Premier jour de reprise sous un soleil de plomb et déjà je regrettais la fraîcheur et le calme de mon appartement. Mais qu'est-ce que je foutais ici ?! A peine avais-je mis les pieds au bureau que nous avions eu une mort suspecte sur les bras. Direction l'un des quartiers résidentiels les plus calme de Los Angeles à bord de notre voiture de fonction à la climatisation inexistante. Le chemin se fait en silence, comme chaque fois qu'on se dirige vers une scène de crime. Prière muette ? Préparation mentale ? Je n'en savais fichtrement rien, c'était comme ça, c'était comme un rituel, point. Plus l'on se rapprochait et plus l'on pouvait apercevoir les curieux observer le cortège de véhicules – ambulances, patrouille de police, coroner, etc – depuis le bout de leurs allées si bien entretenues, sans aucune lueur d'inquiétude dans le regard. Seulement de la curiosité malsaine. Installée côté passager, je reportais mon regard sur la route et m'enfonçais d'avantage dans le siège, écœurée.
«
Ils n'ont vraiment rien d'autre à foutre. »
Et à l'angle d'une rue, je la vis. La pelouse parfaitement entretenue était piétinée par l'équipe du légiste et celle de la scientifique tandis que les uniformes se tenait droits et fiers devant le voisinage à l’affût du corps. Notre voiture garée, j'en descendis et m'étirais autant que mon épaule me le permettait. Le soleil m'obligea à chausser mon nez de mes lunettes de soleil, me donnant l'horrible impression de me la jouer à la Horatio Caine. Avec ma partenaire nous remontâmes l'allée bordée de fleurs épanouies, les regards braqués sur notre dos. J'entendais mes collègues les pousser à rentrer chez eux.
A l'intérieur de la maison on s'agitait dans tous les sens et un début de nausée me pris. Depuis que nous avions reçu l'appel, j'avais un mauvais pressentiment. La description que nous avait fait l'officier arrivé sur place ne me rappelait que trop bien une vieille affaire, mais ce n'était pas possible, car elle était close, cacheté. Du passé quoi. Pourtant cette sensation ne m'avait pas quitté. «
C'est une mise en scène méchamment macabre. » Nous balança de façon nonchalante le médecin légiste. «
La majeure partie des blessures a été causée avant la mort et il l'a égorgée pour finir. ». J'entrais dans le salon pleine d’appréhension et me figeais devant le corps. Elle ne devait pas avoir plus de 30 ans... «
Est-ce qu'elle a été... » Ma partenaire ne parvint pas à terminer sa question mais tout le monde en devinait la fin. «
Non, aucune trace de rapport sexuel. »
«
Ce n'est pas ce qu'il cherche... » lâchais-je dans un murmure.
Prise de haut le cœur, je me précipitais dehors par la porte arrière de la maison. Pas de foule en soif de sang, juste quelques officiers à l'afut du moindre intru. Je courais jusqu'à un coin plus éloigné, mettant autant de mètre que possible entre ce spectacle atroce et moi. Quand mon souffle commença à manquer, je m'arrêtais, plier en deux, me tenant l'estomac. Je luttais de toutes mes forces, mais mon corps commençait déjà à trembler, une sueur froide parcourait mon dos... C'était comme si je sentais encore son souffle chaud et puant contre mon oreille, comme si j'étais encore à sa merci... «
Est-ce que ça va aller? Vous semblez dans tous vos états... » Sous la surprise, mon corps s'avoua vaincu et je rendis mon petit-déjeuner à côté du banc. Lorsque les crampes cessèrent et que je pus retrouver une respiration calme, je me redressais pour faire face à l'homme qui m'avais prise de court. Je le détaillais du regard tandis que je m'essuyais la bouche du revers de la main. Puis je lançais un regard à la ronde. Mais à quoi jouaient les autres ? Ils faisaient relâche ou quoi ?!
«
Ça va merci... » Je me redressais de toute ma hauteur, le regard étréci. «
Pour qui travailler vous ? Le Times?Le Daily News ? »
Je posais la question avec mépris. Ce boulot m'avait rendu paranoïaque lorsque j'étais sur le terrain. Généralement on était asseilli par ces vautours de journalistes qui ne respectaient jamais les défunts.