haut du toit de l’établissement. Avantage duquel Lou-Ann abusait pas mal ces derniers temps. Disons qu’elle passait le plus clair de ses journées à se rouler dans les draps de Thayer ou à s’empiffrer de crème glacée chez Ashleigh. Voilà.

Près d’une demi-heure plus tard, Dieu maudisse les embouteillages, la rouquine passait enfin la porte de la division de l’hôpital regroupant les salles d’opération. Le regard alerte, elle cherchait en vain Lennon qui l’avait demandé avec insistance tout à l’heure… où était-il maintenant qu’elle était là? C’est malin. Si ça se trouvait il lui avait joué une blague de mauvais goût juste pour voir si elle allait toujours bien et il sortirait de son bureau d’un instant à l’autre en rigolant. Du con, son cœur à elle palpitait la chamade à l’instant précis, paniquant, se demandant quoi faire, l’estomac se tournant dans tous les sens. Par chance Sarah, l’infirmière de service, passa près de Lou et lui fit signe de la suivre avec un sourire vers l’endroit où on avait besoin d’elle.

« Tu as traîné, dis donc! » ajouta la grande brune.

« Bon ça y’est, Lennon a mis tout l’hôpital à ma recherche? Qu’est-ce que j’ai fait de mal encore? »

Sarah se contenta d’ouvrir la porte de la salle d’opération en silence, encourageant Lou a entrer prompto. Quelques secondes plus tard elle se retrouvait dans une pièce bondée d’infirmières, d’internes et de Lennon survolté. Au beau milieu de ce petit monde, un corps immobile, couvert de sang, le visage caché, les signes vitaux au plus bas. Il était… il allait…

« J’suis là! » s’exclama la belle, un flot d’adrénaline lui parcourant les veines, prête à tout faire pour jouer son rôle de neurologue à la perfection.