C’était un peu la folie depuis 2 semaines. Que dis-je, depuis des mois.
Depuis la rentrée au final, parce que malgré le fait où je n’avais plus à mettre les pieds dans un établissement scolaire de près ou de loin, j’avais été amenée à rédiger guide par-dessus guide d’items idéaux pour être totalement dans le mood back to school. J’avais dû me mettre dans la peau d’adolescentes retournant au lycée, et on se doute que mon look à ce moment critique de ma vie était inspiré par mes poussées d’hormones, par le fluo (beaucoup de fluo) et par le dernier CD de Cyndi Lauper qui jouait en boucle dans mon baladeur. J’étais aussi passée par le campus universitaire, juste parce que, et malgré le fait qu’un petit goût amer (relié au fait que j’avais lâché mes cours pour partir m’endetter à travers le monde durant 2 ans, oups) qui dansait dans ma gorge, j’avais réussi à prendre quelques notes concises. Quelques idées par ci, quelques lookbooks par là, et j’étais prête pour une revue entière des tendances scolaires 2014 dans son ensemble. Dire que j’étais complètement débordée était une mince affaire ; surtout lorsque j’ajoutais que mon horaire du temps était ponctué de tests de crèmes pour le visage à l’ylang-ylang, de rouges à lèvres bordeaux, de mascaras charbonneux & de lancements de parfums, bizarrement ils étaient tous dévoilés en même temps & je devais donc me claquer la ville entière en taxi pour m’assurer d’être partout à la fois. Bref, j’étais plus que prise.
Ashleigh, ma blonde amie de toujours, avait eu la veille la bonne idée de m’organiser une soirée de détente, l’un des seuls et uniques moments où je me suis autorisé de sortir de mon appart. Ça, et pour aller faire les courses parce que mon frigo criait son vide. Ouaip, j’étais en grosse période de stress intense au boulot depuis septembre, décembre était déjà bien entamé, et malgré mes potes mannequins, photographes & designers, personnes ou presque ne m’avait vu sortir de chez moi. Ça urgeait. « Vin, film d’action et pizza livrée directement chez moi, ça te tente? Et tu peux même apporter un panier de tes conneries à tester, comme ça, tu te sentiras un peu moins mal de pas bosser ce soir et moi… ben ça va me changer de l’odeur de mon savon. » qu’elle avait plaidé. J’avais craqué. Cette fille-là, sans le savoir, venait de me sauver de la folie. Au moment où j’avais reçu son appel, j’étais à même de débuter une conversation à sens unique avec les rediffusions de Sex and The City qui roulaient en boucle à la télé, et donc pour mon moral et pour mon QI, une sortie hors de mon antre était nécessaire.
« J’ai évité tout ce qui sent trop la vanille! » avais-je décrété avant d’entrer dans l’appart de la galloise. Et j’avais aussi soigneusement caché mon ordinateur portable au fond de mon giga sac. Si elle remarquait que j’avais traîné mon seul et unique outil de boulot jusque chez elle pour en profiter lorsqu’elle irait aux toilettes & bosser en cachette, j’étais morte. Nos soirées détente étaient sacrées. Mais mon calendrier éditorial l’était tout autant.
***
Mes yeux n’avaient pas pu faire autrement que de s’ouvrir d’un coup sec. « Non, non, non, non, non!!! » Quelques secondes après, je bondissais hors de mon lit vers le salon, vers mon si énorme sac, pour ensuite filer à la cuisine, ouvrir tous les placards, le frigo même. Et les toilettes? Est-ce que j’avais fait un tour du côté des toilettes? Une bonne heure plus tard et je paniquais encore et toujours à travers mon minuscule appart qui prenait alors étrangement des proportions de géant. Mon ordinateur. Oublié. Chez Ash. Et j’avais 5 articles à rendre sans oublier une centaine de photos à traiter d’ici 17h. Coup d’œil au cadran : il affichait 10h am. J’étais – presque – sauvée. Presque, si on oubliait le fait que ma blonde copine était au boulot, & que je devrais donc me claquer l’aller-retour au poste de police pour aller récupérer les clés de son appart, et, et, et… mon cerveau tournait à 100 miles à l’heure de panique alors que j’enfilais un genre de jeans présentable et le premier t-shirt qui flottait sur mon chemin.
Au moins, j’avais eu la chance d’être à contrecourant du trafic californien. Et j’avais retrouvé un semblant de souffle, en grimpant les escaliers un à un. Un grand sourire se dessinait même sur mes lèvres alors que j’utilisais la clé que ma si géniale amie m’avait remise rapidement entre deux dossiers. J’allais tout terminer dans les temps & lui cuisiner un petit dîner de mon cru pour la remercier de m’avoir évité une crise d’angoisse. Le plan marchait comme sur des roulettes alors que je poussais la porte d’entrée. Juste un tout petit détail, au beau milieu du salon, qui s’adonnait à laisser aller ses frustrations sur le punching bag de mon amie. Un détail torse nu paraissait-il, qui n’avait absolument aucune idée que j’avais à passer chez sa sœur au vue du regard incrédule qu’il venait de me lancer, se ruant vers la stéréo pour l’éteindre aussi sec.
« Oh, hey, salut Deklan! Te dérange surtout pas pour moi… » je voyais déjà mon ordinateur au loin sur la table de la cuisine & bizarrement, je ne pouvais pas être plus pressée de quitter les lieux.
Je m'étais réveillé la tête dans le pâté, avec une sympathique gueule de bois, unique souvenir de ma soirée de la veille. Ce n'était pas non plus comme si je devais encore être apte à faire quoi que ce soit dès le lever... Les joies du chômage. Le Virgin Megastore s'était finalement avoué vaincu et avait mis la clé sous la porte, comme les autres magasins de la chaîne du coin – ce que je trouvais bien con étant donné que la période des fêtes était toujours synonyme de bon chiffres d'affaire, m'enfin. Oublié le ''métro, boulot, dodo'', mon quotidien se résumait désormais à la dernière partie. Des vacances à durée indéterminée. Ce que j'aurais beaucoup apprécié il y a quelques mois, mais là ça me faisait chier plus qu'autre chose. Parce que, du coup, je n'avais rien d'autre à faire que réfléchir à ma vie. Le truc déprimant par excellence. Tout le monde s'agitait autour de moi, me donnait le tournis. Je ne me voyais pas coller aux basques des autres, il ne manquerait plus que je leur tape sur les nerfs à eux aussi. Donc, j'étais livré à moi-même. Je n'étais pas d'une compagnie désagréable, mais j'en avais vite fait le tour hein. Et je m'emmerdais. Ma console n'arrivait plus à me garder distrait, n'avait plus rien de nouveau à m'offrir, on était même fâché. Ma guitare se bornait à ne pas se laisser dompter. Ma télévision me ressortait les mêmes niaiseries en boucles... Mon appartement me sortait par les yeux, j'avais besoin d'air, ou au moins d'un nouveau décor.
C'est comme ça que j'avais atterri chez Ash. C'était la planque idéale étant donné qu'elle s'était donnée pour mission de boucler ses affaires avant de lâcher son taf'. Ouais, enfin elle avait eu l'illumination ! Je n'aurais plus à être embarrassé lorsqu'on me demanderait des nouvelles de la blonde, ce qu'elle faisait pour gagner sa croûte. Ashleigh quittait les poulets ! Il lui aura fallu tout ce temps pour réaliser qu'elle n'avait pas sa place dans cette branche. Enfin bref, elle ne serait pas chez elle de la journée, j'avais le champ libre. Pour quoi ? Je n'en savais rien, mais c'était toujours mieux que de rester terré dans mon pieu. La fine odeur de tabac froid mise à part, l'appartement était clean. Ouais, enfin, aussi rangé qu'il pouvait être avec ma sœur. Il y avait quand même des trucs à traîner ici et là, mais ça restait supportable. Bien que la frangine ne m'ait jamais sorti l'habituel « mi casa es su casa » je ne comptais pas m'en priver. A peine entré dans les lieux, je jetai ma veste sur le canapé avant de m'y laisser choir à mon tour. Je m'allumai une cigarette, jetai le paquet et le briquet sur la table de salon et m'étalai sur le canapé. Les yeux rivés à la fumée qui s'échappait de ma bouche pour s'élever jusqu'au plafond, je savourai le calme qui m’entourait. Je chopai le cendrier, le posai sur mon ventre et restai ainsi le temps de terminer ma clope. Après l'avoir écrasé, je me relevai, m'étirai et décidai de partir dans l'exploration de la cuisine mais surtout du frigo.
Je misais tout sur l'amour du houblon de ma petite sœur, amour que j'avais fait naître à l'insu de mon plein grès dès qu'elle avait été en âge et de taille à piocher dans ma planque. Et comme d'habitude, je ne fus pas déçu. Je sortis une bière bien fraîche d'un compartiment et la décapsulai avant d'en boire une longue gorgée. Je jetai un œil à ce qu'il y avait dans les placards et en extirpai une assiette de muffin maison protégée par un torchon. Ah ! Et avec un peu de chance c'était probablement la recette de notre grand-mère en plus ! Parce que ouais, faut pas croire ce qui se dit, c'est de chez nous ce truc-là. J'en enfournai un dans ma gueule et emportai le reste de l'assiette et ma bière au salon. Là, je mis le vinyle The Wall des Pink Floyd sur la platine avant d'ingurgiter une autre gorgée de bière, balançant ma tête au rythme de la musique. Je parcouru la pièce du regard, notant qu'une fois encore Ashleigh s'était limitée au stricte minimum côté décorations de Noël... Il fallait dire que, entre les Noëls minimalistes chez notre grand-mère et ceux hyper kitsch de notre mère à L.A., on avait toujours eu du mal à trouver le juste milieu. Un simple sapin trônait dans un angle, presque nu – je crois me souvenir que les décos qu'elle avait dans son précédent appart étaient à Scar, son ancienne colocataire, so – et des bougies à paillettes étaient posées un peu partout.
C'est alors que le punching-bag me fit de l’œil. Je tournai autour un moment, puis posai ma bouteille sur une étagère. « Hein ? » Je mis une main à mon oreille « C'est à moi que tu parles ? » Je jetai un regard par dessus mon épaule pour reporter mon attention sur le sac. « C'est à moi que tu parles ?! » Je me désignai de l'index. « Je n'en vois pas d'autres que moi ici. A qui tu parles alors, tu vas le dire oui ou non ? » Je terminai cette mauvaise imitation de Taxi Driver en donnant un coup de poing dans le sac de frappe... Ce qui m'extirpa un cri de douleur. Ouais, bon, j'avais sous-estimé la dureté de ce machin. Je me pris la main douloureuse dans l'autre avant de trouver les gants et de les enfiler. Durant les minutes qui suivirent, je me défoulai sur le sac, imaginant la tronche du DRH qui nous avait annoncé la perte de nos jobs. A un moment je me vis contraint d'abandonner mon t-shirt trempé sur le sol pour me replonger dans ce déchaînement de frustration. Jusqu'à ce que j'entendis la porte d'entrée. Merde ! Je ne m'étais pas attendu à ce que la morveuse rentre aussi tôt ! Je me précipitai, arrachant les gants de mes dents, et coupai la musique pour faire face à... quelqu'un d'autre que ma sœur. Quelqu'un que je ne m'étais certainement pas attendu à trouver ici. « I... Isla. » Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Dû à la surprise ou à sa simple vue ? J'en savais rien. « Salut. » Dis-je simplement. Parce que je me sentais bien con en cet instant. Parce que j'aurais préféré éviter ce genre de confrontation. Étant donné son regard fuyant, il était clair qu'elle aussi. Génial. Dans le genre malaise...
En même temps j'aimerais vous y voir. Tomber nez à nez avec une ex qui s'est barrée du jour au lendemain je ne sais pas où, sans un mot – ouais, enfin... elle l'avait dit à ma sœur hein, mais moi, rien à foutre apparemment – et qui réapparaît à Los Angeles, sans prévenir là aussi. Sans Ash, je serais encore dans l'ignorance. Alors, ouais, j'avais un peu de mal à être en sa présence, je ne savais pas comment agir, quoi dire... D'ailleurs, il semblerait que j'étais resté debout comme un glandu, à ne rien faire, pendant plus d'une minute. Pfff. Il fallait que je bouge, que je fasse quelque chose. Je me mis à déambuler dans le salon, me saisis de ce qui me passa sous la main sans y faire vraiment attention. Le toucher me surprit. C'était plutôt doux, agréable... Je posai mes yeux dessus. C'était un bonnet de Noël. D'où il sortait ? Je n'avais pas fait cas de sa présence dans la pièce jusque là... Mais on s'en moquait non ? Je le mis sur ma tête et affichai un sourire parfaitement débile. « Alors ? Qu'est-ce qui t'amène dans l'appartement de ma blonde de sœur ? » Mes mains continuaient de se montrer curieuses et cette fois elles se posèrent sur quelque chose de froid. J'attrapais la dite chose et l'examinai du bout des doigts. Plutôt plat, arrondi... Intrigué j'y jetai un œil. Des menottes. Je haussai un sourcil. Ma frangine laissait traîner des drôles de truc. Et j'espérais que c'était strictement pour le boulot ! Je reportai mon attention sur la jeune femme tandis que je jouai négligemment avec l'objet.
Si Ashleigh avait été présente, dans la même pièce que nous à l’instant, elle aurait tout de suite su que quelque chose clochait. À voir la façon dont je jouais nerveusement avec les clés de ma blonde amie, toujours appuyée sur la porte qui venait de se refermer derrière moi, à hocher lentement de la tête en attendant d’avoir une réaction ou du moins un signe du côté de Deklan. Rien que ça, mon silence, en avait ironiquement long à dire. C’est qu’en situation de malaise masculin comme celui-là, j’avais la parole facile. J’étais celle qui excusait le stress qui me grugeait le ventre par des blagues ridicules, des éclats de rire cristallin, des battements de cils et des histoires abracadabrantes qui ne m’étaient encore jamais arrivées mais que je décrivais comme si. Et ça marchait. Ils me trouvaient tous adorable et me laissaient aller, bien éblouis par tous mes stratagèmes. Ça m’avait sauvé dans plus d’une situation, du traditionnel mec qui me draguait mais pour lequel j’étais tout sauf intéressée, de l’ex sexy que je croisais à l’épicerie en pantalons de pyjama avec le mascara de la veille ou du type pas très séduisant qui me payait un verre au bar du coin avec l’impression d’avoir réussi la première étape avant de m’entraîner dans son lit. Ash connaissait ma tactique, plus subtile que la sienne de passer clairement et le plus directement possible son message, et m’avait regardé la pratiquer dans autant de situations variées, mais jamais, jamais elle ne m’avait vu complètement muette. Probablement parce qu’elle n’avait jamais pensé que le seul qui arrivait encore et toujours à me déstabiliser était son propre grand frère. Oups.
C’était que Deklan et moi, on avait un passé. Ensemble. Ça avait débuté le plus tranquillement du monde avec mes jambes qui flanchaient toutes seules rien qu’à le croiser dans le couloir du lycée, à quelque chose de plus concret, genre de tenter d’accrocher son regard à la cafétéria. Et à force de vouloir attirer son attention, j’avais réussi. Assez pour me mériter un baiser, assez pour pouvoir répéter encore et encore l’expérience, assez pour sortir non-officiellement avec lui pendant plusieurs mois, en secret. Il avait été mon premier amour, et le cacher à ma meilleure amie pour aussi peu qu’on était de vrais froussards face à sa réaction avait eu raison de notre idylle d’adolescents. Après, ça n’avait juste plus été la même chose, tant parce qu’on évitait de se retrouver ensemble, que j’avais additionné ma décision de quitter le pays sans vraiment le lui annoncer officiellement. Par peur j’imagine, une peur conne qu’il ait pu dire ou faire quoique ce soit qui m’aurait convaincue de rester, ou de l’amener avec moi tiens. Parce que même si on n’était plus ensemble, il avait toujours eu une place bien importante dans ma vie… à distance. « Alors ? Qu'est-ce qui t'amène dans l'appartement de ma blonde de sœur ? » C’était bizarre. Son ton, son regard, la façon dont il jouait avec tout ce qui se retrouvait près de lui. Il était bizarre, et moi aussi. À un peu moins d'un an avant mes trente ans, je me retrouvais à jouer les gamines devant mon crush de lycéenne, plutôt que d’agir en femme forte et brillante que j’étais. Inspiration, expiration. « Je viens chercher mon portable. » que j’expliquai le plus normalement du monde, en pointant l’ordinateur sur la table à quelques mètres de moi. « Et je viens aussi préparer un gâteau pour Ashleigh, pour… célébrer avec elle sa réorientation de carrière. » Ça avait été plus fort que moi. De l’avoir devant moi, aussi étrange qu’il puisse être, m’avait donné envie de rester. De finir par prendre mes responsabilités et d’arrêter de l’éviter comme je l’avais si bien fait depuis mon retour à L.A. Je voulais me comporter en grande fille? C’était aujourd’hui le moment parfait de le faire.
Fière, je laissai tomber mon sac, les clés et mon manteau à mes pieds, avant de filer comme l’éclair à la cuisine, sans attendre son autorisation ou quoique ce soit. J’aurais pu parier qu’il squattait secrètement le frigo de sa sœur quelques fois par mois pour éviter d’aller se perdre dans les rayons des surgelés & donc qu’il n’avait pas son mot à dire de ma réquisition de la cuisine de la Monaghan. Fine by me, pensais-je, voyant entre les étagères qu’il arborait fièrement une tuque du Père Noël. « Dis, au Pôle Nord, c’est essentiel de maîtriser les uppercuts? » je n’avais pas pu m’empêcher de demander, amusée. Puis silence de ma part, de nouveau. Je m’activais au fourneau, dos au salon, pour rassembler ce que j’avais de forces restantes. L’idée d’être en retard dans mon boulot me motivait à terminer ma mission de clarifier les choses avec Deklan le plus vite possible, mais la p’tite anxiété qui me montait lentement mais surement à la tête avait presque réussi à me convaincre de laisser les choses comme elles étaient. D’éviter de détruire ce qui nous restait, en plus d’attirer l’attention d’Ash lorsqu’elle se rendrait compte que j’avais tout gâché & que Deklan éviterait maintenant tout contact avec moi. Drama, vous aviez dit? J’en étais la reine, jadis. Et je pensais honnêtement avoir réussi à abandonner cette mauvaise habitude, celle de me faire peur avec un rien. « Alors, quoi de neuf? » m’entendis-je demander. Si je voulais recoller les morceaux, autant commencer avec le début. Farine et œufs en main, je commençai à préparer mon dessert improvisé, attendant la suite. Parce qu’au final, je n’avais même pas posé cette question à Deklan depuis que j’étais revenue, trop occupée à faire comme si de rien n’était. J’avais envie d’entendre de ses nouvelles, de savoir ce qui se tramait dans sa vie, vraiment, et l’idée de ne pas l’avoir fait depuis si longtemps était particulièrement ridicule à mes yeux. Si on avait décidé, il y avait longtemps, de rester amis, aussi maladroits qu’on pouvait l’être, c’était là la base pour bien faire les choses. Ouais, j’avais eu droit à des bribes de sa vie via Ashleigh, des filles toutes plus particulières qui passaient à son bras, de son groupe qui avait fait plusieurs shows à travers la ville, de son boulot au Virgin, mais rien de bien consistant à se mettre sous la dent. Autant Ash aimait bien se moquer des gaffes et des drôles de coups de son frère, autant elle avait le respect de ne pas parler de sa vie dans les détails.
Perdue dans mes pensées, j’en étais maintenant à brasser ce qui deviendrait dans peu de temps un gâteau à la vanille et aux amandes en fredonnant, l’oreille distraite. « I don’t want a lot for Christmas, there is just one thing I need. I don’t care about the presents, underneath the Christmas tree… » L’odeur sucrée qui se dégageait de mon mélange suffisait à me redonner confiance & sourire, juste assez pour oser, une fois après avoir fiché le tout au four, retourner au salon faire face à Deklan. « Tu peux retourner à ton kick boxing hen, je serai pas là très longtemps. » C’était con, mais je sentais le besoin de me justifier. Ou de m’assurer que je ne le dérangeais pas. Ça m’étonnait presque qu’il soit encore là, vu la façon dont on arrivait savamment à ne pas passer plus de 10 minutes seuls ensemble depuis… toujours. Mais je venais tout juste de remarquer que Dek avait entre les doigts depuis le début une paire de menottes. Et le stress s’envola aussi longtemps que je réussis à retenir mes éclats de rire. Mais c’était trop drôle pour que je résiste. « Ou à ton porno? »
Oh!Darling
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Sujet: Re: Honey, I’m home! – DEKLAN & ISLA Ven 3 Jan - 23:41
HONEY, I'M HOME!
isla et deklan.
Ah... Son portable. Qui était juste à côté. Et donc, ce n'était qu'un passage éclair. D'un côté, ça aurait du me soulager que ce soit aussi bref, qu'on écourte ce malaise. Mais pourtant, ça m'emmerdait. Les émotions contradictoires avaient le don de me filer de l'hypertension. « Ah... » lâchai-je tout bas. Puis, l'ombre d'un sourire vint se peindre sur mes lèvres quand elle parla de son programme pâtissier, alors que je tentai de rester de marbre. Non ! J'suis en boule! Parce que, ouais, elle m'avait quand même bien zappé de sa vie la dernière fois. Et on était un peu rancunier dans la famille. Ouais, enfin, carrément rancunier. Encore que je l'étais moins que la blonde. Le coup que je lui avais fait quand elle portait encore des couches-culottes, celui de couper les cheveux de son poupons pour me marrer, lui restait encore en travers de la gorge et ressortait à l'occasion. D'ailleurs, avec Noël, je ne couperais probablement pas à un repas en famille, et donc à cette anecdote. Une fois encore. C'était à peine lassant... J'observai Isla se mettre à la tâche. « C'est pas con... Faudrait que je marque le coup aussi. » Et sans dépenser une tune si possible, parce que mes finances étaient au ras des paquerettes dernièrement. « Tu crois qu'une chanson lui plairait ? » Je mimai le fait de tenir une guitare et d'en jouer, façon rock star des années 70'. Plus qu'à imaginer le fut' zebré, le haut rose fluo et la coupe de cheveux Bon Jovi à ses début. « Heeey, little siiis' ! You've killed the cooop in youuuu. You won't put me to shaaame anymoo-oo-oore... » Mes doigts descendent sur le manche imaginaire, montant ainsi dans les aigus. « But I guess you'll fiiind a new waa-aaay... » Parce qu'elle trouvait toujours de quoi m'embarrasser. C'était son boulot de petite sœur, probablement.
Elle continuait à s'activer aux fourneaux, silencieuse. Ce qui était bizarre. Je ne la connaissais pas aussi peu communicative. Par le passé nous avions toujours trouvé sans aucune difficulté des sujets de conversation. Du plus banal au plus surprenant. Alors pourquoi était-ce devenu si compliqué d'échanger quelques mots ? A croire que je n'étais pas le seul paumé. Pôle Nord ? Il me fallut plusieurs secondes pour comprendre qu'elle faisait allusion à ce que je venais de mettre sur mon crâne. Ah, oui, le bonnet... Je le retirai rapidement et le jetai sur le canapé. Ce n'était pas avec ce truc que j'allais réussir à garder mon sérieux ou le peu de dignité que j'avais. « Les lutins sont vicieux. Et là, ils sont carrément sur les dents. Vaut mieux se préparer à toutes attaques de leur part ouais. » Nouveau sourire débile. Une façon comme une autre de briser la glace.
Je baissai les yeux quand elle me demanda ce qu'il y avait de nouveau dans ma vie. Vous connaissez cette espèce de théorie de victoire après rupture ? Ouais, bon, la rupture en question avait été plutôt simple vu notre âge à l'époque, pas besoin de s’embarrasser de ruse quelconque ou autre, bye bye, chacun retournait à sa vie et hop c'était bouclé. Et puis, avec nos études, on n'avait pas, alors, le temps de s’appesantir sur la situation. Les bons côtés de la jeunesse. Mais, bref, il était de coutume d'être la personne qui s'en sortait le mieux après séparation. Beaucoup de films vous le diront... Bien que ce soit stupide, je le concédais. Quoi de neuf... Je savais qu'elle avait une vie mouvementée, qu'elle était sur plusieurs fronts à la fois, débordée. Alors que moi, où en étais-je ? Je me planquais chez ma sœur. J'étais sans boulot. Je n'allais nulle part. Qui gagnait, clairement ? Je grognai intérieurement. « Pas grand chose. » Voir rien du tout, en fait. Mais bon, si elle tenait vraiment à le savoir... « J'ai perdu mon boulot. Ma carrière de musicien est au point mort... 2014 se termine en beauté quoi. » Normalement, l'année prochaine ne pourra pas être pire. 'Fin... Je l'espérais. « Et de ton côté ? » Ash restait plutôt discrète avec moi quant à la vie de sa meilleure amie. Se contentant du stricte minimum. Et ça m'avait toujours énervé. Mais ce n'était pas comme si je pouvais l'obliger à m'en dire plus. Déjà parce que je n'avais aucune autorité sur elle, cette ingrate estimait qu'elle ne me devait rien alors que, quand même, j'avais quand même changé ses couches merde ! Ensuite, elle ignorait que je pouvais me sentir concerné. Et je préférais éviter qu'elle comprenne à quel point elle se trompait, je n'étais pas spécialement impatient qu'elle découvre qu'on s'était fréquenté dans son dos. Elle pouvait faire très mal...
Mon regard se perdit sur le gâteau qu'elle préparait, sur ses mains agiles. Mon esprit s'éloignait et s'égarait dans des souvenirs si lointain que je doutais de leur véracité. J'étais suffisamment crétin pour avoir embelli les choses, pour avoir mis cette relation sur un piédestal. D'ailleurs je n'avais jamais pu m'empêcher de faire la comparaison à chaque fille que j'avais fréquenté, elle était devenue une référence sans le savoir. Je souris en l'entendant chantonner du Mariah Carey. Sa voix me manquait. Son rire surtout... Damn, je sombrais totalement dans la nostalgie, je me serais bien donné quelques claques ! C'est à ce moment qu'elle e dit que je pouvais retourner à ma précédente activité. Comment dire... Je m'étais déjà bien défoulé sur ce truc, à en avoir mal aux poings, et maintenant je trouvais que lui parler était bien plus intéressant... Ouais, enfin, parler, parler... La regarder quoi. Je haussai les épaules. « Je pense avoir fait mon quota de sport pour les dix prochaines années, là. » Fut un temps où j'étais un accroc de l'effort. Faut dire que les cheerleaders étaient vachement encourageantes ! Mais à présent, j'en faisais le moins possible. Juste de quoi rester en forme malgré les bières que j'ingurgitais, pour pouvoir ôter fièrement mes fringues devant les demoiselles sans avoir à rentrer le ventre. Manquerait plus que je perde cet atout, et là je pouvais définitivement dire adieu à tout. Car, même si je pétais les plombs et que j'avais, entre autre, bousiller ma relation torride d'avec sexy Billie, les nanas étaient ce qui me restait de correcte et de plaisant dans ma vie.
Isla me coupa dans ma réflexion en parlant de... Hein ?! Mon porno ? Je clignai des yeux, dans la plus parfaite incompréhension qui soit. Qu'est-ce que... oh. Les menottes. Bon sang, j'avais vraiment du mal aujourd'hui, et pourtant je n'avais rien pris de spécial, si ce n'était une misérable bière dont j'avais laissé le cadavre traîner sur une étagère. Je jouai, nerveusement cette fois, avec les menottes, jusqu'à me les passer autour du poignet. « Oh... ça traînait là... » Et là, c'est le drâme. Je les avais refermé sans faire attention ! « Euh... » J'essayai, en vain, de les retirer. Mais elles n'avaient rien à voir avec celles que j'avais pu utiliser à des fins plus ludiques. Il n'y avait pas de sécurité, pas d'astuce pour les enlever sans clés... Les clés! Elles devaient bien être quelque part ! Je me mis à farfouiller le salon, car après tout c'était bien là que je les avais trouvé. En toute logique... Ash n'en a aucune! Ouais, pas faux... Je passai mes mains dans les recoins du canapé, dessous, examinai les tables d'appoints, la table basse, mais toujours rien. Je m'attaquai aux étagères, renversai les coupelles remplies de bricoles... « Vu que tu viens suffisamment souvent ici pour connaître la cuisine, tu ne saurais pas où Ashleigh rangerait des clés par hasard ? » lâchai-je dans une voix que je voulais posée, mais d'où transperçait ma panique. Alors que je m'attaquai au meuble télé, je fis tomber le sapin dans un geste maladroit. « Et merde ! » Je le redressai tant bien que mal.
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Sujet: Re: Honey, I’m home! – DEKLAN & ISLA Dim 5 Jan - 4:42
Deklan & Isla
honey, i'm home!
« Tu peux toujours t’occuper du glaçage. » que je proposai, pour lui permettre de participer un peu à mon cadeau improvisé pour sa soeur. « M’enfin, tant que tu ne te sers pas de ton nouveau pouvoir pour écrire des insanités ou dessiner des formes grivoises… » je ne pu m’empêcher d’éclater de rire, sachant parfaitement que Deklan sauterait sur la première occasion de faire une gaminerie du genre. Ash trouverait ça chiant au départ, mais au final, je suis persuadée qu’elle rigolerait autant que lui lorsqu’il aurait planifié son coup… et moi de l’avoir vu à l’œuvre. « Ou du moins, tente de personnaliser un peu la chose! » voilà un compromis qui me semblait juste… J’avais déjà hâte de voir ce qui lui passerait par la tête pour faire de ce gâteau une œuvre d’art complexe. « Tu crois qu'une chanson lui plairait? » Hum, bonne idée la rockstar pensai-je, avant de sentir mes lèvres tracer un grand sourire de le voir grimper sur le divan, mimant son prochain succès musical. « Heeey, little siiis' ! You've killed the cooop in youuuu. You won't put me to shaaame anymoo-oo-oore... But I guess you'll fiiind a new waa-aaay... » Je secouai la tête au rythme des pseudo-notes, comme si le fait de le voir se lancer dans un nouveau délire suffisait à faire descendre la pression. Et mine de rien, c’était exactement ce qui arrivait. Du moins, de mon côté. J’avais le regard un peu moins fuyant, et limite, je me laissais aller à quelques pas de danse pour accentuer la fête, en profitant pour chercher aussi l’extrait de vanille dans les placards de ma meilleure amie. Le malaise était tellement à son minimum que je profitai d’un temps mort musical pour me replonger dans de vieux souvenirs, croyant que c’était la bonne façon de faire. « Ça me rappelle la fois où j’avais eu une note de merde en math et que tu m’avais remonté le moral avec la chanson au sujet de mon prof qui passait ses soirées seul avec à embrasser sa calculatrice. C’était quoi déjà? » de voir que Dek ne suivait pas aurait dû suffire à me taire, mais j’sais pas, j’avais envie de continuer, envie de faire comme si de rien n’était peut-être, comme si mon départ n’avait pas cassé quelque chose entre nous, aussi jeunes et fous qu’on ait pu être. « He loveeeeeees numbers, he loves numbers so muuuuuuch. He wants to kiss his numbers all night, all night, all night looooong!!! » Silence. Lourd. J’avais faussé?
Nah. C’était plutôt parce que je ne comprenais pas les bases du small talk. Que je n’avais absolument aucune idée de comment faire pour recommencer à zéro, ou du moins, pour mettre un baume sur la chose, sur l’élément qui le rendait différent. Qui nous rendait différents, lointains. Et même si j’avais cru qu’un simple souvenir heureux pourrait faire comme si, je me rendais bien compte que comme avec Ash, ça prendrait du temps. Je tentais pourtant de camoufler la chose, chantonnant, en m’appliquant plus que jamais à fouetter mon mélange, comme si ma vie en dépendait. Je le sentis s’approcher, et j’adaptai mon fouet à la vitesse grand V, me disant que si au moins je ne contrôlais pas la façon dont Deklan me souhaitait la bienvenue, je pourrais au moins m’assurer de la quantité d’air qui entrerait dans mon gâteau. Chacun ses priorités faut croire. Et je lui posai la question qui tue. Celle qu’on sort en dernier recours, dans un cocktail où on croise des gens desquels on a oublié le prénom, pour faire brillant. L’éternel « quoi de neuf ». « Pas grand chose. » j’haussai le sourcil. En quatre ans? « J’ai perdu mon boulot. Ma carrière de musicien est au point mort... 2014 se termine en beauté quoi. » Le Deklan que je connaissais, celui d’avant, était un mec fort et fier, un peu con mais avec un cœur en or qui se laissait mener par ses envies plutôt que par des codes rigides pour être heureux. Le choc était assez intense quoi. De voir qu’il avait laissé de côté la musique, à l’époque il ne vivait presque que pour ça, me brisa un peu le cœur. Ash et moi étions des fans aguerries et ne manquions presque aucune des répèt’ de son groupe d’ados, avant. Pour le job c’était autre chose. Je veux dire, des boulots il y en avait pleins. Des ennuyants, des inspirants. S’il avait vraiment envie de bosser à L.A., il n’avait qu’à faire un tour du côté des annonces classées en ligne et il aurait 10 entrevues en 1 semaine. Bref, ce n’était pas un regard plein de pitié que je lui envoyai, mais plutôt un coup d’œil espiègle, confiant. « Il est toujours temps d’écrire au Père Noël pour lui demander de lésiner sur ton cas en 2015! » et de te botter les fesses pour te remettre à la musique aussi. Mais ça, je le gardai rien que pour moi…
« Et de ton côté ? » De mon côté. C’était long, et court à raconter. Quand on ne sait plus de combien ça date, de quand on a donné de vraies nouvelles, le temps et tout ce qu’on a pu accomplir paraît plus simple, d’un coup. Les problèmes étaient beaucoup plus gros avant, beaucoup plus durs à surmonter aussi. J’aurais pu lui dire que la raison pour laquelle j’étais partie en premier lieu, c’est-à-dire trouver ma mère, avait lamentablement échoué. J’aurais pu lui dire que jusqu’à la dernière minute, je croyais que fuir dans le premier avion qui passe était ce qu’il me fallait, que j’avais mis 4 ans et encore à me trouver. J’aurais pu aussi lui dire que je pensais parfois à partir de nouveau, que c’était devenu ma solution et que j’avais développé la pire des habitudes d’y voir de la facilité. Beaucoup plus que de faire face à mes p’tits démons. Mais à la place, j’y allai brièvement. « Oh, ben, comme tu sais je suis de retour depuis deux ans plus ou moins. Je continue quelques contrats photo dénichés durant mes voyages, et j’écris pour mon blogue aussi. Et j’ai pris des cours en pâtisserie… et je prête ma voix à un dessin animé… et comme d’hab je m’éparpille partout quoi. » petit rire nerveux, inquiet. Parce qu’au jeu de la plus instable professionnellement parlant, je gagnais la palme haut la main. Faire un topo des 4 dernières années n’était qu’une façon de plus de me le mettre en plein visage. & je retournai à mes gâteaux, parce que. Il fallait bien qu’il cuise, non? Un bruit au salon attira mon attention, mais pas assez pour que j'écoute vraiment ce que Deklan marmonnait. « Des clés? Quelles clés? » que je répondis, distraite. Je préférais et de loin me cacher derrière les comptoirs de la cuisine et penser à mon plan, d’ici à la fin de la cuisson de mon dessert, pour régler mes comptes avec lui. J’ignorais si c’était parce que j’avais horreur de sentir que quelqu’un ne m’aimait pas, ou parce que j’en avais assez de faire comme si de rien n’était et de laisser les choses se détériorer. Parce qu’avant d’avoir été mon petit ami secret, il avait été l’un de mes meilleurs amis, aussi…
Le bruit du sapin qui s’effondre me fit sursauter, assez pour échapper la cuillère de bois que je tenais fermement entre mes doigts. « Ça va?! » Il luttait contre l’arbre et les 1001 décorations étalées sur le sol, et en bonne âme j’allai tout de suite lui filer un coup de main, solidifiant le pied du sapin qui menaçait de partir dans un sens inverse à tout moment. Deklan soupirait, replaçant les branches, et au passage il m’agrippa les cheveux dans son élan. « Hey! » je me repliai sur moi-même, rigolant, le regard complice, avant de me lever d’un bond en prenant appui sur la même main qui venait de presque m’arracher une mèche. Quelques pas en arrière me semblèrent être l’idée du siècle et je m’exécutai, fixant les menottes qu’il venait de refermer sur son poignet. Je n’avais pas la moindre idée où Ash aurait pu mettre les clés… ma première idée aurait été probablement la chambre, quoiqu’elles semblaient être beaucoup moins confortables que celles qu’on voit dans les boutiques offrant des produits du plaisir. Fallait dire que malgré ce que Dek pensait, la blonde et moi avions dû travailler fort pour se refaire une place dans nos vies depuis mon retour. Pas qu’elle ait été particulièrement fâchée, j’aurais pu comprendre, mais simplement qu’on s’était éloignées. Beaucoup. Et que malgré mes bonnes intentions la distance avait mis notre amitié à rude épreuve. Mais on s’en sortait, pas assez pour que je connaisse ses coins secrets sauf. « On pourrait se séparer et fouiller un peu partout? Je parie qu’en 5 minutes ce sera réglé. » Je n’attendis même pas qu’il réponde avant de m’engouffrer vers la salle de bain. Bah quoi? Dans les films d’espions, j’avais souvent vu le personnage principal cacher des documents importants sous les serviettes. C’était une idée comme une autre, et au passage, j’en profitai même pour jeter un coup d’œil à mon reflet dans le miroir. Rien entre les dents, cheveux naturels, sans mèches rebelles. Et je soupirai. Vraiment?! J'en étais rendue là? Je pris 10 minutes à vider les placards à serviettes avant de me déclarer vaincue. Pas de temps à perdre, et je filai cette fois vers la chambre d’Ashleigh, ma première idée. Et à peine est-ce que j’avais débuté ma petite enquête – en évitant le tiroir à sous-vêtements, bien sûr! – que je tombai sur une photo d’elle et moi, à nos 15 ans.
« Deklan! » je l’appelai, le plus naturellement du monde, et attendit, presque à bout de souffle tellement je riais, qu’il arrive. « Regarde la tronche que tu fais! » La photo avait été prise chez Lavender et Rosa, lors d’un de nos énièmes après-midi de bronzette entre filles. Dek avait dû débarquer à l’improviste pour ramener sa sœur, et mes tantes ne l’avaient pas remarqué alors qu’il faisait une grimace hideuse en arrière-plan, à quelques mètres de nous. Mon ventre me faisait maintenant particulièrement mal d’avoir trop ri, malgré le fait que le principal intéressé venait de me piquer la photo des mains. « Joli t-shirt! » que j’ajoutai, remarquant qu’il portait l’un des t-shirts de son band fétiche à l’époque, dont il avait déchiré les manches pour un look encore plus rock. Et je me rapellai de tout d’un coup. Il ne venait pas que chercher Ash ce soir-là, mais moi aussi. C’était l’un de premiers soirs où il allait jouer avec son band de l’époque, dans un sous-sol d’église mais quand même, et il avait tenu à ce qu’on soit là pour lui éviter de devoir censurer ses paroles avec les mamies qui seraient présentes dans la salle. « J’ai toujours cru qu’à mon retour tu serais parti en tournée à l’autre bout du monde avec le talent que t’as. » que je glissai, sincère. Et j’aurais pu en dire long, longtemps. Que je ne savais pas que quelques semaines après la prise de cette photo, il m’embrasserait pour la première fois. Que j’ignorais encore mon envie brûlante de prendre la poudre d’escampette. Que… « Ça sent le brûlé ou c’est moi?! » Je me levai d’un bond et filai vers la cuisine. Désastre.
Un gros nuage noir flottait au-dessus du four, et le temps que je mis à braver la fumée en toussant à répétition pour aller sortir le gâteau était proportionnel à mon envie de le jeter au bout de mes bras.
Oh!Darling
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Sujet: Re: Honey, I’m home! – DEKLAN & ISLA Dim 12 Jan - 19:13
HONEY, I'M HOME!
isla et deklan.
Quand elle me confia une tâche dans la confection du gâteau, mes yeux s'illuminèrent. Vraiment ? Elle me pensait à la hauteur ? Elle ne craignait pas que je foute tout en l'air avec l'habilité légendaire des Monaghan ? Fantastique ! Un petit rien pouvait vous redonnez un coup de boost au moral. A bien y réfléchir, Isla avait toujours su s'y prendre avec moi pour ces choses-là. Comme si elle savait instinctivement quand j'avais besoin d'un coup de pouce. Bon, par contre, c'était con de sa part de préciser jusqu'où ma créativité ne devait pas aller, car je n'y avais pas pensé jusque là. Maintenant... L'idée que la gueule pourrait faire ma sœur en découvrant mon travail accentua mon intérêt pour la tâche. Surtout qu'il était si facile d'agacer la blonde. « Mouais... j'ai peut-être quelques petites idées... » Je me frottai les mains, un sourire machiavélique sur le visage avant d'adresser un clin d’œil à la brune. « Des p'tits cœurs par-ci, une licorne par-là... » Ajoutai-je de mon air le plus innocent. Même si je savais très bien qu'elle ne tomberait pas dans le panneau. Le mauvais côté de s'être côtoyer. Elle devait se douter de tout ce qui pouvait me venir à l'esprit.
Mon improvisation eut l'air de lui plaire. Isla avait toujours été bon public, aussi je ne savais pas si je pouvais réellement compter sur une impartialité de sa part. Bah... Les paroles ne volaient pas haut, les notes poussées ne payaient pas de mine, mais c'était peut-être le tube de l'année, qui sait ? Ça ne pouvait pas être pire que certaines horreurs qui passaient à la radio. Alors, ouais, je souris, content. Surtout parce que je viens d'obtenir en quelque sorte son approbation, et que ça vaut plus que ce que je ne voudrais jamais admettre. La jeune femme, qui par sa simple présence troublait mon rythme cardiaque, enchaîna sur un souvenir commun. Les paroles et sa voix qui les lâchait dans la pièce firent naître un sourire sur mes lèvres. C'était le bon vieux temps. J'étais très productif en matière de chanson à cette époque. Le moindre sujet et je vous pondais une connerie qui parfois tenait même la route. Maintenant, c'était la croix et la bannière pour aligner les mots, j'étais comme vidé de toute inspiration. « Ah ! Et celle sur les cheerleaders un peu trop enjouées ! » Je fouillai dans les méandres de mon cerveau fatigué par les années, ne rencontrant que des murs dont ne transperçait que de vagues souvenirs quant à mes autres créations inspirées. « Bon, j'sais plus ce que c'était au juste, mais il était question de traces d'herbes, de grand écart et d’herpès. » J'éclatai de rire en me rappelant de leurs gueules quand j'avais poussé la chansonnette pendant une soirée d'après match. Elles n'avaient jamais réellement eu le sens de l'humour et encore moins celui de l'auto-dérision... Les pimbêches ! Mon sourire, éclatant au départ, perdit de sa joie. Car, ouais. C'était un bon souvenir. On avait passé de bons moments ensemble, on avait ce qu'on appelle une belle complicité tous les deux. Mais c'était terminé. Maintenant ? On était à peine foutu de se trouver dans la même pièce sans que ça devienne gênant. Pire que des ados qui découvrent le sexe opposé, car là on connaissait assez bien l'anatomie de l'autre et son passé, mais on ne savait plus qui il était.
Je voyais bien à son visage qu'elle ne s'était pas attendu à une telle réponse de ma part concernant ma vie. Normal. Quand on s'était séparé, j'avais des rêves plein la tête et le monde à mes pieds. Du moins, c'est ce que je laissais à penser. Je débordais, à l'époque, de confiance en moi et je devais passer pour un connard prétentieux mais je n'en avais rien eu à faire. Les gens pouvaient penser ce qu'ils voulaient, et c'était toujours le cas d'ailleurs. Du moment que j'avais des gens derrière moi à me soutenir... Ce qui n'était pas forcément le cas à présent. Mes proches avaient tous leurs problèmes, leur vie à gérer et donc pas toujours du temps à accorder à mes emmerdes. Et comme je masquais ma baisse de moral derrière des vannes pourries et de grands sourires, ils ne pouvaient pas savoir obligatoirement ce qui se tramait en réalité dans mon crâne. Je donnais le change. Prétendais être toujours ce même gars, le bon vivant, celui qui ne se soucie de rien et qui va de l'avant à son rythme. Je n'allais certainement pas étaler mes angoisses à la vue de tous ! Je n'en voulais pas de leur compassion et de leur apitoiement. Plutôt crever. Ashleigh savait s'y prendre avec moi. Elle comprenait qu'il me fallait du temps pour cogiter, aussi me donnait-elle de l'espace au lieu de faire son emmerdeuse moralisatrice habituelle. C'était d'ailleurs chiant ce côté de notre relation. Autant elle foutait la paix aux autres, ne se mêlait pas de leurs affaires et pourtant y'avait de quoi faire avec, entre autre, Jacks, son cher BFF comme elle disait, qui se retrouvait tout de même avec un gamin non désiré sur les bras. Mais moi je n'y coupais jamais... « Je pense que le vieux barbu a mieux à faire. »
J'écarquillai les yeux de surprise lorsqu'elle parla à son tour de ses occupations. Putain de merde! Je m'étais évidemment attendu à ce que sa vie soit bien remplie la connaissant, mais pas à ce point ! Là... Spider-man passait pour une fillette à côté à ne gérer qu'une double vie ridicule. Il pouvait aller se rhabiller, ranger son costume d'araignée et pointer au chômage comme moi. C'était peut-être une bonne chose, finalement, qu'elle ait mis les voiles. Si elle était restée ici, elle aurait piétiné, or elle était de ces gens plein d'avenir qui ont besoin de beaucoup d'espace. Comme cette histoire avec les poissons rouges. Paraît que si on les fout dans un contenant plus grand qu'un simple bocal, ils grandissent, se développe d'avantage. J'avais lu ça quelque part. Bon, ok, j'étais tombé sur un documentaire à la télé, en zappant au hasard. « Tu doubles des dessin-animés ? Sérieux ? » Ouais, c'était la partie qui m'avait le plus estomaqué. Mon côté grand gamin sans doute. J'étais certes nostalgique des bons vieux Disney de mon enfance sans toute cette technologie actuelle, dans le genre vrai dessin animé et pas image de synthèse à la con, mais ça n'en restait pas moins impressionnant. « Si ça se trouve j'en ai vu quelques uns sans m'en rendre compte... » Pourtant j'aimais à croire que je reconnaîtrais sa voix entre mille les yeux fermés. « Tu ne dois pas avoir le temps de t'ennuyer. » Ni de temps à perdre à me tenir compagnie comme aujourd'hui. Je m'estimai donc chanceux qu'elle ait ce foutu gâteau à faire pour Ash.
C'est là que la malchance frappa. Ces foutues menottes... Dans un accès de panique j'avais renversé l'arbre de Noël de ma frangine et me dépêtrai avec difficulté. Comme souvent, Isla vînt à ma rescousse. Cependant, la maladresse s'accrochait à ses cheveux. Ses beaux cheveux bruns dont émanait le doux parfum du shampoing qu'elle utilisait. Ça, plus la présence si proche de son corps, j'eus vraiment du mal à me dégager sans provoquer trop de dégâts. Se séparer. Oui, excellente idée ! J'acquiesçai vivement de la tête et l'observai, soulagé, partir dans le couloir. Je restai un instant immobile, le temps que mon pouls cesse de s'emballer, me passai les mains sur le visage, lâchant un profond soupir. Alors que je me relançai dans mes recherches dans le salon, sa voix m'appela de la chambre. Je redressai aussitôt la tête et filai la rejoindre, impatient de me débarrasser de mes entraves. La déception prit rapidement le pas lorsque je compris les vraies raisons de cet appel, mais n'en fus pas moins intrigué. « La tronche ? Quelle tronche ?! » Je regardai par-dessus son épaule, faisant de mon mieux pour ignorer cette fois à quel point ses cheveux sentaient bon. La photo me dit vaguement quelque chose sur le coup. Je la lui pris des mains, peut-être de façon un peu brusque, m'enfin. Je la rapprochai de mon visage et celui-ci se dérida. Ouais, ça me rappelait quelque chose. Mes premiers pas sur scène... Bon, c'était un grand mot, mais quand même. J'avais tenu à ramener les filles avec moi, pour avoir du soutient, pour motiver les gars, et ça avait fonctionné à merveille. « C'est vrai que ce n'est pas mon meilleur profil. »
Sa remarque me fit l'effet d'une bombe. Je clignai des yeux alors qu'elle se précipitait à la cuisine pour une histoire de brûlé. Pour ma part, je n'y prêtai pas attention le moins du monde, trop absorbé par mes pensées. Je pinçai les lèvres, le regard dans le vide. Les premières notes de ''The Number of the Beast'' m'extirpèrent de mon immobilité et je partis en courant rejoindre le salon pour sortir mon portable de la poche de ma veste. Au passage, je libérai la brunette de son fardeau et balançai le plat brûlant sur le meuble de cuisine, les maniques avec et jurant sous la surprise de la chaleur. Ashleigh. Évidemment. Son sixième sens de chieuse devait la titiller. Je décrochai, tâchant de me montrer calme. « Quoi ? » Pas de ''bonjour'' ou autre entre nous, c'était une perte de temps. La fumée me prit à la gorge et je toussai. « Bah alors frangin, on a trop fumé ? T'es où ? » J'allai ouvrir la fenêtre en jetant rapidement un œil à Isla pour m'assurer qu'elle maîtrisait le coin cuisine. D'un geste de la main je lui fis comprendre que sa blonde d'amie était à l'origine de cet appel. « Qu'est-ce que tu veux ? » demandai-je de manière assez froide. Je n'étais pas d'humeur à engager la conversation avec Ash et encore moins à lui révéler l'endroit où je me trouvais. Et elle le sentit. « Dis-le tout de suite si je t'emmerde. » « Si tu y tiens... » Mais bien entendu elle ne s'en formalisa pas et s’évertua à discuter malgré tout. « Je voulais juste savoir tes plans pour la soirée. J'ai bouclé ce qui m'emmerdait, je suis désormais une galloise libre, et me jeter une pinte ou deux ne serait pas de refus pour fêter ça. Le Barking, ça te tente ? » « T'as déjà fini ?! » Oui, bon, ma voix était peut-être un brin trop aiguë pour que ça passe pour de l'admiration. « J'veux dire... T'as terminé ta journée ? Tu... Tu rentres chez toi ? » Mes prunelles se posèrent sur Isla et le morceau de charbon qui reposait sur le plan de travail. J'entends ma sœur soupirer à l'autre bout. « Crois-le ou non mais y'a deux types qui tiennent à marquer le coup. » Je fronçais les sourcils. Ash se serait fait des amis parmi ses collègues ? « J'sais pas encore si c'est parce qu'ils sont soulagés que j'me barre ou si vraiment je vais leur manquer, mais bon. Je ne vais pas cracher sur des verres gratuits. » Ouais, ça, ça ressemblait d'avantage à la morveuse. « Enfin bref, t'es partant pour ce soir ? J'vais faire le tour de mon répertoire histoire de me sentir un brin aimée dans la soirée... » Je soupirai à mon tour, mais de soulagement. « Ouais, on fait comme ça. Il faut que je te laisse. » Et je raccrochai alors qu'elle émettait un début de protestation. Je balançai le portable sur le canapé et revins auprès d'Isla.
« Y'a des chances qu'elle t'appelle, elle veut se saouler ce soir. » Je roulai des yeux avant de les poser sur les dégâts. « Va falloir un sacré glaçage pour faire passer ça. » Dis-je, un sourire moqueur aux lèvres. « Mais si on en revenait au plus important : moi ? Je trouve que tu te disperses un peu trop, là, tout de suite. T'es censée me libérer de ces trucs. » Je lui plantai mon poignet gauche prisonnier sous le nez. C'était bien beau de se remémoré le passé et de cramer de la bouffe, mais ça ne faisait pas avancer le schmilblick. Je n'avais pas vraiment envie de me voir affublé d'un accessoire de mode hors norme, surtout si je devais aller côtoyer les habitués du Barking. Allez expliquer aux gens que c'est arrivé par inadvertance et sans l'ombre d'une pratique sexuelle discutable... Personne ne gobera la vérité quant à leur présence autour de mon poignet. « Peut-être que t'as besoin de plus de motivation mam'zelle. » Je choppai son bras droit et refermai les menottes autour. « Là. Tu te sens plus concernée maintenant ? » Désormais, elle était aussi emmerdée que moi. Surtout si elle tenait tant à bourrer ma sœur avec ses gourmandises maison. Je tirai un coup sec sur mon bras ce qui l'amena contre moi. Ah, cette partie ne serait pas déplaisante. Je plongeai mes yeux dans les siens, un sourire satisfait sur les lèvres. « Donc. Si t'étais une blonde casse-couille, où rangerais-tu des clés de menottes ? »
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Sujet: Re: Honey, I’m home! – DEKLAN & ISLA Jeu 16 Jan - 5:39
Deklan & Isla
honey, i'm home!
Je ne pu m’empêcher de sourire à voir ses yeux brillants lorsque je mentionnai l’un de mes mille et un boulots : le doublage de dessins animés. Honnêtement, je n’avais pas du tout la moindre idée de ce que j’avais pu faire pour tomber là, mis à part le fait que la productrice de l’émission avait craqué pour mon imitation de Mario Bros au lancement de la nouvelle chaîne de télé locale. La suite était aussi simple que « Yep, je fais la voix de Super Steve, dans Super Steve autour du monde! ». Et hop la magie qui disparaissait. Parce qu’une grande brunette un peu trop accro au maquillage qui se cache derrière Steve le brave devait tout de même faire un choc. Non madame, votre sauveur n’est pas le grand mec musclé qu’on vous promet en matinée le samedi. Mais pourtant, je devais avouer que j’étais tout de même fière d’avoir réussi à enfiler les chaussures – pas mal plus grandes que les escarpins que j’avais l’habitude de porter – d’un super héros, encore plus lorsqu’il avait le pouvoir de voyager autour du globe en à peine quelques minutes. Ironique qu’à mon retour à L.A. j’ai décroché ce job? Assurément. Mais si je pouvais voyager un peu grâce à mon alter égo enfantin, c’était déjà ça. « Tu ne dois pas avoir le temps de t'ennuyer. » J’haussai les épaules, muette. En vrai, je m’emmerdais souvent. La majorité de mon temps se passait en tête à tête avec mon ordinateur, à écrire. À échanger avec des gens que je ne connaissais pas, à leur parler de ma vie, à les faire entrer dans mon quotidien alors qu’ils ne partageraient rien d’autre que des « J’adore ta robe! » « T’es trop chanceuse d’avoir rencontré ce designer! ». Mis à part mon disque dur, et Ashleigh qui m’avait fait de nouveau une place dans sa vie, je n’avais rien de bien tangible autre que le travail qui m’occupait plus qu’il ne fallait. Des amis, des gens qui débarquaient à l’improviste chez moi, qui se plaignaient de mon manque de nourriture dans le frigo ou de l’odeur de vernis qui régnait en permanence chez moi, se faisait rare. « Disons simplement que je manque souvent de temps. » Qui sait? Peut-être que si je le répétais assez fort, on finirait par me filer 2 ou 3 heures de plus qu’aux autres, pour que je recommence à me bâtir une vie sociale avec un minimum de potentiel.
La suite était un peu pas mal chaotique. Le sapin qui s’effondre de tout son long, Deklan qui s’élance, mes cheveux qui se mettent en travers du chemin, nos regards qui se touchent, ma façon peu subtile mais tout de même particulièrement efficace de me détacher et de filer d’un côté, silencieuse. Il venait de se prendre le poignet dans les menottes de sa sœur et je luttais entre l’éclat de rire incontrôlé et le soupir entendu. Deklan avait cette manie de faire des conneries sans trop réfléchir. Adolescente, j’admirais son caractère toujours très relax, sa capacité à se ficher d’un peu tout, à se laisser guider par le flot plutôt que de prendre position. Il faisait partie de ceux qui déconnaient parce que ça les faisait rire, parce que ça montrait qu’ils n’avaient rien à foutre des conséquences. Les menottes n’étaient qu’un exemple parmi tant d’autres. Il était adorable, bref. Tellement, que je me mis à la recherche des clés pour lui éviter les moqueries de sa sœur si elle débarquait en voyant le résultat de ses gamineries. Je débutai donc par la salle de bain, m’assurant au passage que mes cheveux malgré l’attaque précédente étaient toujours dans un état potable, avant de filer vers la chambre de ma meilleure amie. & c’est à cet endroit que je dénichai le plus hilarant des souvenirs de ma vie d’avant. Ashleigh et moi en bikini, clairement la puberté nous avait laissé de côté jusqu’à nos 15 ans, et Deklan qui grimaçait comme un con à l’arrière. « La tronche ? Quelle tronche ?! » J’arrivais à peine à garder mon calme, mes éclats de rire encouragés par l’air qui se collait à son visage, alors qu’il s’observait, tournant la photo dans tous les sens. « C'est vrai que ce n'est pas mon meilleur profil. » j’hochai la tête positivement, les yeux humides d’avoir tant rigolé. Et Dek restait là, hébété, sûrement à observer ses muscles naissants, ou son attitude de rockstar en devenir, celle-là même qui m’avait fait craquer plus jeune. « J’imagine que tu veux parler de ça, lorsque tu penses à ton meilleur profil… » je joins le geste à la parole en grimpant sur le lit d’Ash, mimant une pose que Deklan répétait souvent pour les caméras, back in the days. Mes doigts se pliant automatiquement pour laisser pouce, index et auriculaire bien en vue, j’imitai les chanteurs métal de l’époque en levant mes bras en l’air. Puis, je changeai complètement mon expression, fronçant les sourcils, noircissant mon regard, supprimant tout sourire. Le Monaghan avait toujours cet air un peu fâché, un peu grognon sur les photos qu’on prenait habituellement, comme si ça cadrait avec sa guitare électrique et ses paroles de chansons qui l’étaient toutes autant. Mon imitation du jeune Dek terminée, je me laissai choir sur le lit, laissant échapper qu’à l’instant, je m’imaginais qu’il serait sur une scène, dans un autre pays, à faire rouler un band en qui il croyait depuis bien longtemps… remarque qui sembla avoir un drôle d’effet sur lui. « Je veux dire… t’es vraiment doué Deklan. Et si tu me demandes, tu ne devrais pas laisser la musique de côté. » Assez. Il ne me demandait rien. Il ne voulait certainement pas connaître l’avis de celle qui était disparue pendant deux ans sans le lui dire, sous prétexte qu’elle se souvenait qu’il savait bien gratter une guitare, dans le temps. N’est-ce pas?
Je n’eus pas le temps de poursuivre ma pensée que le gâteau brûlait à la cuisine, me forçant à y courir en dingue. Mais trop tard, parce qu’à mon arrivée, il était irrécupérable. Merde. J’aurais pu penser à prendre les gants pour le four ou à le laisser refroidir le temps de me ressaisir de ma p’tite honte de gâcher un dessert, mais j’eus aussitôt la brillante idée de sortir le plat du gâteau avec mes pauvres mains innocentes, sursautant au contact de la chaleur sur mes doigts, au même moment où le téléphone de Dek se mettait à sonner. Je le vis me filer un coup d’œil alarmé, me voyant lancer le gâteau au bout de mes bras après m’être sauvagement brûlé. Et le pire n’était pas la douleur, mais plutôt lorsque je compris que l’interlocutrice de Deklan était la jolie blonde, propriétaire d’un appart qu’on venait de foutre en l’air. Je figeai. Puis filai à la fenêtre pour l’ouvrir et tenter de laisser sortir le plus d’air possible, de fumée aussi, et de tout ce qui pourrait complimenter mon gâteau calciné. Mes jambes me tirèrent au lavabo, où je commençai à faire la vaisselle, entrecoupant la tâche en gesticulant d’un sens et de l’autre pour ranger les ingrédients que j’avais laissés traîner sur le comptoir. L’eau savonneuse commençait dangereusement à vouloir déborder lorsque Deklan porta le coup de grâce. « T'as déjà fini ?! J'veux dire... T'as terminé ta journée ? Tu... Tu rentres chez toi ? » Coup d'oeil paniqué. Je ne pu m’empêcher de retenir mon souffle, laissant l’eau couler, mon regard partagé entre l’arbre de Noël qui tanguait vers la gauche et ses décorations pour la plupart éparpillées au sol, les menottes qui ornaient le poignet de Dek et ma catastrophe sucrée qui me narguait. Oups, comme cadeau de célébration d’une nouvelle vie pour la BFF, y’avait mieux. Il raccrocha, me permettant enfin de souffler, juste à temps pour remarquer que je pataugeais maintenant dans une flaque de mousse, résultat d’avoir laisser le robinet aller tout le long de l’appel. « Aaah! » que je laissai échapper, sursautant de ma maladresse. Deklan mentionna que sa sœur voulait sortir célébrer, ce qui m’arrangeait limite là maintenant, avant d’ajouter un « Va falloir un sacré glaçage pour faire passer ça. » qui me laissa amère. Et moi qui venait de lui lâcher que j’étais en pâtisserie… « Le glaçage, c’est ton boulot à toi. J’espère que tu maîtrises aussi bien l’art des licornes et des petits cœurs que tu le dis. » que je répondis, du tac au tac.
Drôle d’impression de déjà vu que j’avais maintenant, à voir le grand frère d’Ash se tenir devant moi. Si j’avais pu compter le nombre de fois où sa galloise de sœur lui avait téléphoné à l’improviste quelques secondes avant qu’il m’embrasse, comme si elle savait que nous étions ensemble avec son sixième sens en béton… Sauf qu’à l’instant, Deklan et moi n’avions rien à lui cacher. Et c’était presqu’une première. « Mais si on en revenait au plus important : moi ? Je trouve que tu te disperses un peu trop, là, tout de suite. T'es censée me libérer de ces trucs. » Les menottes vinrent se déposer directement devant mes yeux, avant que je les évite savamment en me penchant pour essuyer mon lamentable dégât d’eau. Trop rapide, pensai-je, avant de me faire prendre à mon propre jeu et de me retrouver menottée à lui. Quoi?! Le métal froid s’enroula prompto autour de mon poignet droit, le même qui venait de se brûler sur mon gâteau raté, et je laissai échapper un petit cri de surprise, et de douleur. Mon réflexe de le pousser loin de moi semblant impossible, je finis juste par passer mon poignet, entraînant le sien, sous l’eau glacée pour adoucir l’élancement. « T’aurais vraiment pu trouver une meilleure source de motivation, j’suis certaine. » que je glissai, me rendant compte une fois ma phrase terminée qu’elle pourrait facilement porter à double sens… oups. M’enfin, pour l’instant j’avais mal, il insistait pour qu’on reparte à la chasse aux clés, l’appart était sans dessus dessous et empestait et j’avais un article à rendre d’ici moins de deux heures. Il fallait rouler. « Tu veux trouver les clés? Trouvons les clés! » que je rajoutai, l’amenant tout sauf doucement sur mes pas, direction le salon. De ma main libre, je commençai à lancer dans tous les sens les coussins du divan, me disant que j’y trouverais peut-être l’objet de nos désirs. Je tombai tour à tour sur de la monnaie, sur la manette de la télé, sur une fourchette égarée, mais aucune clé de menottes à l’horizon. Chaque claquement de l’aiguille sur l’horloge d’Ash me donnait des frissons et je ne pu pas me retenir de soupirer de le voir là, relax comme personne, attendre que tout se règle comme par magie. Vous vous souvenez plus haut lorsque je disais que j’admirais son calme? Foutaise. « Au moins avant on pouvait broder qu’il n’y avait rien entre nous. Là, avec des menottes comme accessoire-clé, on semble un peu plus coupables. » Ouais, je l’avais fait. J’avais fait une mention sur notre passé, sur notre idylle secrète. Et rendue à ce point, je m’en fichais presque. Le malaise serait encore pire lorsqu’Ash arriverait et tomberait sur nous deux et sur le chaos qu’on avait causé en à peine quelques heures. Je n’avais absolument aucune idée d’où elle avait pu mettre ses putains de clés.
& puis quoi, hen? S’il pouvait rester autant zen face à la scène qui risquait de se produire, pourquoi pas moi aussi? Dans un élan de lâcher prise, je me laissai tomber par terre sur les coussins du divan éparpillés autour de nous, l’entraînant immanquablement dans ma pseudo-chute. Et voilà qu’on était là comme deux gamins, entourés de nos gaffes. Je fixai le plafond, prête à laisser aller le morceau, et à inventer la pire des excuses pour justifier notre position douteuse. « Par chance, je suis allée faire pipi avant que tu me menottes. » j’éclatai de rire, consciente de l’absurdité de mes paroles. « Y’a bien qu’à toi que je peux dire un truc du genre. Il nous arrive toujours les pires histoires! » Silence. J’inspire, me calmant presque automatiquement. C’est bien la thérapie du rire qu’il faut remercier. « On pourrait lui faire croire qu’on a dû garder les enfants des voisins et qu’ils deviennent de vrais petits démons lorsque les Teletubies sont à la télé… »
Super Steve. Eh bien, je ne m'étais pas attendu à ce genre de réponse. Je n'aurais jamais imaginé qu'elle double un personnage de sexe masculin. D'accord, je l'avais déjà entendu prendre une grosse voix pour certaines imitations, mais de là à aller plus loin... « Eh ben ! Je ne l'ai jamais regardé, mais je n'y manquerais pas. » Même si cela risquait de s'avérer perturbant. Hum. Encore que, il m'en faudrait beaucoup pour changer l'image que je me faisais d'elle. Image qui était restée gravée dans ma mémoire lorsqu'elle avait quitté le pays. Image qui avait peuplée mes rêves, obnubilée mes pensées et qui me revenait toujours en tête lorsque je faisais la rencontre d'une nouvelle jeune femme. Au moins je n'avais jamais fait la connerie de faire la comparaison à voix haute. Mon éducation m'en empêchait. Il faut dire que lorsque vous grandissez entourés de femmes, vous vous pliez rapidement aux bonnes manières qu'elles vous imposent. J'avais été en infériorité jusqu'à ce que notre mère rapplique avec son dernier mec. Mec qui s'était montré on ne pouvait plus génial et dont l'absence restait douloureuse... Elle manquait de temps, tandis que j'en avais trop pour réfléchir. Le chômage était un véritable fléau. Il n'y avait pas mieux pour bousiller l'estime de soi. Les plus confiants finissaient par douter d'eux-même. Étaient-ils des incapables ? Parviendraient-ils à se sortir de cette situation ? Surtout que, pendant que vous faîtes de votre mieux pour passer le temps, pour en tirer quelque chose de constructif, votre entourage mène sa vie. Vous vous sentez isolé, abandonné... Bref, vous avez le sentiment d'être une grosse merde. Des pensées sombrent s'installent dans votre tête, vous vous mettez à ruminer. Les plus fragiles sombrent dans une dépression. Par chance, je n'étais pas suffisamment malin pour ça. « C'est bien ce que je dis, t'as pas le temps de t'ennuyer. » répétai-je, un grand sourire aux lèvres. Car cela ne m'étonnait pas d'elle. Pas du tout. Miss pile électrique. De ce côté-là, on avait des tempéraments diamétralement opposés. Et elle m'avait toujours poussé à me bouger le cul justement. Il n'y avait pas meilleure carotte pour faire avancer l'âne bâté que j'étais.
La séance de nostalgie prenait une tournure amusante. Je l'observai grimper sur le lit et fus pris d'un fou rire. Oui, il était vrai que j'avais toujours surjoué dans mes expressions sur scène. On pouvait même dire que je me la pétais à l'époque, me prenant pour un dieu. Pour ma défense, je dirais que la réaction des nanas ne m'avait pas aidé à garder la tête sur les épaules à l'époque. Certaines allaient jusqu'à me suivre dans les couloirs du lycée, se pavanaient sur mon passage... Mes chevilles avaient un brin enflé et j'en avais pas mal profité. Même si au final je ne m'étais jamais réellement intéressé à elles. Parce qu'elles ne s'étaient jamais vraiment intéressées à moi. Seule ma popularité les avait attiré, ce qui m'avait chaque fois refroidi rapidement. J'étais un être humain, pas qu'un jouet. Même aujourd'hui, je rencontrais souvent ce problème. Dès que je creusais un peu, je découvrais que ma personnalité ne valait pas un clou à les entendre. Que seules mes prouesses dans un lit faisaient qu'elles viennent à moi. La seule à m'avoir fait me sentir exceptionnel se trouvait devant moi... Et elle avait fini par partir. Quelle conclusion devais-je en tirer selon vous ? « Admet que c'est toujours mieux que les poses girly qui envahissent les réseaux sociaux... quoique, ça me donnerait un nouveau style. » J'encadrai mon visage de mes mains, mis ma bouche en ''cul de poule'' et battis des cils. Puis mon visage prit diverses expressions dignes des top-modèles féminin qu'on pouvait voir en couverture de magasine. « Ça pourrait attirer un nouveau public, qu'est-ce que t'en penses ? » Autant elle avait le chic pour me dérider, autant elle pouvait l'avoir aussi pour plomber mon moral. Juste quand je venais de prendre la décision d'essayer de ''grandir'' et donc de mettre de côté mes rêves, voilà qu'Isla me conseillait de faire le contraire. Ou du moins de persister. Que dirait ma sœur en découvrant que sa meilleure amie avait une vision totalement contradictoire de la sienne quant au chemin que je devais suivre ? Selon la blonde, il fallait que je fasse passer la survie avant le plaisir. Que je me responsabilise un minimum, que je pense à mon loyer avant les soirées.
Ce n'était donc pas plus mal qu'on soit coupé par le four et par le coup de téléphone de ma sœur. Parce que j'ignorais ce que j'aurais pu répondre à ça sans m'effondrer. Si seulement Isla avait pu me le dire avant... La donne aurait été changée. La discussion moins pénible. J'étais parvenu à masquer la situation catastrophique de son appartement à Ashleigh, ce qui nous laissait du temps pour réparer les dégâts... Ou du moins pour les cacher. Comme je comptais cacher l'état du gâteau. Ma remarque ne sembla pas lui avoir plu, j'avais probablement manqué de tact. Well, le défaut ultime Monaghan. Et comme d'habitude dans ces cas-là, on ne sait pas rattraper le coup, on se contente d'ignorer le problème. « J'suis un artiste complet. » Je bombai le torse. « Mes œuvres ne sont pas du goût de tout le monde, mais elles ont de la gueule. » Était-ce nécessaire de préciser qu'Ashleigh faisait partie de mes détracteurs ? Non, c'était de nature publique. Je mettrai d'autant plus d'âme dans ce glaçage et tâcherais d'en faire quelque chose de mémorable ! « Par contre... ça se fait avec quoi du glaçage ? » Pour commander une pizza, j'étais un expert. Faire bouillir de l'eau pour y mettre des pâtes, aussi. J'savais même couper des légumes. Mais pour le reste, j'étais ignare. Je posai mes yeux sur le matériel encore disposé sur le plan de travail, cherchant un indice mais rien ne me percuta.
Autre bourde de ma part. Oui, je les collectionnais aujourd'hui, il fallait croire. Alors que je pensais lui extirper un rire en la liant à moi, je lui fis apparemment mal. Et merde. Je me laissai donc faire et serrai les dents au contact de l'eau gelée sur ma peau. « Désolé. Ash doit avoir de la crème dans son armoire à pharmacie. » En fait, elle devait avoir tout l'attirail de la parfaite maladroite. Et je m'étais découvert des talents d'infirmier avec la morveuse... Talents que j'avais confirmés auprès d'une certaine rousse qui avait de peu bouleversé ma vie, avant d'en disparaître aussi subitement qu'elle y était entrée. Je clignai des yeux en réalisant que cette rouquine et la jeune femme qui était à mes côtés avaient énormément de points communs... Que ce soit leur façon d'être, leur tempérament... Et dire que cela m'avait échappé jusqu'à présent ! J'eus un petit sourire lorsqu'elle fit remarquer que j'aurais pu mieux m'y prendre. « J'ai pensé que ce serait mieux de commencer en douceur. Mais si tu veux passer à la vitesse supérieure, t'as qu'un mot à dire, beauté. » Je lui fis un clin d’œil. Mais, même si un début de complicité se reformait, je n'étais pas encore totalement à l'aise. J'avais beau faire le fier comme à l'instant, je me sentais comme un ado mal dans ses baskets face à cette chose étrange et déroutante qu'est une fille. Je me laissai ensuite entraîner dans le salon et l'observai faire, n'ayant pas franchement envie de tenter une seule parole en voyant son agacement. Et je me disais qu'en en faisant le moins, j'évitais d'aggraver les choses. Mais apparemment, même ça ça lui tapait sur les nerfs. Je souris, hésitant, à sa remarque suivante. Je passai ma main libre à l'arrière de mon crâne, m'ébouriffant les cheveux. « Bah. On trouvera bien une raison crédible à sortir à la blonde si elle se pointe avant qu'on ne se libère... Ou alors, 'suffira de me faire porter le chapeau. Ça marche toujours. » Conclu-je, dépité.
Je tombai à sa suite lorsqu'Isla se laissa choir dans les coussins. Je manquai de peu d'atterrir directement sur son corps et me rattrapai à temps pour me poser à ses côtés. J'eus le temps au passage de profiter une nouvelle fois de son parfum et dus me murer dans un mutisme le temps de calmer mon corps. Inspiration. Expiration. Inspiration... Je dus même penser à des choses désagréable pour y parvenir. Hum. D'ailleurs, heureusement qu'elle évoqua sa vessie. Ça m'y aida. « Et moi... j'ai bu une bière. » Ouais, ça risquait de devenir gênant si mes reins se montraient productifs. D'accord, elle m'avait déjà vu dans le plus simple appareil, mais pas pour une telle occasion. Dans le genre tue l'amour... Je m'installai plus confortablement à mon tour, glissai mon bras libre son ma tête et fixai le plafond. Je faisais de mon mieux pour oublier ce qu'on pourrait faire d'autre sur ces coussins mais cela restait difficile. Une lutte de chaque instant. « Les pires histoires... » Moui, on pouvait voir ça comme ça. Sur papier, les aventures qu'on avait pu vivre n'étaient pas spécialement folichonnes ou agréable, pourtant... « Ça dépend d'où on se place. J'ai gardé de bons souvenirs moi. » Et puis, personne n'était mort, il n'y avait jamais eu de blessé non plus. Et avec le temps, on pouvait rire de tout ce qui nous était arrivé.
Je ris à sa proposition. Mettre ça sur le dos de gamins me plaisait assez. Cependant, Ash ne croirait pas deux secondes que j'avais pu me montrer volontaire pour une telle chose. Ni que ses voisins aient pu y penser. C'est qu'en général les parents n'ont pas spécialement confiance en voyant ma tronche d'abruti. « Ou que j'ai simplement voulu refaire sa déco pour me sentir un brin comme chez moi. » C'était déjà plus plausible. Si j'avais pu hausser les épaules, je l'aurais fait. Bon, déjà faudra régler la crise lorsqu'elle découvrirait que je squattais son appartement en son absence... Et le fait que je jouais avec ses affaires sans vergognes... Et qu'on avait failli lui cramer le tout. Mouais. « Je n'savais même pas que y'avait des mioches dans l'immeuble... » Je ne savais pas grand chose sur l'endroit. Si ce n'était les soucis que ma sœur avait avec son voisin le plus proche. Je tournai la tête vers Isla. Admirant son profil, son nez bien dessiné, ses lèvres douces, sa peau... 'tain, je m'égarais. Mais comme elle l'avait dit, les situations rocambolesques étaient un tantinet notre marque de fabrique. Aujourd'hui était comme un appel à la nostalgie. Alors qu'on s'était terré dans un mutisme depuis que j'avais appris son retour, voilà qu'on brisait la glace l'air de rien en nous rappelant les bons moments. De mon point de vue, du moins. Et cette nostalgie ramenait tellement de souvenirs à la surface que mon esprit s'embrouillait. Déjà que je n'étais pas franchement brillant en temps normal, j'avais encore plus de mal à cogiter. Pourtant il serait temps. On ne pouvait rester indéfiniment lié ainsi... Je levais mon bras droit pour observer de plus près ces saloperies. Ce faisant j'eus une belle vue sur le poignet meurtri de la belle brune. Je l'attrapai délicatement de ma main droite. « On ne va peut-être pas te laisser comme ça... »
Je me relevai en souplesse et l'aidai à en faire de même avant de l'entraîner jusque dans la salle de bain et de nous mener devant le lavabo. Là, j'ouvris l'armoire à pharmacie et piochai dedans. « Qu'est-ce que je disais ! Elle a tout ce qu'il faut miss Malchance. » Je dévissai un tube après avoir vérifié que je ne me plantais pas – manquerait plus que je lui provoque une allergie à la con – et lui appliquai doucement la crème sur sa peau rougie. Une fois chose faite, je me lavai rapidement les mains puis reparti dans les fouilles du petit placard, le tube toujours en main. Mon corps était tendu comme un arc. Fallait dire que la pièce n'était pas bien grande, voir minuscule et qu'au moindre geste mon corps frôlait le sien. Mes gestes se montraient mal-assurés, aussi l'inévitable se produisit. Alors que j'attrapai un bandage, que je comptais lui enroulé autour du poignet, je fis tomber un flacon. En voulant le rattraper, dans la précipitation, mon poing s'était resserré sur le tube. Le bouchon sauta sous la pression et un filet de crème vint s'écraser sur la chevelure d'Isla. « Shit ! » Je pris la serviette qui était suspendue à côté de la porte et essuyai rapidement... Mais ça ne fit qu'empirer. Au lieu de s'effacer comme par magie, la crème s'étala dans ses cheveux. Mon bras se figea tandis que j'écarquillais les yeux. « ... J'suis vraiment pas doué aujourd'hui ! » Surtout que, hé, on ne massacre pas les cheveux d'une fille sans en subir les conséquences d'après ce que j'avais pu comprendre en grandissant. C'était l'une des choses qu'elles avaient de plus précieux apparemment. « Je... J'vais arranger ça. Promis. » Lâchai-je avec précaution, craignant une réaction extrême de sa part. Mes yeux explorèrent nerveusement le reste de la pièce avant de se poser sur un flacon de shampoing qui se trouvait dans la douche. La cabine amena bon nombres de scénario déplacés dans mon cerveau et mon visage se crispa dans un sourire pour masquer mon embarra. Oh et puis merde. Je me débarrassai de mes chaussures et chaussettes, de mon pantalon par la même occasion pour ne me retrouver qu'en boxer, et entrai dans l'espace confiné, Isla à l'extérieur. Je n'avais aucune idée de comment m'y prendre réellement. Je voyais d'ici l'inondation que je risquais de provoquer, mais cela resterait plus facile qu'au dessus du lavabo... J'attrapai le pommeau de douche et ouvris l'eau pour la régler à bonne température, arrosant mes pieds. « Bon... » Je n'étais pas spécialement plus avancé. « Je te proposerais bien d'enlever tes fringues. Pour ne pas les tremper, bien sur. » Dis-je plein de sous-entendus voulus, accompagnés de mon sourire le plus charmeur.
« J'suis un artiste complet. Mes œuvres ne sont pas du goût de tout le monde, mais elles ont de la gueule. » Je ne pu m’empêcher de sourire en coin de le voir bomber son torse. On parlait bien de glaçage de gâteau ici. Quelque chose de bien de base, avec un peu de couleurs par ci, et s’il se sentait inventif quelques formes dessinées avec le dos d’un couteau par là. Limite, sa sœur ne se rendrait même pas compte du résultat final puisque je m’assurerais de sortir le gâteau à notre retour potentiel du Barking. La vue embrumée par les pintes de célébration qu’on lui paiera, elle n’aurait probablement aucun repère en ce qui concernant la déco du gâteau, et peut-être même l’état peu enviable de son appart actuellement. Oh ben tiens, voilà, je tenais notre porte de sortie. On lui éviterait d’entrer chez elle & on mettrait la faute sur le désordre au petit matin, du genre qu’on avait continué la fête ici après la fermeture du bar. Je jouais avec une bouteille de colorant alimentaire, particulièrement rassurée par mon scénario de sauvetage, voyant Deklan filer des coups d’œil à travers la cuisine à la recherche de son matériel d’artiste. « Par contre... ça se fait avec quoi du glaçage ? » Il était adorable. De la même façon que j’aurais été absolument clueless à devoir accorder une guitare, le gallois lui, était sans le moindre repère en cuisine. « Avec du sucre en poudre… » que je commençai, en approchant le contenant près de lui. « Un peu d’eau… » je laissai couler le robinet à bas débit, amusée, ne le lâchant pas des yeux avant de terminer en faisant un pas vers sa mine incertaine. « Et beaucoup de colorant! » je joint le geste à la parole en teignant mon doigt de colorant bleu, dirigeant ensuite mon index directement sur son nez. « On doit toujours tester nos ingrédients avant de se mettre à la cuisine! » J’évitai de justesse sa riposte en me recroquevillant au sol, rigolant, tentant de nettoyer le mini dégât d’eau que l’appel de ma blonde amie avait pu provoquer quelques minutes plutôt. Mais c’était sans savoir que Dek avait décidé de m’ajouter à l’équation avec les menottes, qu’il me passa à son tour savamment autour de mon poignet endolori, m’arrachant un petit cri de douleur mais surtout un regard noir. Ne vous méprenez pas, je n’étais absolument pas du genre à être méchante, ni excédée, ni ennuyée par quelqu’un. Au contraire, ma mentalité de pouliche avec des étoiles dans les yeux (dis comme ça, j’ai à peine l’air bizarre…) me rendait extrêmement accessible envers n’importe qui, n’importe quoi. Mais en ce moment, la surprise et la douleur brûlante n’avaient particulièrement pas fait bon ménage. Et l’air que j’ai dû filer au pauvre Monaghan dû lui confirmer que ça n’allait pas. « Désolé. Ash doit avoir de la crème dans son armoire à pharmacie. » Je me rendais compte que je n’étais pas la plus joviale en ce moment, et ça m’agaçait. Il n’avait rien fait pour que je me blesse, j’avais agis comme une grande et ce n’était pas à lui de subir mes élancements à ma place, mhm? « Nah, ça va. J’ai fait la conne, c’est ma faute. Tu pouvais pas savoir, t’étais occupé à nous sauver les fesses… » que je conclu un sourire compréhensif se dessinant sur mes lèvres, essorant la serviette imbibée de l’eau que je venais de sécher à nos pieds.
Nos regards se croisèrent alors qu’il osait un fin « J'ai pensé que ce serait mieux de commencer en douceur. Mais si tu veux passer à la vitesse supérieure, t'as qu'un mot à dire, beauté. », dragueur. J’aurais pu éclater de rire, ou en rajouter une couche, mais ma gorge se serra bêtement. J’avais l’impression que si j’intervenais, que si des mots sortaient, je dirais des conneries. Je m’empêtrerais dans mes idées. La solution? Faire comme si de rien n’était, comme si notre nouvelle proximité causée par les menottes était très, très temporaire. Que tout serait réglé dans quelques secondes et qu’enfin, je pourrais arrêter de fuir son regard comme une adolescente. Ouais, exactement. Je me rendais enfin compte que depuis mes premiers pas dans l’appart de la blonde, je me comportais comme si j’avais encore 16 ans. Comme si je venais prompto d’être propulsée à l’instant où j’avais appris par Ash que le footballeur sur lequel j’avais flashé en secret au lycée était en fait son frère. Comme lorsque j’avais passé une bonne semaine à être incapable de lui adresser la moindre phrase lorsque je passais chez ma meilleure amie et que j’avais le malheur/bonheur de le croiser. Comme lorsque j’avais dormi chez les Monaghan et qu’on avait passé près de 10 minutes à se brosser les dents côte à côte sans un mot, sans un regard, parce que j’étais mortifiée de savoir qu’il aurait toujours l’image de ma bouche et mes joues couvertes de dentifrice à la cannelle comme l’une des premières fois où il m’avait vu en vrai, avant que je file me cacher entre les rayons de la bibliothèque. Pathétique. « Salon? » et je fuyais, aussi simplement. L’entrainant dans ma maigre recherche des clés, oubliant presque qu’on était attachés et que je ne serais pas en mesure de prendre mes jambes à mon cou aussi rapidement qu’à mon habitude. Sérieuse, je fichai des coussins dans tous les sens, incapable de faire autrement, concentrée à tenter de maîtriser la sensation de serrement qui commençait à se déclencher dans mon ventre. « Bah. On trouvera bien une raison crédible à sortir à la blonde si elle se pointe avant qu'on ne se libère... Ou alors, 'suffira de me faire porter le chapeau. Ça marche toujours. » Je sursautai. Puis me tournai lentement vers lui, me mordillant la joue. Tout ce qui avait pu provoquer une tension idiote dans mes épaules, dans mon expression, ficha le camp le temps que je me hisse sur la pointe des pieds pour lui ébouriffer les cheveux. « Ben voyons! » je lui fit un clin d’œil amusé. « J’ai l’impression d’être avec un gamin pris en tord parce qu’il a mangé trop de biscuits. » je pouffai, parce qu’il n’avait pas du tout à prendre le blame sous prétexte qu’il était du genre gaffeur. J’avais mon lot de malchance depuis plusieurs années et était tout autant coupable que lui dans l’histoire. « Et puis ce serait bien trop simple. Tu me connais, je fais toujours dans le compliqué… on trouvera une histoire sans queue ni tête d’ours qui est débarqué pour nous attaquer en plein salon s’il le faut! »
En fait, on n’avait rien faire de mal dans l’histoire – pas encore – et que limite, il s’agissait du moment le plus marrant et le plus sympa qui m’était arrivé depuis bien longtemps, à force d’être enfermée dans mon appart à écrire. Alors si on pouvait prolonger un peu le tout, j’étais persuadée que mon moral ne s’en porterait que mieux… De ce fait, je l’attirai avec moi au sol sur la pile de coussins, question de laisser littéralement tomber la pression et mon attitude un peu trop chiante des dernières minutes. On était bien, comme ça, à fixer le plafond. « Et moi... j'ai bu une bière. » Le pire pourrait désormais arriver. Faussement terrorisée, je tournai sèchement la tête vers lui, les yeux ronds comme des billes. « So much pour la douceur, hen. J’ai l’impression que notre lune de miel est déjà terminée! » que j’éclatai. Et voilà, j’avais retrouvé le peu d’humour que j’avais perdu au passage, rien qu’à l’idée de devoir utiliser les toilettes avec Deklan qui se retrouve à me regarder, par-dessus mon épaule. La mention me secoua d’éclats de rire assez forts, alors que je lui confirmai que ce n’était qu’avec lui que je vivais des trucs pareils. Toutes les conneries qu’on avait pu faire jeunes avec Ash, ou sans Ash, à inventer des prétextes à la con pour justifier nos nuits blanches à écouter en silence nos CDs favoris, ou à piquer les clés de la voiture du nouveau copain de Lavender pour partir en roadtrip à trois vers San Francisco... il s'en était passé des choses entre nous deux depuis la fameuse soirée de la brosse à dents. « T’inquiètes, ces histoires-là sont des souvenirs que je veux garder en tête longtemps, longtemps. En disant « pire », je voulais dire « meilleur », hen. » Silence, regard en coin. Deklan finit en précisant qu’on pourrait aussi justifier l’état de l’appart d’Ash via ses nouveaux talents, le mot était très fort, de décorateur. À quoi je répondis du tac au tac « Oh, je te conseille de rester en musique alors. Le prends pas mal hen, mais tu es bien meilleur sur scène qu’à choisir le meilleur emplacement pour mettre le sapin de Noël d’Ash! »
Quelques minutes plus tard et il m’entrainait maintenant à son tour vers la salle de bain, question de sauver mon pauvre poignet. Et je le suivi en silence, parce qu’à la minute où j’avais mentionné le mot « musique », encore, il s’était rembruni. À croire que je n’apprenais pas. Sa carrière n’était pas de mes affaires. Son talent ne me regardait pas. J’étais partie merde, c’était pour faire la coupure. Maintenant, fallait que je reste conséquente. Bouche cousue, je me hissai sur le rebord du lavabo face à Deklan, le regardant chercher, les sourcils froncés, de quoi réparer mon pauvre poignet maintenant rouge pompier. J’étais contente, aussi, un peu. Bien sûr, je sentais que j’y étais peut-être allée un peu trop raide sur mon avis, mais en général, on avait réussi à se dire plus que depuis mon retour au pays. À partager de vieux souvenirs, à se regarder relativement souvent dans les yeux, je sentais qu’on avait fait du progrès. M’enfin, un ou deux pas dans la bonne direction, au moins. Je lui tendis alors mon poignet, fixant toujours ses doigts agiles prêts à régler le tout en deux trois secondes tout au plus. Et malgré le fait que je ne le quittais pas des yeux, les jambes ballantes au-dessus du parquet de la salle de bain, je ne vis pas du tout venir l’épisode de la crème dans les cheveux, le tube se déversant sur moi m’arrachant un p’tit cri de stupeur. Mes yeux suivirent, s’agrandissant encore plus qu’ils ne l’étaient déjà, avant qu’un nouveau fou rire me prenne, incontrôlable, me secouant à grands coups d’éclats. Mais qu’est-ce qu’il venait de foutre, ah!?
L'expression qu’il faisait valait de l’or. Pris entre la stupéfaction et le malaise, il se confondait en excuses, s’agitant autour de moi, m’essoufflant en me jurant qu’il règlerait le tout rapidement. J’avais juste envie de le prendre par les épaules et de l’arrêter dans son élan, mais il m’attirait déjà vers la douche, décidé. « Ça va, ça va. » que je lui confirmai. « J’savais que j’aurais dû arrêter de faire ma chochotte et me raser la tête au complet ce matin. J’ai une difficulté de fou à dompter ma frange ces jours-ci. » Et le voilà qui grimpait dans la douche, incapable de concevoir que j’aurais tout simplement pu me pencher sur le lavabo, rinçant le dégât sans gêner personne. Et alors que je m’apprêtais à lui dire qu’on pourrait régler cela sans la cavalerie, ici la douche microscopique de la blonde, je le vis retirer son jeans, se retrouvant en boxers sous mes yeux. Je suis désolée. Je suis vraiment désolée, mais je n’ai pu faire autrement que d’observer, le sourire aux lèvres. Parce qu’il n’avait fait qu’embellir et prendre du muscle avec les années, parce que malgré tout ce que j’avais pu vivre avec des conquêtes autour du monde, Deklan me faisait encore un effet fou. Le voir se dénuder ne fit qu’empirer la sensation qui me grugeait le ventre depuis notre premier coup d’œil. C’était confirmé, il me laissait tout sauf indifférente. « Je te proposerais bien d'enlever tes fringues. Pour ne pas les tremper, bien sur. » « Un vrai gentleman… » que je sous-entendis, joueuse, prenant sa proposition comme un défi. C’était gênant, ouais, mais il fallait ce qu’il fallait. Et c’était impoli de le laisser ainsi, alors qu’il ne voulait que m’aider. Nah? J’entrepris alors de retirer mon jeans plutôt facilement, avant d’être particulièrement gênée par mon t-shirt. « Là, j’y arrive pas… » que je murmurai, autant pour moi que pour lui, les mains littéralement entremêlées à travers les siennes, et mes cheveux en catastrophe. Fière, je voulu quand même poursuivre l’essai, me penchant par l’avant, tentant de passer une manche puis une autre, mais ma tête se bloqua à l’encolure du pull, incapable de passer sans qu’il ne lève le bras au-dessus de moi pour me donner un peu de jeu. Je titubais maintenant, tout sauf agile, tombant au passage sur les dalles devant la douche, incapable de garder mon sérieux. Mon acharnement finit toutefois par payer, et je me retrouvai rapidement en sous-vêtements devant lui, prête pour la suite des choses, lire ici me débarrasser au plus vite de la crème pour retrouver un minimum de contenance.
Face à lui, je fis mine de me pencher pour l’aider à rincer là où la situation était la plus catastrophique, fixant au passage ses pieds qui pataugeaient dans l’eau chaude. J’attrapai aussi une bouteille de shampooing aux agrumes derrière lui, faisant ma maline, toujours dans l’idée de simplifier l’opération au maximum. Mine de rien, me retrouver comme ça, trempée et entourée de ses bras, même si on était bien, bien loin de la dernière fois où on s’était tenus côte à côte « habillés » de la sorte, ça me donnait l’impression d’être tout naturel. Habituel. Et je vous entends déjà rire. Moi aussi, j’avais la rigolade facile, du coup. Parce que c’était très comique de me sentir si à l’aise avec si peu de vêtements, alors que quelques minutes plus tôt j’étais incapable de simplement lui filer un coup d’œil sans rougir. Le stress et la façon dont on réagit entre nous étaient deux puissants mystères pour moi, à cet instant-là.
Par chance, je mis fin à mes réflexions insignifiantes en lui filant un coup de coude dans les côtes, dos à lui, alors que je finissais de faire mousser le shampooing sur mes mèches. La suite, chaotique, ressembla à ça : je sursautai devant le geste plutôt violent que je venais de faire, échappant au fond de la douche la bouteille que je tenais entre mes doigts. Dans un geste pour la ramasser, on finit tous les deux par se recroqueviller et par pencher nos têtes pile au même moment, collision frontale, lui filant du savon dans les yeux et dans la bouche, alors que j’étais encore assommée du choc. J’était vraiment un cas grave ambulant aujourd’hui… « Je crois que je vais rester assise ici, pour éviter de tout faire exploser. » conclu-je défaitiste, le voyant porter ses mains à ses yeux pour tenter d’enlever le savon qui devait le brûler. Ma main suivi sans d’autres choix la sienne, et j’agrippai le jet d’eau pour l’aider à rincer à mon tour le dégât que je venais de faire. « Garde les yeux fermés, ça vaut mieux… » que je blaguai, mal. L’eau le fit sursauter et je souris, consciente qu’il devait seulement avoir hâte que je m’éloigne moi, mes gaffes, mon gâteau brûlé et mon poignet meurtri. Et, j’ignorais pourquoi, mais je pensai à l'instant que puisque nous étions en position plus que vulnérable, à genou dans le bain, blessés de partout où on pouvait l’être, le moment était bien choisi pour faire amende honorable. Pour lancer LA conversation qu’on évitait, que j’évitais, depuis mon retour. À savoir le pourquoi du comment je ne lui en avais pas glissé un mot, tout petit, lui annonçant mon départ comme je l’avais fait avec Ash. Je préférai donc commencer en douceur, et y aller d’une remarque cocasse, pour lancer la chose. « Clairement, ça nous aurait pris ces menottes-là bien avant. » longue inspiration, je ne riais plus. « J’aurais pas pu te cacher que je quittais L.A y’a quatre ans si tu m’avais menotté plus tôt. » Silence, la douche continuait de couler, mais la discussion me filait un malaise jusqu’ici plus fort que tous les autres que j’avais pu vivre depuis longtemps. « Ce que j’essaie de dire c’est que… »
Je me passai la main sur le visage, consciente que mon mascara devait m’avoir filé un air de raton laveur. Et même si j’avais encore envie de trouver une excuse conne pour repousser ce moment, j’avais entamé la discussion. Autant poursuivre sur ma lancée. « En fait, c’est juste que je trouve que le moment est bien choisi pour te dire que… ben… je suis désolée. » Je levais la tête vers lui, muette. « Que t’as toujours été important pour moi, et que je ne sais pas du tout pourquoi je ne t’ai tout simplement pas averti. » La vérité? Je me souvenais très bien des raisons qui avaient motivé mon silence. Par cœur. Je doutais simplement que j’étais prête à les lui révéler.
Ça n'avait pas l'air si sorcier que ça, en fait. Je rapprochai le récipient de sucre de moi, avant de jeter un œil à l'eau qui coulait... « Et les quantités ? » ajoutai-je, tout sourire. J'étais tellement concentré sur le fait d'être concentré que je ne vis pas son index s'approcher de mon nez. Je clignai des yeux, ahuri, louchant pour tenter de voir le résultat de son ''test'', m'imaginant avec le pif d'un putain de schtroumpf clown. Alors que j'appliquais à mon tour du colorant sur mes doigts pour l'en tartiner, elle prit les devants et se mit hors de portée. Damn. Elle me connaissait trop bien, j'étais trop prévisible pour elle, elle savait avant moi ce que je pourrais faire... Note pour moi même : ne jamais jouer au poker avec elle. Peu importe le genre, que la mise soit de l'argent ou des vêtements, dans tous les cas je serais perdant, nu et fauché. « Ce n'est pas très pro comme test. » râlai-je. Encore que, s'ils s'y amusaient dans Top Chef ou autre émission du genre, peut-être que ce serait moins barbant pour quelqu'un comme moi. Ou alors des combats de bouffe. Ou des nanas dénudées. Peu importe. L'interruption de ma chère sœur m'avait fait oublier ma volonté de vengeance – du moins, pour mon nez – mais pas celle des menottes. Revanche douloureuse pour Isla. Je fronçai les sourcils face à sa bravoure et à cette fâcheuse tendance qu'elle avait toujours eu à m'excuser pour tout. C'était que j'avais plutôt l'habitude du contraire avec la blonde, j'étais responsable de tous les maux à l'entendre. « Moui, mais si je n'avais pas fait l'abruti, on n'en serait pas arrivé là, pas vrai ? Donc, quelque part, j'suis quand même responsable pour ta brûlure. CQFD. » Je me demandai si ma prof d'arithmétique serait fière de me voir replacer ça. A défaut d'y être parvenu en cours. Hum.
Ma blague fit un bide. J'avais espéré lui extirper un rire, ou au moins un léger sourire, mais non, à la place elle s'était refermée comme une huître avant de me tirer de l'autre côté de la pièce. Je lâchai un soupir discret mais obtempérai. Elle mit davantage de désordre que j'en avais déjà mis dans mes cheveux alors que je me proposais d'endosser la responsabilité pour les dégâts causé dans l'appartement. Après tout, ce n'était pas si loin que ça de la vérité. Pas besoin d'être Einstein pour conclure que si je ne m'étais pas trouvé en ce lieu, aucune catastrophe ne se serait produite. Sinon, Ashleigh n'aurait jamais donné libre accès à son appart à sa meilleure amie, non ? Un gamin pris la main dans le sac... Moui, cette image me correspondait bien. Encore que, je n'arrivais pas à me décider quant à ce que serait le sac en question. Le simple fait de me trouver chez ma sœur, ou de flirter de façon plus ou moins inconsciente avec Isla ? La morveuse se contenterait probablement de la première solution, c'était déjà une limite à ne pas dépasser à mon humble avis. J'éclatai franchement de rire lorsqu'elle formula l'idée de l'ours. « Attends... Si vraiment ce genre de choses a déjà marché avec ma sœur... C'est que tu es vraiment douée pour l'amadouer! » De mon côté, j'avais beau travailler mes mensonges, changer mes techniques, faire attention à mes tics nerveux, rien n'y faisait. Ma frangine repérait tout de suite lorsque je lui racontais des conneries, même celles qui se tenaient le plus.
J'extirpai mon bras de sous ma tête. « Hey ! C'est qui qui a parlé en premier de ''faire pipi'' ? » Protestai-je en mimant les guillemets avant de venir tapoter son front de mon index. « You're guilty. » Les yeux de nouveau rivés au plafond, je laissai retomber ma main droite sur mon ventre. Un sourire amusé flotta sur mes lèvres. Je la retrouvais. J'avais de nouveau à faire à la Isla de mes souvenirs, celle qui savait me faire rire mieux que personne. Cela acheva de me détendre, mon corps relâcha toutes tensions. « Non seulement la lune de miel a touché à sa fin, mais en plus on s'embarque déjà dans les disputes... A ce rythme, je demande le divorce ce soir ! » conclus-je avec un claquement de langue désapprobateur avant de laisser échapper un rire de ma gorge. Rire qui résonna dans ma cage thoracique avant de s'éteindre. La discussion dériva sur nos souvenirs communs et la jeune femme me rassura en précisant qu'elle aussi en gardait les bons. Tant mieux. Le contraire m'aurait plutôt fait chier. Surtout que le seul réel mauvais souvenir était probablement le dernier...
« Ne critique pas mon travail je te prie. Y'a bien cette histoire de ''coiffé décoiffé'' pour les cheveux, non ? Bah je l'ai adapté à la déco. J'suis un peu le... » je claquai des doigts, cherchant dans ma mémoire le nom d'un seul coiffeur célèbre. Non pas que je m'intéressais à ces choses-là, mais je devais bien pouvoir piocher un nom dans l'une de ces publicités envahissantes qui interrompaient à longueur de temps mes programmes télévisés. « ... le ''Jean-Louis David'' de la décoration d'intérieur. » Je venais probablement d'écorcher le nom du gars à essayer de le prononcer en français, mais on s'en moquait, non ? Je levai le bras, décrivant un arc de cercle au dessus de nous. « Je vais te révolutionner tout ça. Tu pourras en parler sur ton blog et tu verras, ça fera un malheur. » Je me tins le menton et fis mine de réfléchir. « Le style Deklanesque. » Vu les conneries sur lesquelles je tombais parfois à la télévision, j'estimais que cela restait envisageable même si je ne prenais pas ce délire au sérieux. Une reconversion inattendue ? Haha, foutaise, je parviendrais à foirer ça aussi à tous les coups. Puis je l'avais traîné à la salle de bain pour jouer les secouristes amateurs.
Moi qui pensais avoir percé l'un des mystères des femmes, à savoir la valeur inestimable qu'elles donnaient à leur chevelure... Je me rappelais encore de la crise d'hystérie qu'avait eu ma frangine, alors âgée de huit ans, lorsque, après que je lui ai planqué un chewing-gum mâché par mes soins dans sa tignasse, notre grand-mère avait du sacrifier quelques précieuses mèches d'or. On aurait dit que la fin du monde s'était abattue sur notre maison. La tornade Ash avait tout détruit sur son passage dans ma piaule. Comics, jouets, poster, tout y était passé. Et je n'avais pas eu le droit de me plaindre, soit disant c'était mérité et blablabla. Alors le fait de voir Isla rire aux éclats après le massacre, involontaire cette fois-ci, que j'avais fait sur les siens... J'en vins à penser que les femmes de ma famille s'étaient foutues de ma gueule et qu'elles avaient exagéré ce point. Je m'étais stoppé dans mon élan lorsqu'elle avait parlé de se raser le crâne. What? Je la fixai un instant, tentant d'imaginer la chose. De l'imaginer sans ses magnifiques cheveux qui encadraient son visage et faisaient ressortir ses yeux... Je secouai la tête, chassant cette image de ma tête et repris ma tâche là où je l'avais arrêtée. Et nouvelle surprise venant de sa part. Alors que je m'attendais à quelques protestations tandis que je lui proposais clairement de se déshabiller pour le plaisir de mes yeux – parce que, clairement, je n'en avais rien à faire de ses vêtements –, elle le fit. Elle. Le. Fit. Putain de merde ! Je l'observai se débattre avec son t-shirt, interdit. Je n'osais plus bouger. Je n'arrivais plus vraiment à bouger, en fait, mes yeux attirer par cette peau qu'elle dévoilait. Je me faisais l'effet d'un zombie, me contentant de mouvoir mon bras au grès de ses propres mouvements, bouche entrouverte, focalisé sur d'autres images bien moins plaisantes histoire de ne pas me laisser aller à mes plus bas instincts. Je ne sais trop comment – et je ne le saurais probablement jamais – mais elle parvint à se débarrasser de son vêtement et me rejoignit dans la cabine. Sourcils froncés et lèvres scellées, j'arrosai ses cheveux précautionneusement à l'aide du pommeau de douche. « Je pense qu'il faut nous rendre à l'évidence. » dis-je gravement. « On forme une très mauvaise équipe en cuisine. » ajoutai-je, un sourire en coin.
Et, alors que je pensais que le pire était derrière nous, Isla enchaîna à son tour les gestes maladroits. Cela commença par mes côtes meurtries, ce qui me fit cracher tout l'air de mes poumons et fermer les yeux. Yeux que je rouvris en entendant un bruit soudain. Je la vis se pencher et du suivre le mouvement, me disant bêtement que c'était la meilleure chose à faire vu notre lien et c'est évidemment là qu'on se percuta douloureusement. Pour couronner le tout, je crachais à présent de la mousse et mes yeux me brûlaient horriblement. J'entendis vaguement Isla parler de rester assise, mais j'étais surtout occupé à m'essuyer le visage de mes mains, à me le frotter frénétiquement. Je sentis le pommeau m'échapper et sursautai lorsque l'eau m'aspergea la tronche. La surprise passée, je soupirai de soulagement bien que je n'y voyais toujours rien, mes yeux collés par l'eau. A l'aveugle, je décalai sa main, écartant le jet d'eau avant de passer mes mains sur ma tronche. Le temps de me remettre de ces émotions, je m'appuyai contre la parois de la douche et observai calmement Isla qui redevint soudainement sérieuse. Arf, ce n'était pas bon signe. Et en effet, l'expression de son visage accompagnait parfaitement ses propos.
Je l'écoutai en silence, rongeant mon frein, me retenant de grimacer face à la bombe qu'elle lâchait. 'Tain. J'allais finir par croire que j'étais désormais abonné aux conversations délicates avec les filles. D'abord Billie, maintenant Isla. Alors qu'il y aurait tellement de choses sympathiques à faire, surtout partis comme on était, dénudés comme on l'était. Mais non. Et puis, balancer ce sujet sur le tapis coupait toutes envies de toutes manières. J'évitai son regard, peu désireux d'affronter ce que j'aurais pu y lire. Ses mots avaient suffisamment d'impact. Surtout les derniers. Mon estomac se noua instantanément, comme si je venais de me prendre un coup de poing, et fis de mon mieux pour rester impassible. Le Deklan de l'époque aurait probablement piqué une crise de mec rejeté et blessé dans son ego, ou alors, au contraire, il se serait mis à genoux, l'aurait supplier d'oublier toutes ces conneries, lui aurait promis monts et merveilles avant de l'emporter dans sa bagnole pour une virée à l'improviste, rieur, joyeux et tout le tralala. Avec moi, ça avait toujours été l'un ou l'autre, pas de demie mesure. Dans un cas comme dans l'autre, j'aurais agi, je ne serais pas resté muet comme une carpe, comme maintenant. J'étais moins impulsif, plus prudent... Aux yeux de certains, c'était une bonne chose, je mûrissais ou autre bêtise du genre. Moi, je trouvais ça chiant. Cette peur d'agir m'avait probablement fait rater pas mal d'occasion. Pour la musique entre autre. Je me trouvais frileux. Lâche. Je ressassai mes pensées, me demandant si au fond les choses auraient été réellement différentes si Isla m'avait prévenu de son départ. L'aurais-je mieux encaissé ? A l'époque, je m'étais vengé à ma façon. Une façon très puérile, je l'admets. Je m'étais lancé à corps perdu dans les soirées, avais enchaîné les coups d'un soir. Il fallait dire que ce n'était pas bien compliqué à l'université, il y avait pas mal de nanas peu farouches, plus délurées les unes que les autres qui ne demandaient que ça à peine vous touchiez les cordes d'une guitare. C'en était même trop facile, aucun défi à relever... Mais je ne l'avais jamais fait pour la victoire cela dit. Seulement dans le prolongement d'une soirée alcoolisée, en quête des plaisirs que le monde avait à m'offrir, point. Ce n'était jamais allé bien loin. A bien y réfléchir, je n'avais pas eu une seule relation de couple à proprement dit depuis la jeune femme qui me faisait face. Je leur avais toujours trouvé des défauts, m'étais trouvé des excuses pour continuer ma route, les laissant sur le bas côté. Ashleigh l'avait insinué à maintes reprises, mais j'avais joué la politique de l'autruche, ce n'était pas de ma faute mais de la leur tout ça. Mais, à présent devant la seule femme qui pouvait se vanter de m'avoir explosé le cœur en mille morceau, je me rendais à l'évidence.
Je poussai un profond soupir avant de me pencher sur elle. Je pris son visage dans mes mains, mes pouces venant essuyer le noir sous ses yeux que je scrutai. « T'avais d'autres choses en tête, bien plus importantes. » Des choses que le crétin que j'étais aurait pu saisir. Les mères... J'avais fini par retrouver la mienne, ou plutôt elle avait fini par s'avouer vaincue et était venue endosser son rôle, quand j'avais 16 balais. Si nos rapports restaient difficiles, cela restait appréciable de l'avoir dans nos vies. Restait le problème du géniteur, inconnu au bataillon, mais durant neuf années nous en avions eu un en la personne de Sean Monaghan. Je n'en demandais pas plus. Pour ce qui était d'Isla, c'était une autre histoire. Je ne sais pas comment j'aurais réagi à sa place et ne me sentais pas la force de me glisser dans ses chaussures. « D'ailleurs, faudrait qu'un jour tu me fasses un compte rendu détaillé de ton road trip. Avec des images si possible. » Sourire timide de ma part, presque éteint, mais qui venait malgré tout briser le visage fermé que j'affichais jusqu'alors. Je lui fis signe de se rapprocher, l'aidai comme je pus, la faisant s'asseoir dos à moi, puis repris en main le pommeau et lui rinçai consciencieusement les cheveux. Lorsque les dernières bulles de savon eurent disparu dans le siphon de la douche, je coupai l'eau et nous sortis de la cabine. J'ouvrai un placard, en extirpai des serviettes éponges avant d'en passer une à ma compagne d'infortune puis m'affairai à m'essuyer.
Au bout d'un autre laps de temps silencieux, mais moins gênant de mon point de vue, je brisai le calme ambiant par un éclat de rire. « Y'a pas comme un petit air de déjà vu? » lui demandai-je, sourire franc aux lèvres. « Bon... faut resituer la foule qui nous entoure... » Premier festival auquel les Monaghan avaient assisté, c'était gravé dans nos mémoire. Dans la mienne du moins. 28 avril 2002, Indio, Californie. L'un des plus beaux jours de ma vie. « Les frères Gallagher sont sur la scène principale. Tout le monde entonne ''Stop crying your heart out'', les briquets sont levés... » Je mimai le geste, pouce en l'air à défaut d'avoir un briquet sous la main. De nos jours, c'était tellement dépassé. Déjà parce que les fumeurs se faisaient plus discrets, mais surtout parce que les portables étaient omniprésents. Cela avait été flagrant lors de la nomination du dernier pape, François. Des écrans à perte de vue au Vatican. Image assez amusante d'ailleurs, que cet afflux de technologie dans un tel lieu. « Au bout d'un moment, il fait tellement chaud qu'on nous arrose avec de grand jets d'eau, la foule trempée n'en reste pas moins survoltée. Tellement survoltée et agitée que t'es obligée de te hisser sur la pointe de tes pieds pour apercevoir la scène, je te vois te débattre avec la crinière du type devant nous... » J'avais les yeux perdus dans le vague, plongé dans mes souvenirs. Je revoyais bien cette soirée, me souvenais surtout qu'on avait réussi à semer Ash qui était alors partie faire je ne sais quoi je ne sais où, nous laissant seuls, Isla et moi, dans la foule. Pas besoin de jouer les distants, de cacher notre relation, je lui tenais la main comme bon me semblait, bref, une soirée idéale. « Pensant que c'est une bonne idée, j'te porte sur mes épaules... » Je l'attirai vers moi, la soulevai en l'attrapant par les hanches, mettant son ventre au niveau de mes yeux à défaut de pouvoir la soulever davantage – maudit plafond. « Et c'est le drame. On tombe comme des merdes et les autres péquenots nous bousculent en se marrant, du moins, pour ceux qui font attention à nous. » Un éclat de rire m'échappa tandis que je la fis redescendre sur le sol. « Et... ça c'est terminé dans la boue et autre saloperie. Les douches étaient vraiment à chier, et on avait zappé le rechange. On s'est baladé en sous-vêtements, dans le festival, en attendant que nos fringues sèchent... » Le parallèle n'était pas forcément idéal, ça remuait encore le bon vieux temps, ramenait encore ces sentiments à la surface. Je toussai pour m'éclaircir la gorge et recommençai à me passer la serviette dans les cheveux. « Bon, quand tes tantes ont vu l'état dans lequel on te ramenait, c'était beaucoup moins folichon. J'crois qu'il a été question de me couper les parties. » Je lui souris de toutes mes dents. Le genre de menace qu'elles avaient souvent proféré en me voyant roder autour de leur baraque. Mais je pense qu'au fond, elles m'aimaient bien. Enfin, je crois.
« Et sinon... » Vu qu'on en était dans les conversations sérieuses, autant que je me jette à l'eau et que je pose une question qui me travaillait pas mal. « Tu comptes rester sur LA longtemps ? Je veux dire... T'as prévu de repartir autour du monde, ou... ? » Je lui lançai un regard qui se voulait innocent mais empli d'inquiétudes. On venait à peine de briser la glace qui s'était installée entre nous, je ne supporterais pas de devoir à nouveau la regarder s'éloigner. C'était presque tentant de tout faire pour maintenir ces menottes entre nos poignets... Je nouai la serviette autour de ma taille, espérant que ça sèche un tant soit peu le tissu me disant qu'il y avait peu de chance que la morveuse ait conservé un boxer de son irlandais dans un tiroir et que je ne me voyais vraiment pas enfiler l'un de ses slips en dentelles ! « Parce que, si non, y'a un tremplin qui approche, des nouveaux groupes à découvrir, tout ça, et je me disais que... eh bien... on pourrait y aller ensemble. Avec Ash. » Ou sans.
C’était la débandade. Après avoir eu quelques moments de répit bien entourés de coussins au sol, Deklan s’était mis dans la tête – et mon poignet ne l’en remercierait jamais assez – de soigner ma douleur en deux temps trois mouvements. C’est qu’il devait être mal pour l’histoire des menottes et pour la blessure en surplus qu’il m’avait infligée. Mais ça allait, vraiment, je n’étais pas en train de me consumer et limite, j’aurais bien aimé rester comme ça, juste relax, au sol. Avec lui, à dire des conneries. Mon article m’importait peu, le délai devait déjà être passé depuis un bon moment mais j’arriverais à inventer une raison ou une autre qui étirerait la sauce un peu. Si on arrivait à faire croire le truc des enfants, ou même de l’ours à Ash, y’avait rien que mon éditeur ne pourrait pas gober pour justifier mon retard de publication. Mais la réalité me rattrapa assez vite, réalité étant personnifiée ici par un gallois plein de remord qui me tirait vers lui avant de m’entraîner à la salle de bain. Je le suivi non pas en trainant des pieds, me jurant que dans ma maison idéale, une pièce remplie de coussins serait un must à ma détente. Pour la suite, je me laissai faire, parce qu’il semblait particulièrement agile à voir aller. J’ignorais si c’était parce que, comme il le disait si bien, sa sœur avait eut son lot de gaffes, ou si sa facilité à panser les blessures venait de sa période bagarres, mais je me sentais rudement entre bonnes mains à le voir s’agiter autour des miennes. Ç’aurait pourtant été trop beau que tout aille comme sur des roulettes, connaissant chacun notre particularité à se mettre les pieds dans les plats. Après avoir agilement lancé puis attrapé le tube de crème censé me sauver, Deklan m’envoya accidentellement une décharge dans les cheveux… ce qui me fit automatiquement éclater de rire. Plus pathétiques que nous, tu meurs. Son premier réflexe fut alors de filer sous la douche et de m’aider à me débarrasser de la saleté qui s’agrippait à a tignasse, retirant ce qui lui restait de vêtements pour se tenir bien stoïque en boxers prêt à m’aider de nouveau. Il rigola me proposant de retirer mes vêtements aussi, mais à voir sa tronche lorsque je le fis, il ne s’attendait probablement pas à ce que je réagisse aussi vite. Et c’était probablement le plus beau cadeau que ma mère ait pu me donner : celui de n’avoir jamais vraiment été pudique. Bon j’m’explique hen. Pas que je me promenais toute nue tout le temps, mais que j’avais développé depuis toute jeune la capacité à aimer mon corps, tout simplement. Dans un monde bourré de mode où je croisais des mannequins insatisfaites de leur silhouette à tous les jours, moi, Isla Hamilton, je pouvais clamer haut et fort que j’avais très, très peu de complexes. Si ce n’est ma frange en matinée, et encore. Me mettre en sous-vêtements? Done deal. Il l’avait bien fait lui aussi de toute façon.
Le yoga m’aida miraculeusement à retirer un t-shirt qui s’acharnait pas mal et je finis par hopper sous la douche, laissant à Deklan la lourde tâche de rincer mes mèches salies. Et comme le malheur n’arrive jamais seul, ce n’est pas une gaffe, mais plusieurs que j’accumulai, finissant accroupie au fond du bain, incapable de bouger tellement je me rendais compte d’être une loque maladroite humaine. « Je pense qu'il faut nous rendre à l'évidence. On forme une très mauvaise équipe en cuisine. » je secouai positivement la tête, me rendant à l’évidence bien malgré moi que je n’étais pas à mon meilleur côté agilité à l’instant. L’eau coulait, on souriait en silence, & je choisis l’instant pour briser – vraiment – la glace qui s’amincissait depuis que j’avais faussement décidé de rester plus longtemps à l’appart de ma copine. Je voulais m’excuser, j’y tenais. Parce qu’il méritait au moins de savoir que j’avais agi sans aucune malice, que jamais, jamais je n’aurais voulu le blesser comme j’imaginais l’avoir fait, lâchement. C’était simplement que je mûrissais le projet depuis longtemps, que j’y voyais une tâche à accomplir seule, que j’avais l’impression que si je le lui avouais, il arriverait à me faire douter, à remettre en question mon plan farfelu, même sans le vouloir. Il aurait facilement pu, s’il avait voulu, rien qu’à connaître l’influence qu’il pouvait avoir sur moi. Il me connaissait tellement bien que ç’aurait été facile sans même lever le petit doigt de me faire rester. Ou pire, il aurait même pu proposer de m’accompagner, aussi impulsif qu'il était. Et après quoi? Ashleigh aurait voulu savoir ce qui se tramait et… je ne me sentais pas la force de choisir entre l’un ou l’autre. « T'avais d'autres choses en tête, bien plus importantes. » Sa réaction me scia net. Parce qu’il réagissait tellement, mais tellement mieux que ce que j’aurais cru. Parce que si je me fiais à la dernière fois où on s’était parlés cœur à cœur, ça avait fini en vrille. Et que si je comparais ce moment-là, où j’avais pitoyablement décidé de mettre un trait sur nous parce que je n’en pouvais plus, et qu’il insistait encore et encore, à aujourd’hui, on était à des années lumières. Je voyais quelque chose de rassurant dans ses prunelles, de doux. Ce qu’il venait de dire, la façon dont il l’avait fait, ça changeait tout. Ma main libre vint automatiquement se poser sur la sienne, qui caressait ma joue, sans que je le quitte des yeux. « Merci… » que je soufflai. Il me pardonnait. Et aussi idiot que ça puisse paraître, un poids venait de se lever de sur mes épaules, un poids qui m’étouffait depuis trop longtemps. Après, je perdis la notion du temps. Je ne sais plus combien de minutes on passa à se fixer avant que je me penche vers lui, honorant l’habitude qu’on avait de se blottir dans les bras l’un de l’autre un peu plus longtemps que la normale. J’avais déjà lu un truc du genre : A hug is like an emotional Heimlich. Someone puts their arms around you and they give you a squeeze and all your fear and anxiety come shooting out of your mouth in a big wet wad and you can breath again. Et à l’instant, c’était vrai. Aussi cucul soit-il.
« D'ailleurs, faudrait qu'un jour tu me fasses un compte rendu détaillé de ton road trip. Avec des images si possible. » relança la discussion de plus belle, alors que je lui filai un sourire accompagné d’un demi-regard par-dessus mon épaule. « J’te promets de te sortir mes plus belles diapos. » que je renchérit, amusée. « J’ai des tas d’anecdotes aussi. Tu savais qu’à Istanbul il y a des prières qui jouent à toutes les heures dans les rues? Et qu’à Bangkok la plupart des prostituées sont des mecs refaits de A à Z comme des filles? Et qu’à Lima les rues sont bondées de chats… et de poulets?! » j’aurais pu continuer des heures, mais je préférais taire mon enthousiasme. « La suite, tu l’auras à la projection! » que je promis, fermant les yeux et penchant la tête vers l’arrière pour l’aider à rincer l’excédant de shampooing. Quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, le malaise pour ma part venait officiellement de s’envoler. C’était bien, de retrouver le Dek d’avant, celui qui se prêtait à toutes mes conneries parce que je le lui rendait bien. On finit par s’extirper de la douche comme deux grandes personnes, et je m’enroulai dans la serviette qu’il me tendit, profitant du calme pour remettre mes idées en place. Ça allait, tout allait. Tout reprenait sa place. La place que je voulais, et apparemment, celle qu’il voulait aussi. C’est lui qui reprit la parole, rappelant un certain festival où les deux gallois m’avaient amenée, mon premier à moi aussi. Le suivant dans son délire, je fermai les yeux, me revoyant du haut de mes 17 ans portant mes vieux shorts en jeans déchirés et mon t-shirt cropped au nombril, celui-là même que Lavender menaçait de jeter à chaque fois qu’elle tombait dessus dans le panier à vêtements sales. Ash avait tenu à aller voir un autre band, j’me souvenais, et Dek et moi tenions mordicus à Oasis en live. On s’était séparés & Deklan en avait profité pour jouer la totale boyfriend, me prenant par la taille, déposant quelques baisers sur mon front en attendant l’entrée de mon groupe favori de l’époque. Il le savait, je l’avais supplié des jours complets de m’apprendre quelques notes à la guitare de Don't look back in anger. Il insistait tellement pour que je ne manque pas une seconde du show qu’il « Pensant que c'est une bonne idée, j'te porte sur mes épaules... » « Oh, j’me souviens très bien de la dégringolade… » que je lâchai, ouvrant les yeux, rieuse, sentant ses mains passer autour de ma taille, me soulevant de terre comme avant. Frissons. Le sable, la boue, nos rires d’idiots, les douches glacées… la suite avait été pas mal similaire à ce dont on avait l’air à l’instant, mis à part le fait qu’on avait grandi. Pas tant que ça, mais tout de même. « Bon, quand tes tantes ont vu l'état dans lequel on te ramenait, c'était beaucoup moins folichon. J'crois qu'il a été question de me couper les parties. » Ouais, ça c’était vrai. Rosa et Lavender partaient en vrille à chaque fois que je revenais d’une virée avec les Monaghan, m’attendant les sourcils haussés dans l’entrée de la maison familiale. Mais j’ignorais encore aujourd’hui si elles étaient plus alarmées parce ce que je pouvais faire avec eux, ou par ce que je leur mettais en tête. Ouais, Ash & Dek étaient passés maîtres dans l’art d’inventer des plans-catastrophes, mais j’étais pas si mal non plus à ce propre jeu. Encore aujourd’hui, j’agissais comme une gamine plus souvent qu’autrement.
Je finis de me sécher, rigolant, passant mes cheveux trempés derrière mon oreille. « Ouais, clairement. Le pire, c’était lorsqu’elles regardaient par la fenêtre et que pour les éviter vous me déposiez à quelques rues de chez moi. Je voyais leurs yeux briller dans la vitre et je savais ce qui m’attendait lorsque je rentrerais…! » seulement l’idée me fit frissonner. Avec le temps, elles avaient pris des tics de mamans particulièrement effrayantes lorsque je faisais quelques conneries que ce soit. Elles le sentaient à des kilomètres à la ronde. « Encore heureux qu’elles n’aient jamais mis leurs plans de t’émasculer à exécution! Ta voix serait légèrement plus aigue aujourd’hui. » que je rigolai, le poussant doucement pour pouvoir me pencher sur le lavabo et rincer le maquillage qui avait couler sur mon visage. Un peu de savon par ci, un peu d’eau par là, et je me servis de la serviette enroulée sous mes épaules pour essuyer mes joues, retrouvant un semblant d’apparence adéquate. À sa question – à savoir si je resterais encore un peu dans le coin – j’hochai banalement de la tête. Les grands voyages m’allumaient plus que tout, mais j’aimais bien commencer à prendre lentement mais sûrement mes racines ici, et retrouver enfin un semblant de chez moi à quelque part sur la planète. « Bah. J’ai mis on hold les projets de retrouver ma mère, et mon appart commence à peine à avoir l’air de quelque chose de potable. Alors je ne verrais pas pourquoi je partirais de sitôt. » Je fis une pause, avant d’hausser les épaules, amusée. « Mais qui sait, je vais peut-être recevoir une mystérieuse enveloppe brune avec des photos de ma mère repérée genre à Budapest… » Ça m’étonnerait. Elle avait passé le cap de se faire retrouver, si ce n’est pour défendre une cause planétaire ou une autre. Et puis franchement, je trouvais que j’en avais assez fait aussi, de passer 2 ans à sa poursuite… J’avais presque envie de statuer que ce serait à son tour de venir me chercher si elle le voulait bien, mais je me tus. Comme si elle allait m’entendre, de toute façon. « Parce que, si non, y'a un tremplin qui approche, des nouveaux groupes à découvrir, tout ça, et je me disais que... eh bien... on pourrait y aller ensemble. Avec Ash. » Toujours face à lui, j’haussai un sourcil, intriguée. Il avait dit « Ash », alors pourquoi est-ce que je sentais là comme une invitation, comme un retour en arrière? C’était moi, c’était rien que moi. Tout allait bien, alors pourquoi compliquer la chose à nouveau? « Oui bien sûr, pourquoi pas! C’est gentil de penser à m’inviter!! » que j’ajoutai, un peu trop enthousiaste, jouant nerveusement avec les pointes humides de mes cheveux. « Hey! Je pourrai même apporter mon appareil et faire quelques photos durant aussi… ça me fera pratiquer mon style en live! » L’occasion était bonne, et depuis le temps que je voulais tenter la photo musicale, ça me semblait être le moment parfait. Dek pourrait même me donner son avis, lui qui avait été si souvent sur une scène… non vraiment, c’était un bon plan. Comme avant.
Je me hissai sur la pointe des pieds, lui ébouriffant les cheveux pour l'embêter alors qu’il finalisait son séchage, avant de soupirer « Ouais, faudrait qu’on s’y remette, hen... », jetant un regard las vers la porte de la salle de bain. J’insinuais bien sûr de ranger le moindrement l’appart ou du moins, de sauver ce qui en restait. Ça, et de trouver la supposé clé que m’empêcherait d’attirer sa main chaque fois que je bougeais la mienne, aussi drôles nos mouvements peu synchronisés pouvaient l’être. Je fis quelques pas vers l’arrière, pilant au passage sur nos pauvres vêtements qui, trônant près de la douche, avant visiblement pris l’eau. Ni d’une ni de deux je filai le tout à la sécheuse le temps qu’on finalise notre besogne, sous l’œil amusé de Dek qui ne pouvait faire autrement que me suivre ensuite vers le salon. C’est que je savais exactement quoi faire pour rendre le tout plus amusant, sachant au passage que je n’avais plus besoin de m’en faire, la hache de guerre étant enterrée bien, bien loin. J’en profitai même pour lâcher un coup d’œil complice à Deklan lorsqu’on remit les pieds sur notre champ de bataille. « Musique? » que je proposai, sachant très bien que dès les premières notes un regain d’énergie nouvelle me donnerait envie de laisser l’appart de ma blonde amie plus nickel encore que lorsque j’y avais mis les pieds. Toujours entourée de ma serviette, j’attrapai la manette de la stéréo qui trônait au milieu des coussins, enclenchant un poste de radio au hasard. La suite…
« NON, tu rigoles?! » À l’aube de Noël, c’était la macarena qui faisait la une à la radio? Mais où allait le monde… Outrée par l’absence d’Elvis, je pensai même à zapper, avant de commencer à dandiner mes hanches à gauche et à droite, comme prise par les notes un peu trop enjouées de la chanson. À la blague, je voulu même me mettre à la chorégraphie, mais là, un blanc total. Je fis volteface vers le gallois, quasi-horrifiée. « Je me souviens plus des pas… » y’avait pas plus piteuse que moi à l’instant même, complètement démunie, les mains en ballant, à fixer Deklan espérant qu’il ait la réponse. Devant tant de honte – quand même – j’osai improviser un pas en avant, puis un en arrière, avant de déposer mes mains sur mes hanches… et peu à peu, la glorieuse Isla que j’étais se souvenait de la chorégraphie aussi simplement que ça. L’honneur était sauf, surtout qu’il me restait encore quelques couplets pour défendre mon titre de meilleure danseuse de la macarena. J’y mettais maintenant tellement d’entrain qu’il n’eut pas la chance d’être sauvé et dû se plier lui aussi aux mouvements de la célèbre chanson kitsch. Par chance, quelques minutes plus tard, le DJ reprenait ses sens et annonçait un vrai succès des Fêtes, Blue Christmas, l’un de mes préférés. Y’avait encore un peu d’espoir sur cette Terre… « J’adore cette chanson! » que je laissai aller, tout sourire, chantonnant déjà les premières notes.
« Tu danses? » que j’osai, souriante, faussement dragueuse, clairement prête à repousser encore un peu le ménage quitte à devoir ressortir l’excuse de l’ours à la blonde lorsqu’elle mettrait les pieds chez elle. Je tendis ma main gauche à Deklan, avant d’attraper la sienne et de le faire tourner sur lui-même. Rigolant, je déposai mon poignet menotté sur le sien, me rappelant à quel point il détestait danser jadis. Pourtant, j’avais toujours dit qu’on ne pouvait clairement pas vraiment détester danser, surtout lorsqu’on aimait autant la musique que lui. « Et t’as des plans pour Noël? » mine de rien, le 25 décembre était dans quelques jours à peine et à voir la sapin d’Ash, je me doutais que ce serait peut-être ici même que les gallois s’offriraient leurs cadeaux respectifs, avant d’enfiler des bières en écoutant un film ridicule. « Je dois retourner chez mes tantes. » que je poursuivis. « Je leur ai promis une dinde et j’ai pas la moindre idée de comment arriver à faire ça… déjà que j'ai la poisse avec de simples gâteaux, j’ignore comment je vais m’en sortir avec un giga volatile… » J’imaginais déjà me retrouver avec la tête direct dans l’oiseau, un peu comme dans la scène classique d'un film rediffusé de Mr Bean.
Oh!Darling
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Sujet: Re: Honey, I’m home! – DEKLAN & ISLA Mer 19 Mar - 0:46
HONEY, I'M HOME!
isla et deklan.
J'écarquillai les yeux lorsqu'elle me fit part de ses anecdotes. Mentalement je tentais – vainement – de resituer ces villes sur la carte du monde, cependant j'avais toujours été plutôt minable en géographie. Et les quelques connaissances que j'avais emmagasiné dans ce domaine s'étaient bien vite retrouvées noyées sous les effluves d'alcool et les partys à l'université. Si la première ne me surprenait pas vraiment – on en voyait des choses à la télé et ce même avec les séries télévisées – la seconde me fit grimacer. Je n'avais aucun soucis vis à vis de l'homosexualité, j'avais même été un brin flatté lorsqu'un type m'avait accosté un soir, du moment que ça n'empiétait pas sur ma vie et ma dignité. Mais j'étais devenu suspicieux devant l'efficacité de ces chirurgies. Je n'avais pas spécialement envie d'avoir un soir la mauvaise surprise de découvrir que la demoiselle que je ramenais chez moi n'en était pas une en réalité et qu'elle se prénommait Roger. Lima, Lima... « Rassure-moi, y'a quand même des lamas dans les rues ? Pas juste des chats et des... poulets? » Une faune plus exotique, comme on en voit dans les dessins animés en somme, quelque chose qui vaille le coup du déplacement merde, pas seulement des animaux comme on en voit partout ! Son enthousiasme était contagieux et la perspective de pouvoir retracer ses voyages me fit sourire. Oui, de plus en plus étonnant, d'ordinaire je me serais montré grincheux et jaloux à l'idée de voir ce pour quoi j'avais été abandonné – parce que, oui, au fond je voyais encore les choses comme ça, même si je comprenais – alors qu'au contraire j'étais tout sourire. Peut-être avais-je réussi à panser mes blessures et mon amour propre avec le temps. « Chips, guacamole et photos projetées sur un drap blanc dans le salon de la frangine ? Deal ! » Puis j'avais réparé mes conneries sans en faire d'autres, m'occupant de ses cheveux dans le calme et la sérénité retrouvée. Toute gêne était passée – ouais, enfin, si on met de côté nos corps presque nus et si proches – et on était même parvenu à avoir une conversation des plus ordinaires. A croire que l'adage disait vrai, que le temps guérissait tout, qu'il permettait de garder le meilleur, les bons côtés qui à l'époque nous échappait...
Alors qu'on se séchait, j'avais même abordé le passé sans sourciller. Mon estomac n'était plus noué par la douleur et les regrets, il ne restait plus que l'envie de ramener un bon souvenir à la surface, d'avant les emmerdes, d'avant les conflits. Ce festival était en tête des bons moments que j'avais pu vivre, d'une part pour la musique, ma passion, et d'autre part pour le fait qu'on n'avait pas eu à jouer la comédie, qu'on n'avait pas eu à mettre notre attirance de côté, à mettre de distance. Cela avait été si simple ce soir-là, il n'y avait eu que nous et la foule, nous n'étions qu'un couple parmi tant d'autres. Cela n'avait pas duré avant que la réalité de nous rattrape en la personne de la morveuse, mais cela ne m'avait pas paru important puisque je pensais à l'époque qu'on y arriverait, qu'on dépasserait le stade des cachotteries, des rendez-vous en douce... Je ris lorsqu'elle évoqua notre tactique d'évitement. « Mouais... Je persiste à croire qu'elles avaient un sixième sens. » Peu importe la méthode employée pour limiter les risques, elles avaient toujours su quand Ash et moi la déposions et on pouvait être surs à notre retour à la maison que Rosa et Lavender avaient déjà appelé. Ses tantes m'avaient toujours terrorisé avec leur côté surprotecteur et leur regard désapprobateur. J'ignorais, même aujourd'hui, si j'en avais été la cause ou si elles étaient comme ça avec tous ceux qui approchaient Isla d'un peu trop près. J'imagine que c'était normal, que c'était ce que tout parent faisait quand il s'agissait de leur môme. Comme cela n'avait pas été le cas avec notre mère, et comme Sean n'osait pas alors endosser entièrement le rôle du patriarche, j'avais endosser le rôle de l'emmerdeur quand un gars se rapprochait de ma sœur. Et je ne pouvais m'empêcher de le faire encore aujourd'hui. Faut dire qu'elle avait le chic pour les choisir en général. S'ils faisaient de bons potes, avec les femmes c'était une autre histoire, mais bon, apparemment je n'avais pas mon mot à dire. « Plus aiguë, oui, mais au moins j'arriverais à chanter sur The Rasmus ou The Darkness... peut-être que c'est ça qui me manque au final. A l'heure où les Boys Band d'Outre-Atlantique font leur retour en force, ça pourrait être un plus, qui sait ? » Un rictus amer trônait sur mes lèves. Car j'étais écœuré. Écœuré par cette persistance des maisons de disques pour produire de tels groupes clairement à but commercial plus qu'artistique. Écœuré par le succès qu'ils rencontraient toujours. Écœuré par cette société de consommation dominée par les hormones d'adolescente en mal d'amour. Écœuré et jaloux probablement. « Un peu de botox pour masquer mon âge, un nouveau look, une espèce de foutue bague de virginité au doigt pour rajouter à l'image du genre idéal et hop, à moi le pognon ? » Ou comment avoir tout de suite envie de baisser les bras. Qui étais-je pour oser croire que je pouvais vaincre ce système manipulateur qui dictait aux gens ce qu'il fallait manger, boire, regarder ou écouter ? Un con. Oui, j'étais un con et pour ça, j'avais encore une lueur d'espoir, quelque part, bien planquée au fond de cette aigreur. Un con souriant de toutes ses dents.
Sourire qui faillit se faire plus grand encore lorsqu'elle dit qu'elle resterait. Je n'étais pas certain de savoir exactement pourquoi cela me rendait si heureux. En même temps, depuis son retour j'étais simplement paumé et bien que la situation s'arrange entre nous, j'avais encore l'impression d'être en terrain miné. Je ne savais trop ce que j'attendais d'elle. Je ne savais plus du tout ce que j'éprouvais, j'étais comme anesthésié depuis quelques années en ce qui concernait ses sentiments, mes émotions. Je haussai un sourcil. « Est-ce que t'as déjà pensé à faire appel à quelqu'un ? » Mon regard se fit amusé et du pouce je désignai l'appartement. « J'sais pas si t'as oublié où on était. Chez qui on était... » Cela me surprenait quand même beaucoup qu'elle n'y ai jamais pensé. J'avais beau critiquer tant que je pouvais Ashleigh et sa carrière – certes morte – de flic, mais pour ce que j'en savais elle se débrouillait plutôt bien. « Ash doit avoir des contacts. Ce n'est pas juste une fétichiste des menottes. Et qui sait ? Peut-être que tu serais sa première cliente. » Je lançai un petit rire sarcastique. Détective privé... Pourquoi pas chasseuse de primes pendant qu'elle y était ? Elle regardait bien trop la télé selon moi, ou alors le boulot qu'elle venait de quitter lui avait grillé plus de neurones que ce que je pensais. « Ça devrait coûter moins cher que des billets d'avion et te laisser tout le temps dont t'as besoin pour ton... tes boulots. » Je haussai négligemment les épaules. Je me sentis comme un gamin lorsqu'elle accepta mon offre, me contentant d'acquiescer de la tête, me voulant nonchalant. Sa façon de jouer avec ses cheveux n'échappa cependant pas à mon regard et pour l'avoir déjà vu faire par le passé je notai que je n'étais pas le seul à retomber un brin en adolescence. Comme la fois où j'avais enfin trouvé le cran de l'inviter en tête à tête... « Excellente idée ! Et puis, si jamais tu décides de te lancer vraiment dans ce style, à toi les festivals gratuits et concerts, t'imagines ? Accès aux backstages et tout... » Ajoutai-je rêveur. Comment ça j'étais focalisé par la musique ? Tsss, à peine. Je savais que le monde ne s'arrêtait pas à une scène, à une foule en délire, mais hé, j'avais ça dans la peau à défaut de l'avoir dans le sang.
Je grimaçai alors qu'elle me décoiffait une fois encore, comme si la serviette ne s'en chargeait pas suffisamment, puis l'observai d'un œil s'occuper de nos fringues, me disant au passage que je n'y aurais sûrement pas pensé. Je soupirai à mon tour à l'idée de m'activer. Je n'étais pas un fana de ménage, et les seules fois où je prenais un balai dans les mains c'était pour du ''air guitar'', enfin, avec un support un brin concret. « On est vraiment obligé ? » Marmonnai-je alors qu'elle me traînait au salon. Je plissai les yeux à sa proposition. Mouais... Laisser le choix de la musique entre les mains d'une fille me rassurait autant que d'être en voiture avec un pote à la sortie d'un bar, c'est à dire pas du tout. Ok, je devrais certainement lui faire confiance, après tout elle me connaissait bien, connaissait mes goûts et si elle espérait réellement que je lui prête main forte Isla n'irait pas m'écorcher les tympans, si ? La suite me prouva le contraire. Au lieu de changer immédiatement de station radio, Isla laissa les notes de la macarena planer dans l'appartement. Je poussai un grognement plaintif alors qu'elle posait les yeux sur moi. « ... Quoi ?! » Elle ne comptait tout de même pas... ? Mais si, évidemment ! Je roulai des yeux alors qu'elle commençait à bouger au rythme de cette saloperie de ''tube'' des années 90. Je levai un bras en signe de protestation. « Non, je... Je ne danse pas ça. Qu'est-ce que tu...?! » Mais ce n'était pas comme si j'avais réellement le choix, ou comme si je pouvais y échapper. A chacun de ses gestes, mon bras se devait de suivre le mouvement, happé par ce lien d'acier. Au départ, ce fut bien laborieux, je tentais surtout d'éviter une collision ou autre maladresse qui se serait ajoutée aux précédentes. Puis, petit à petit, je notais la répétition, ce que certains nommaient chorégraphie. Un vague souvenir me revînt en tête. Celui de la morveuse, alors âgée de... huit ans ou un truc du genre, se dandinant tel un orang-outan dans notre salon de Pwllheli, sur cette musique déjà insupportable pour mes oreilles à l'époque.
Le King vînt à ma rescousse. Ou presque. Car évidemment, là aussi elle voulait danser. Faire danser les gens, ça me connaissait, et j'aimais même ça. Si le public se laisse aller, après tout, cela veut dire que vous gérez. Mais, dès qu'il était question que je fasse partie des danseurs, non. Non, non et non. Et ce, depuis toujours. J'avais certes le rythme dans la peau, mais cela ne voulait pas dire que j'aimais mouvoir mon corps. La hantise du premier bal de lycée auquel j'avais assisté me revînt et me prit à la gorge. Je me sentais nauséeux. Les boules à facettes tournoyant au plafond, l'éclairage tamisé, les couples enlacés un peu partout dans le gymnase. Snyder, le prof d'histoire, tapi dans l'ombre qui buvait en douce le contenu de sa flasque tout en nous scrutant les uns les autres, à l’affût de la moindre connerie, de la plus petite colle à donner. Mrs Dalloway, la prof de mathématique quarantenaire et fraîchement divorcée qui couvait des yeux le coach McCarty qui, lui, n'avait d'yeux que pour le buffet. Ruthie Edington et son appareil dentaire, me suppliant du regard dans sa robe en taffetas ''parme'' – oui, car ce n'est ni rose machin, ni mauve, ni même d'un foutu violet mais parme malheureux ! « Serais-tu daltonien ? » s'était-elle égosillée lorsque j'avais eu le malheur de me tromper sur cette maudite couleur – , les joues rosies d'émotion. Et moi, engoncé dans un costume ridicule, avec la cravate assortie à la robe de la demoiselle, à sa demande, parce que c'est important il paraît... Mon corps entier me hurlait d'aller rejoindre les potes à l'arrière du gymnase, pour m'en griller une et glisser quelques bières dans mon gosier, mais non, Ruthie avait glissé ses mains moites dans les miennes et sa clique entière aux cheveux crêpés et laqués nous fixait du regard. Autrement dit, si je me défilais, j'étais un homme mort avant même d'avoir pu atteindre la porte. La pauvre avait probablement espéré avoir un Danny Zuko, se prenant pour Sandy alors qu'elle n'avait récolté qu'un savant mélange de Kenickie et de Tom Chisum, autrement dit un crâneur grande gueule à l'esprit parfois trop simple et souvent bien trop gentil. – oui, je ne connais que trop bien ce film pour l'avoir enduré un nombre incalculable de fois avec ma sœur ET Isla ! – mais soit, s'il me fallait passer par là... Aussi avais-je capitulé et m'étais laisser entraîner sur la piste de danse. Les minutes les plus interminables de ma vie et les plus douloureuse. Car si j'étais parvenu à garder une certaine contenance, ça n'avait pas été le cas de ma cavalière. Sa bouche, telle une ventouse bien déterminée à accomplir son travail s'était rapidement posée sur la mienne, ses mains m'avaient agrippé solidement. Non seulement je n'y avais retiré aucun plaisir, ayant eu la main forcée dans le choix de la demoiselle pour laquelle je ne portais aucun intérêt, mais en plus je m'étais coltiné la mononucléose les jours suivants. Morue ! Ça avait eu le mérite de me vacciner à vie de ce genre d’événement. Alors, non, je n'aimais pas danser.
Seulement voilà, Isla n'en avait probablement pas conscience, mais j'avais toujours été une marionnette entre ses mains. Bien que je bronchais tout le temps, que je tapais du pied à l'occasion, elle parvenait généralement à obtenir de moi ce qu'elle voulait. Et si, jusqu'à présent, j'avais tenu tête pour la danse, aujourd'hui je flanchais. Je soupirai longuement en voyant sa main se tendre vers moi, mais me laissai faire, jusqu'à accomplir cette pirouette d'habitude réservée aux femmes. Puis je posai une main dans le bas de son dos tandis que l'autre se collait à la sienne, outrepassant les menottes, et la fis danser vu que tel était son désir. Ce n'était pas aussi désagréable que dans mon souvenir, mais l'absence d'une troupe d'ado travaillés par leurs hormones devait y être pour quelque chose. Ou alors n'était-ce seulement parce que les choses m'avaient toujours semblé plus supportables avec elle. « Des plans ? Well... » A vrai dire, je n'y avais pas réfléchi ne serait-ce qu'une seconde. Les Fêtes ne faisaient pas vraiment partie de mes priorités, surtout pas Noël. Fête de famille, tout ça. Ce n'était pas vraiment le truc des Monaghan depuis que le véritable Monaghan, celui qui avait recréé une famille, n'était plus. « J'sais pas... Peut-être qu'on mangera ''italien'' avec Ash devant la télé pour le réveillon. » Je haussai les épaules. Ce n'était pas comme si nous avions mis en place une tradition en particulier, d'une année à l'autre notre réveillon évoluait. Parfois on le célébrait même chacun de notre côté. Sans compter les fois où Ash s'était retrouvée coincée au boulot, à garder les ivrognes violents en cage. « On ira probablement commander chez le gars du coin de la rue, là... T'sais, ''Buongiorno, c'est moi, Marioooo. Mes pastas sont les meilleurs du monde'' et blablabla. » Précisai-je en tâchait de copier l'accent du dit Mario, bien que je restais persuadé que Mario n'était pas son véritable prénom et que s'il avait des origines italiennes c'était à un degré très élevé. Il m'agaçait d'ailleurs, avec son petit numéro, mais bon, ses pâtes étant correct pour le prix, je n'allais pas gâcher l'image qu'il tentait de donner si ça lui faisait plaisir. « Le 25 en revanche... Non, je ne sais vraiment pas. Les restes d'italien ? » Je ris quand elle fit part de son inquiétude quant à la cuisson de la dinde. Je la fis tourner sur elle-même car après tout j'étais l'homme et donc celui qui dirigeait et ainsi je reprenais discrètement possession de ma virilité qu'elle m'avait sournoisement arraché plus tôt, puis repartis sur les mouvements plus calmes et plus basique, ma main reprenant place dans son dos. « Je ne serais pas là pour te distraire avec mon corps d'athlète. » Dis-je en bombant le torse avant de lui adresser un clin d’œil. « Et au pire, tu inventeras un nouveau genre de recette... Avec du glaçage sur la volaille pour masquer le tout là aussi. » Ajoutai-je avec une grimace humoristique. « Mais non. T'es l'une des meilleures cuisinières que je connaisse. Bon, ne te vexe pas, mais jamais tu ne détrôneras ma grand-mère. Elle était et restera le meilleur cordon bleu à mes yeux. » Il me fallut quelques secondes pour réaliser que la chanson avait de nouveau changer pour un autre classique de Noël mais beaucoup moins dansant.
Je lâchai prise sur son corps puis me passai la main derrière le crâne tandis que je balayai la pièce des yeux. « On est vraiment obligé de tout ranger ? » me plaignis-je. « C'est pas comme si elle était du genre ordonnée... Elle ne remarquera peut-être rien... » Ouais, bon, j'exagérai. Comparée à moi, ma frangine pouvait passer pour une maniaque. Et malgré sa façon peu conventionnelle de ranger ses affaires, elle savait toujours où était quoi. Ash était capable de retrouver une aiguille dans une botte de foin si c'était elle qui l'y avait mise. Je me penchai et reposai les cousins sur le canapé, non sans râler. Mais au moins cela me faisait une occupation. Une distraction. Parce que, ouais, je ne disais rien, ne laissais rien paraître mais, hé, on était presque à poil depuis tout à l'heure ! Et si proches. Non seulement cette fin de journée nous avait permis de mettre les choses au claire, mais aussi elle m'avait mis à l'épreuve. Je n'avais jamais autant fait preuve de self control. Malheureusement, je n'aurais le droit à aucune médaille, aucune récompense. 'Chier ! Probablement pour ça aussi que je pestais autant. Surtout quand elle se penchait, comme là, pour m'aider avec ces foutus coussin... Juste une serviette sur le dos ou presque... Je serrai la mâchoire et fis de mon mieux pour me mettre des images bien désagréables en tête... Comme les fesses de ce clochard dans le métro, celui qui ne semblait pas connaître l'invention du papier hygiénique. Bingo. Mes yeux se posèrent ensuite sur le sapin. Déjà qu'il n'avait pas franchement bonne gueule avant, je lui avais pratiquement donné le coup de grâce. Je traînai Isla jusqu'à l'arbre. « Redonnons-lui un aspect plus... festif. » Je redressai du mieux que je pouvais ce truc et ramassai les décorations qui en étaient tombées plus tôt, en passai quelques unes à Isla. J'accrochai une boule par-ci, une autre par-là, puis remis l'étoile au sommet tout en sifflotant Jingle Bell Rock. C'était étrange. Je pouvais compter sur une main les fois où j'avais effectué ces gestes et la dernière fois... C'était probablement le dernier Noël qu'on avait passé au Pays de Galles. Grand-mère était souffrante, notre quotidien n'était pas très drôle. Rythmé par ses chimios, par la soupe que je lui donnais à la petite cuillère, les rôles totalement inversés. MG en avait toujours eu horreur, de nous voir nous occuper d'elle, c'était contre-nature comme elle disait. Au départ elle avait fait preuve d'humour – c'était de famille – puis petit à petit était devenue amère, aigrie, agressive... Sauf vers la fin. Elle avait retrouvé sa douceur habituelle, nous avait noyés sous les déclarations d'amour, même s'il lui était arrivé de se tromper dans les prénoms... Alors, non, décorer un sapin de Noël n'était pas notre truc. Ash avait du y être poussée par sa précédente colocataire, avait repris cette coutume au minimum syndical. Quand on eut fini, je m'écartai et regardai le résultat. Ouais, passable. Pas comme ceux qu'on pouvait voir à la télévision, dans les magasines ou encore dans les galeries commerciales, mais ça amenait cette touche ''joyeuse'' des fêtes.
« Bon... La cuisine maintenant. » Je grimaçai ouvertement. Les dégâts les plus importants s'y trouvaient. Je posai une main dans le bas du dos d'Isla et nous y conduisis. Je poussai un profond soupir en voyant le gâteau. « On aurait aussi vite fait d'en refaire un autre. Ou d'en commander un. » Et j'avais de sérieux doute quant à mes capacités à camoufler la cuisson un peu trop poussée. J'attrapai le poignet de la jeune femme et l'observai une fois encore. « C'est encore douloureux ? » Je le tournai et le retournai, caressai du pouce sa peau à la démarcation. Puis je passai mes doigts sur les menottes avant de froncer les sourcils. Je me saisi de l'acier entre le pouce et l'index et tirai dessus. Mes yeux s'écarquillèrent de surprise alors que l'acier suivi le mouvement, libérant son poignet. « Ok. Soit je suis le nouveau Houdini... Soit on est franchement des abrutis. » Je plongeai mon regard dans ses prunelles noisettes et partis dans un grand éclat de rire nerveux avant qu'il ne s'étouffe dans ma gorge. On était libérés. On était détachés.
Ma mère. La figure maternelle, la seule, l’unique. J’en parlais à peine, d’abord parce que je lui avais consacré 2 années entières de ma vie, surtout parce que j’arrivais à peine à me situer là-dedans, dans notre histoire, avant qu’elle parte. Puis ensuite, et alors que j’avais décidé sur un coup de tête, ou pas tant que ça finalement d’aller la retrouver. C’était un gros ramassis de questionnements, de réponses bafouillées, d’idées jamais vraiment clarifiées. Deklan en savait un peu, un tout petit peu, parce qu’il avait l’oreille attentive, parce qu’à un moment il était ce qui se rapprochait le plus d’un confident pour moi. Ash aussi avait été là, bien plus souvent qu’autrement, dans cette espèce de crise d’adolescence mutée que j’avais eu la chance de vivre. Mes tantes avaient été de vrais exemples de mères parfaites avec leurs défauts, et malgré leur éducation stricte j’avais su évoluer à travers le tout en m’en sortant pas trop mal. Mais ma mère… là où j’avais eu la chance d’avoir un père présent et merveilleusement bien, ma mère était un grand mirage. Du peu que je me souvenais d’elle, elle était belle, gentille, drôle. Vraie, franche. Et volage. Le genre d’esprit libre qui aime les grands espaces, les romans de capes et d’épées, les histoires qui finissent bien, mais tragiquement. Ça se pouvait? Avec elle, tout était possible. Comme sauver le monde, en quittant tout, sa famille, sa carrière, son quotidien, sa vie, pour aspirer à quelque chose de plus grand, de plus important, de commun. J’avais compris à un moment, ce qu’elle voulait retrouver, la journée où j’avais décidé de partir à mon tour. Chercher quelque chose qu’on n’arrive pas à identifier, l’équilibre, le désir, l’aventure, l’inconnu. Je m’étais servi de son parcours carboneux, de ses idéalisations du monde, une manifestation à la fois pour la suivre. Pour tenter de rattraper à un endroit ou un autre son parcours. Mais au final, ce n’était pas qu’elle que je cherchais. Mais une partie de moi-même. Celle qui m’avait manqué, mes racines, ce qui me confirmerait vraiment où se trouvait ma place. À trop avoir voulu m’éparpiller partout dans la vie, j’en étais venue à ne plus me reconnaître, à ne plus savoir par où avancer. Et j’avais tout lâché, parce que ça me semblait être de famille. Mes tantes, Ashleigh, le grand blond un peu perdu qui lui faisait office de frère, et tous les autres. J’avais cru bon de partir, de tenter. Au cas où. Un jour, je lui expliquerais ce qui m’avait passé par la tête. Je me l’étais promis. Je levai les yeux vers lui, souriante, pensive. Ouais, un jour.
« Est-ce que t'as déjà pensé à faire appel à quelqu'un ? » J’haussai le sourcil, ne voyant pas où il voulait en venir. « J'sais pas si t'as oublié où on était. Chez qui on était... » Facepalm direct, bah ouais, clairement! « Ash doit avoir des contacts. Ce n'est pas juste une fétichiste des menottes. Et qui sait ? Peut-être que tu serais sa première cliente. » J’éclatai de rire, filant un coup d’œil défaitiste à nos poignets avant de secouer la tête d’étonnement. « Bah non, du tout. J’ai jamais eu la brillante idée d’exposer le problème à Ash. Probablement que je ne voulais pas trop l’ennuyer avec toute cette histoire… sachant que j’ai fiché le camp un peu en sauvage aussi… » L’idée était tout sauf mauvaise, fallait se le dire. Je me promis de garder le tout en tête, et de tâter le terrain avec la BFF. S’il y avait bien quelqu’un en qui j’avais une confiance aveugle pour diriger le projet, c’était bien elle. Qui sait, aurait-elle du temps entre deux dossiers pour farfouiller à travers l’histoire de la fameuse mère disparue pour cause humanitaire? Ça vaudrait la peine de tenter. Rien que pour voir, rien que pour s’amuser… ça serait si simple si au final, elle arrivait à dégoter quelque chose, au moins une toute petite info, ou mieux, mille fois mieux, un numéro de téléphone. Je donnerais beaucoup pour entendre sa voix, rien qu’à savoir si je la reconnaitrais. Deklan en profita pour changer de sujet, voyant probablement que dès qu’on se lançait au sujet de la maman, je me perdais dans mes pensées. Les cheveux humides, le visage savonneux, je souris à travers la drôle de sensation qui me tenaillait le ventre lorsqu’il proposa une soirée à deux, puis à trois. Le tremplin musical, l’occasion parfaite de relancer comme avant notre amitié, notre trio. De chasser les malaises et les silences qui étaient désagréables pour tout le monde. Ouais, on avait grandit, et j’en étais plus qu’heureuse. On avait eu nos moments, nos hauts et nos bas, et maintenant, il mettait cartes sur table pour qu’on retrouve l’amitié qu’il y avait au départ, en véritable gentleman. Alors pourquoi est-ce que mon souffle s’accélérait? Je déposai distraitement un main sur mon nombril, sentant un élancement qui ressemblait vachement soit à mon estomac qui criait famine, soit au stress de gamine qu’il me filait chaque fois qu’il me lançait un regard à la dérobée au détour d’un couloir au lycée. Mais nah, c’était du déjà vu, du réchauffé. Un enterrement de hache de guerre dans les règles. J’en déduis qu’un fist bump sur l’épaule lui montrerait à quel point j’étais relax face à la chose, avant d’ajouter pour conclure « J’ai toujours voulu élargir la photo à plus que la mode. J’veux dire, j’adore le milieu et tout, mais la musique en live est un tout autre monde! » je pouvais pas le nier, j’avais des étoiles dans les yeux dès que je parlais de photo. « La scène, l’engouement, l’énergie des artistes… c’est ça que je veux capturer, bien plus que des groupies comme toi en backstage! » je rigolai, le poussant doucement avec le revers de mon épaule. « Et puis si ça nous donne accès à quelques goodies gratuits, ça peut pas faire de mal non plus… » Clin d’œil, éclat de rire, et on passe à autre chose. C’était bon de pouvoir souffler et rigoler avec lui. De nouveau.
La suite, elle était moins marrante. Malgré notre bonne volonté, l’appart d’Ashleigh n’avait pas retrouver un minimum de contenance, et prenant pour acquis qu’il s’agissait de la dernière journée dans son ancienne vie, c’était plutôt moche de lui laisser le tout en bordel. Gâteau brûlé, divan en bataille, cuisine quasi-inondée, sapin de Noël en catastrophe… on aurait fait de piètres amis si on avait laissé le tout dans un état pareil. Et malgré les quelques sourires qu’on venait de s’échanger, je vis tout de suite, rien qu’à entendre les lamentations de gamin de Dek, qu’il n’avait pas envie de mettre plus qu’il ne fallait la main à la pâte. Coup de bol, il m’avait menotté à lui, ce qui signifiait que si je me mettais au rangement, il allait devoir faire équipe. Ce dont je profitai, l’attirant vers moi au salon en deux temps trois mouvements. Si on y mettait de l’énergie, on finirait plus vite, non? Et puis qu’il ne se méprenne pas non plus, mon appart à moi était lui aussi dans un état plus ou moins potable, & je n’étais pas une folle du ménage plus qu’il fallait. Mais tout de même, la politesse et tout ça, ça j’y tenais. « T’auras droit à une bière de célébration offerte par mes soins si tu cesses de râler et que tu t’y mets aussi, chaton! » que je lui proposai, sachant que déjà la motivation devait être plus intéressante. Quelques minutes plus tard et on s’affairait déjà comme de vraies grandes personnes à faire du salon quelque chose de plus viable, avant que la macarena, puis Elvis ne viennent me distraire complètement. Déficit d’attention? Si ça pouvait me permettre de mettre de côté le ménage improvisé pour m’amuser un peu au travers, y’avait pas de mal, non? Et puis, j’étais pleine de bonnes intentions, z’avez qu’à relire quelques lignes plus haut hen!
« Des plans ? Well... » Deklan réfléchissait à ce qu’il avait au programme pour Noël, et moi, j’angoissais à l’idée de devoir préparer la dinde pour mes tantes, et possiblement pour Leo et sa famille si mon karma décidait de m’en mettre plein le visage. « J'sais pas... Peut-être qu'on mangera ''italien'' avec Ash devant la télé pour le réveillon. » L’idée soudaine de laisser la responsabilité du repas de réveillon à quelqu’un d’autre, que ce soit un italien, un chinois ou même un indien, me sembla être particulièrement bonne et je pris une note mentale d’y repenser si la dinde décidait de ne pas coopérer. « Oh Mario! » je savais exactement de qui il parlait, lorsqu’il imita à la blague le fameux cuisinier italien du coin. C’était lui qui avait ouvert son resto rien que pour Ash et moi, un dimanche soir pluvieux, alors qu’on sortait du cinéma et que nos ventres criaient famine. Je dis ouvrir, en fait il était là à l’arrière à préparer des tiramisus pour sa famille, et nous avait vu lorgner pendant de longues minutes sur les menus qu’il affichait en vitrine, soupirer comme des perdues avant de nous faire signe d’entrer, de prendre place au bar, et d’attendre nos parts de spaghettis comme des gamines. « J’ai toujours cru que j’aurais dû le demander en mariage lorsque j’ai goûté pour la première fois sa pizza Margherita. » que je blaguai, me souvenant vaguement que la première bouchée m’avait tiré un long, long soupir de bonheur. « Je ne serais pas là pour te distraire avec mon corps d'athlète. » et le voilà qui me faisait de nouveau éclater de rire, le torse bien bombé. « Et au pire, tu inventeras un nouveau genre de recette... Avec du glaçage sur la volaille pour masquer le tout là aussi. » j’en profitai pour lui tirer la langue, détournant le regard. Un peu parce que je ne voulais pas qu’il voit à quel point j’étais déçue d’avoir gâché mon gâteau, surtout parce que mon égo ne supporterait pas qu’on mentionne encore une fois ce fail mémorable. « Mais non. T'es l'une des meilleures cuisinières que je connaisse. Bon, ne te vexe pas, mais jamais tu ne détrôneras ma grand-mère. Elle était et restera le meilleur cordon bleu à mes yeux. » Je me blottis un peu plus contre lui. La grand-maman, la femme de la vie des Monaghan. Même si j’en avais beaucoup entendu parler, je n’avais vraiment jamais eu la chance de connaître la grande dame qu’elle avait pu être. Je l’imaginais belle, rieuse, bonne vivante. Toujours avec son tablier à les attendre, au retour des cours. Ou affairée à préparer de la limonade et des cookies en pleine canicule. À avoir un caractère de béton, mais un sourire qui rachetait tout. Le genre de grand-mère qu’on souhaite garder près de soi longtemps, longtemps. « Jamais j’oserais la détrôner. Au contraire, j’aurais rêvé de la regarder cuisiner… » que j’ajoutai, sincère. Ses bras autour de ma taille, ses doigts qui dessinaient lentement la courbe de mon dos, me ramenèrent à la réalité, bien loin des souvenirs d’enfants. Qu’est-ce qu’on fichait? Déjà qu’on venait de s’expliquer et de redonner le coup d’envoi à une possible amitié, et je me lançais à demi-nue contre lui, pensant que tout était bien qui finissait bien. Comme si le contact ne lui ferait rien, comme si le contact… ne me ferait rien. Parce que force était d’admettre que la sensation qui me dérangeait plus tôt était toujours là, bien ciselante. Et si…?
Je fis un pas en arrière, en même temps que lui. Petit à petit, on retrouverait de bonnes habitudes, loin de celles qui nous semblaient naturelles. On s’éloignerait de ce qu’on était, avant. Je retins un frisson, une idée, un souvenir. Et si je n’avais pas décidé à la dernière minute de ne rien dire à Ash, la fameux soir où tout avait explosé? Le bal du lycée, là où il devait m’accompagner, là où on avait décidé de tout avouer à la galloise coûte que coûte? C’était fait, j’avais pris ma décision, et on s’était séparé le plus maladroitement du monde. On avait fait nos vies, on avait cheminé, et on en était là où on devait être, point barre. Je roulai des yeux alors qu’il tentait encore une fois de se défiler, bien heureuse que le ménage soit là pour m’occuper l’esprit alors qu’il menaçait de se mettre à divaguer là où il n’était pas le bienvenue. « Souviens-toi, la bière… » que je chantonnai de nouveau, le suivant vers le sapin, replaçant ma serviette un peu plus contre moi. Le pauvre conifère avait eu la vie plutôt difficile, mais en quelques coups du sort ont réussi à lui redonner vie, ou du moins assez pour que sa chute passe quasi-inaperçue. Déjà, c’était un plus. Le divan ramassé, on fila ensuite vite fait vers la cuisine, filant un coup d’œil à l’horloge qui avançait plus vite qu’il ne le fallait. « On aurait aussi vite fait d'en refaire un autre. Ou d'en commander un. » « Hé, oh, je suis là, j’entends! » que je répliquai, toujours aussi mal que l’apprentie pâtissière en moi ait raté un truc aussi basique qu’un gâteau au chocolat. La grosse conne que j’étais avait complètement zappé le temps de cuisson, beaucoup trop occupée à jouer les retours en arrière avec lui et maintenant, j’avais devant les yeux le résultat plutôt cuisant de mon échec. Pas super pour le moral, d’autant plus que Deklan venait de pousser le plus long et le plus entendu des soupirs. Ça y est, j’allais avoir des complexes culinaires pour les prochaines semaines. L’égo blessé, je décidai de renvoyer la vapeur et d’inventer un truc bidon, voulant clairement me venger du peu d’encouragement dont j’avais eu droit avec l’autre Monaghan. « Mais au moins, le cacao calciné a des propriétés intéressantes. » que je lançai, sérieuse. « J’ai lu la semaine dernière sur un blogue qu’après avoir atteint une certaine température, il devenait un super exfoliant. » J’avançai ma main libre vers le gâteau, le tâtonnant avec curiosité. « J’ignore si c’est vrai, mais il paraît que plusieurs vedettes paient des sommes de dingue pour des traitements de la peau à base de ça! » J’attendis sa réplique, mais il n’eut pas besoin de rien dire que déjà, mon bras se libérait du sien. « Ok. Soit je suis le nouveau Houdini... Soit on est franchement des abrutis. » le timing était PAR-FAIT. « Ouais… des abrutis, mais terriblement bien exfoliés! » que je m’exclamai, avant de recouvrir son visage de gâteau brûlé, profitant de ma nouvelle liberté pour filer me cacher, les mains encore pleines de munition, au cas où il décide de revendiquer.
Ma course fut brève, déjà j'étais derrière le canapé, retenant un éclat de rire en repensant à sa tronche surprise alors que je l’attaquais. Puis je filai un coup d’œil à mon poignet, réalisant que vraiment, on n’était pas particulièrement les plus brillants du lot de n’avoir tout simplement pas vu que les menottes n’étaient pas bien verrouillées. Nah mais le temps qu’on aurait pu sauver, les dégâts qu’on aurait pu éviter… le temps. Wait. Je levai doucement la tête, jetant un premier coup d’œil dans la pièce me doutant qu’il ne devait pas être loin, avant de réaliser qu’il ne se trouvait ni dans la cuisine, ni au salon. Ah ben tiens, il se cachait? Il se nettoyait le visage? Le temps, malin, m’avait rappelé que j’abusais côté délais et que bien vite je devrais m’arranger pour finaliser mon boulot, sinon j’allais le savoir par le biais d’un éditeur plus que mécontent. Joignant la pensée au geste, je remarquai mon portable sur la table basse qui illuminait, affichant déjà 6 nouveaux messages, et 2 heures de retard sur mon planning. Merde, plus le temps de jouer. Et puis avec Deklan qui avait déserté, c’était même plus drôle… « Deklan? » que je tentai, me redressant un peu plus derrière le canapé. « C’est bon, tu as vraiment trouvé une meilleure cachette que moi hen. » devant le silence qui planait dans l’appart, je me relevai complètement, prête à filer ranger en cuisine, alarmée par la merde dans laquelle je venais de me mettre côté boulot. « Je jette le gâteau là, plus aucun danger d’attaque. » j’osai, avant de foutre le désastre chocolaté direct aux poubelles.
Je fronçai les sourcils. Autant je pouvais comprendre qu'elle ne m'en ait pas parlé, après la relation que nous avions eu. J'étais pas un parfait crétin – du moins, pas tout le temps – aussi je pigeais qu'elle ait eu envie de garder ça pour elle, de s'éloigner, de tenter de reprendre d'une certaine manière le contrôle sur sa vie. Mais, hé, les filles n'étaient-elles pas censées être bavardes entre elles ? Et pas seulement au sujet du sexe opposé ? J'veux dire qu'avec tous ces foutus films de nanas, parlant d'amour et d'amitié, films qui provoquaient en moi un besoin urgent d'aller me bousiller le foie avant de tout régurgiter dans les chiottes... N'auraient-elles pas du partager cette histoire un samedi soir devant un pot d'Häagen-Dazs, entre deux visionnages de films cuculs à souhait ? Ce n'était pas conflictuel comme le fait de sortir avec le frère de l'autre, il était question de la famille, de la mère. Alors, non, là je ne captais pas. Cependant je n'aurais pas le culot de donner une leçon de morale sur ce que devait être l'amitié, la confiance etc. Déjà parce que j'étais un mec et que de mon côté l'amitié se traduisait généralement par le fait de trinquer en toutes occasions, pintes en main. « On a peut-être une mère à chier mais c'est pas pour autant que ça l'aurait emmerdé. Au contraire, en fait. » Je voyais bien ma sœur s'évertuer à aider Isla dans sa quête, justement parce qu'on était déçu par notre mère. Une façon de nous prouver à nous-même qu'elle n'était qu'une foutue exception, que la vache malade et qu'il était possible de résoudre le problème avant qu'on en vienne à abattre le troupeau. Ouais, je compare ma mère à une vache-folle et alors ? On en reparlera lorsque vous la rencontrerez, cette morue. Oui, je pouvais faire de nombreuses comparaisons animalières. « Penses-y, c'est tout ce que je dis. » Je lui adressai un clin d’œil complice. Hé, qui sait ? Si j'arrivais à lui ramener des clients, peut-être que je pourrais toucher une petite commission. Une sorte d'homme sandwich, sans la tenue ridicule. Moi qui cherchait un boulot, voilà qui était peut-être chose faite. Je deviendrais en quelque sorte l'image de son agence, un Remington Steele gallois, bien plus canon que Pierce Brosnan, bien plus cool aussi. J'pourrais même l'aider à créer un jingle si l'envie lui venait de faire de la pub à la radio, hé.
La mode et son milieu. A part pour les mannequins, bien qu'elles manquaient cruellement de rondeur à mon goût, je n'en voyais pas réellement l'intérêt. Moi et les fringues hein... et pour le peu que je savais, c'était pas tout rose et plein de paillettes là-dedans, mais plutôt de poudre blanche et de vacheries. La musique, en revanche... Bon, ok, la coke y était présente aussi. Et les nanas, les groupies. Mais ça se tirait moins dans les pattes, on ne s'affamait pas pour une histoire de kilos en trop, seule comptait la musique. J'osais croire que l'ambiance y était plus conviviale, plus festive. J'idéalisais peut-être un peu, mais j'étais un rêveur, tout le monde le savait. Un rêveur qui perdait foi en son potentiel, en ses capacités et qui lâchait la seule chose qui le faisait vibrer. C'était con, mais ces retrouvailles me reboostaient le moral. Ses remarques précédentes avaient fait leur bonhomme de chemin dans mon cerveau et je commençais à reprendre espoir que la musique n'était pas si hors d'atteinte que ça. Bon, m'y remettre demanderait du boulot. Il était temps que je change les cordes de Betty, sans parler d'une explication avec les gars. C'était eux qui m'avaient découragé avec leurs conneries à répétition, par leur manque d'implication dans le band. Ils ne prenaient pas la chose au sérieux, se moquaient clairement du rendu, ne pensaient qu'à l'après concert. Je me faisais peut-être vieux, mais ramasser une blonde ou deux en descendant de scène n'était pas ce que je trouvais de plus excitant. Surtout si c'était pour ne pas en garder le souvenir. Mandy, Sandy, Brandy... Les prénoms défilaient, mais j'étais incapable d'y associer un visage. Au départ j'y avais fait attention, puis j'avais commencé à perdre le fil. A bien y réfléchir, il y en avait peu à m'avoir marqué – pas physiquement s'entend hein. A la limite, je me souvenais de la première après ma rupture avec Isla. Stephanie, la fan de Metallica, avec des tatouages disséminés sur tout le corps. Et quand je dis tout le corps, hein, c'est vraiment TOUT le corps. J'en aurais presque rosi si je n'avais pas bu du courage liquide. Les autres en revanche, well... A raison d'une moyenne d'une fille tous les deux mois... Six nanas par ans, sur treize ans, les années passées depuis notre séparation. Soixante-dix-huit nanas. Et dans le lot, aucune copine, pas de petite amie. Ça, j'avais arrêté. A moins qu'une relation d'une semaine compte, mais hé, non, je ne pense pas. Sur une durée plus longue, il y avait bien Indie, mais c'était Indie, ma colocataire, une pote. Il n'était nullement question de sentiment. Il y avait eu Billie aussi. Sexy Billie, l'adepte du saxo, la jazzy Billie. Mais là encore, pas de sentiments, juste une sorte d'échange de bons procédés... Oh, et Marisol, une latino franchement bien roulée mais totalement jetée. Là j'étais bien resté un mois entier avec elle, mais parce que j'avais la trouille de ce qu'elle m'aurait fait si j'avais mis un terme à ça de ma propre initiative. Avoir le couteau sous la gorge n'était pas qu'une expression avec elle, je l'avais vraiment eu à deux doigts de ma carotide, alors j'avais fait de mon mieux pour la dégoûter, pour qu'elle parte de son propre chef. Un mois. Un long mois d'angoisses cumulées. Mais aucune n'avait su se faire une place dans mon cœur – ouais, ça me faisait lever les yeux au ciel cette expression aussi – de façon romantique du moins. Je vous entends d'ici. Non, je n'ai pas profité de la situation, de leurs faiblesses. A chaque fois j'espère bêtement que ouais, c'est la bonne, mais bien vite je réalise que non, ça ne peut pas fonctionner, comme s'il me manquait quelque chose. 78 ! Bon, ok, je commençais à comprendre le point de vue d'Ash... Ça passait tellement vite en même temps, et je ne m'étais pas fait moine après avoir eu le cœur brisé, donc bon.
Elle me sortie de mes ''souvenirs'' lorsqu'elle me mit dans le lot avec ces excités qui stalkaient leurs artistes préférés. « Hé ! J'suis pas une groupie ! » Je me renfrognai. Non mais puis quoi encore ? Ok, il m'était arrivé de faire de la route pour voir un groupe, j'avais des t-shirt à l'effigie des plus grands, mais je ne restais pas faire le guet devant les hôtels dans l'espoir de les en voir sortir pour un autographe. Simple bout de papier qui, certes, pouvait avoir de la valeur, autant sentimentale que pécuniaire, mais ce n'était que de l'encre sur une feuille, le temps l'aurait à l'usure, ça ne valait pas qu'on se donne tout ce mal, qu'on affronte une troupe agglutinée et au bord de l'hystérie. Si elle ne m'avait pas fait comprendre la plaisanterie d'un geste, je serais probablement resté bougon. « Tout ce qui est gratuit est bon à prendre, foi de gallois fauché. » Je voyais désormais cette sortie d'un autre œil. Je me retenais de me frotter les mains à l'idée de ce qu'on pourrait récolter avec le joker Isla de notre côté. Oui, son appareil photo pourrait nous ouvrir des portes, des possibilités que je n'avais encore jamais osé imaginer avoir, du moins, sans devenir moi-même une tête d'affiche. « J'serais ton assistant, je porterais ton matériel. » Ajoutai-je avec un sourire entendu en lui rendant son clin d’œil. « Je saurais me rendre indispensable. » Homme sandwich et assistant. Eh bien, ma vie pourrait s'avérer bien remplie à ce rythme et ce n'était pas pour me déplaire. Les minutes passaient et ma conscience s'allégeait. Je n'avais plus envie de me défouler, de cogner le punching-bag, ma bonne humeur habituelle repointait le bout de son nez. « Et puis, si tu te fais un nom, tu seras peut-être amenée à aller en Europe et tout ! » Je commençai à m'emballer, nous imaginant – bah ouais, l'assistant indispensable de Miss Hamilton, hé – traverser l'Atlantique. Je pris une longue inspiration pour retrouver mon calme, difficilement. Merde quoi, j'avais toujours rêvé d'aller au Hellfest. Ou encore au Sweden Rock Festival. Je ratais tellement de chose à rester coincé aux States avec mon compte en banque désespérément vide.
« Tu sais parler aux gallois, toi ! » Lui répondis-je. C'était bien plus alléchant qu'une carotte ou qu'un coup de bâton pour un âne bâté tel que moi. Une bière offerte. La motivation qui me manquait pour m'atteler à la tâche de bon cœur. « Mais je ne promets pas de ne plus me plaindre, par contre. C'est un peu la marque de fabrique des Monaghan ça. Ne pas le faire irait à l'encontre de Dame Nature, hein. » Et en effet, je n'avais pas arrêté, je ne pouvais pas, surtout pas lorsqu'on m'infligeait pareille musique. De la torture à l'état le plus pur. Il me faudra plus qu'une bière pour me remettre du traumatisme, au moins et j'espérais qu'elle en avait conscience. Au pire, je le lui ferais remarquer lorsqu'on sera tous réuni au Barking, je n'y manquerais pas, non mais. Quelle connerie d'être un mec ! C'était la croix et la bannière pour se faire payer à boire, j'avais beau battre des cils, minauder comme ma frangine, rien n'y faisait. Alors, depuis peu, je la mettais dans le coup, solidarité familiale, tout ça. Si au départ elle avait protesté, maintenant elle se prenait au jeu, relevait le défi avec brio. A croire qu'au fond, cette demande égoïste au premier abord, avait ses avantages pour ma blonde de sœur, je me plaisais à croire qu'aider son frère lui permettait de se changer les idées et d'oublier sa rupture. Un verre deux coups. Ou une pierre deux coups, si vous y tenez. L'idée de la bière coulant à flot me permis de ne pas trop protester et d'obtempérer jusque dans la danse. Je n'irais pas jusqu'à dire que j'y prenais plaisir, ça restait désagréable à mes yeux, mais moins en telle compagnie. Qu'elle fasse la conversation aidait également. J'en oubliais cette peur de lui marcher sur les pieds ou d'être dans le mauvais tempo – chose la plus horrible pour un musicien. Je ris à ce qu'elle ajouta sur le pizzaïolo, amusé qu'elle soit presque aussi dominée par son estomac que moi par le mien alors que je pensais que c'était un trait masculin. « J'pense que sa femme aurait trouvé à redire. » Ouais, c'était le genre de chose que je remarquais, surtout lorsque cela se présentait sous la forme d'une blonde décolorée et adepte des vêtements trop près du corps... Avec son déhanché digne d'une strip-teaseuse – ce que je la soupçonnais d'être ou d'avoir été du moins – elle avait presque réussi à détourner mon regard de mon assiette de pâtes. Mais, hé, j'avais des priorités, surtout lorsqu'une alliance était glissée à l'annulaire et que le mari était accessoirement dans la pièce adjacente. Je clignai des yeux lorsqu'elle se rapprocha encore, priant pour que les battements de mon cœur qui s'emballait ne se feraient pas trop flagrant. Sans parler que le sujet abordé me touchait encore, et ce malgré les années qui s'étaient pourtant écoulée depuis la mort de MG. « Elle t'aurait adorée. » Que je lâchai sans crier gare, me surprenant moi-même. « Parce que tu nous tolères vachement bien quand même. » Ce qui, à l'époque, n'était pas chose courante. Grand-mère avait même du désespérer de nous voir nous sociabiliser dans ce village qui nous acceptait si peu. Elle leur en avait beaucoup voulu, qu'ils reportent les fautes de notre mère sur nous, pauvres gamins, mais n'avait rien pu faire. Ses gâteaux n'avaient pas pu apaiser ce rejet. Puis j'avais repris mes esprits et m'étais écarté. Il était temps si j'en étais arrivé à l'étape des confidences.
Le retour à la triste réalité, au ménage colossal qu'on avait à faire avant de pouvoir appeler quelqu'un au secours sans risquer les remontrances d'Ashleigh, eut le bon côté de détourner mon attention d'elle. Ce n'était pas le moment de se laisser aller alors qu'on venait à peine de clarifier les choses. Si je pouvais ressortir de cet appart sans qu'aucun drame ne vienne entacher mon quotidien déjà bien sapé, cela m'arrangerait beaucoup. Le ménage, oui, le sapin et tout le merdier. Je râlais, à nouveau, avec conviction et elle me ramena cette histoire de bière. « LES bières j'espère hein. » Rectifiai-je avant de soupirer. « Je t'expliquerai la combine qu'on a avec Ash s'il le faut. » Hé, je n'allais pas demander à la morveuse de s'y coller alors qu'on se réunissait pour elle ce soir ! Je n'étais pas un tel monstre d'égoïsme. Et Isla ferait parfaitement l'affaire, pour être tombé sous son charme dès le premier regard, je ne savais que trop bien qu'elle saurait y faire pour qu'un gars sorte sa carte bancaire pour nous payer un coup à tous, pensant que ça vient de lui. Non, ce n'était en rien du proxénétisme – j'entends les ''bonnes âmes'' s'outrer d'ici – juste de la débrouillardise, l'instinct de survie du soiffard. Mon énième remarque sur le pauvre gâteau sembla de trop. Je haussai les sourcils face au ton de sa réponse, étonné qu'elle prenne cette histoire tant à cœur. Si je devais m'effondrer à chaque fois que mes tentatives culinaires se révélaient être des échecs, hein, je boycotterais les frigidaires depuis belle lurette. Alors que là, c'était bien la première fois que ça lui arrivait à ma connaissance. « Ce n'est que l'exception qui confirme la règle, honey. » Je gardai tout de même un peu de distance, de peur que cette affirmation ne me vaille un coup bien placé. Les filles étaient imprévisibles et dangereuses, je n'étais pas prêt d'oublier ce fait. « Exfoquoi ? » Demandai-je distraitement alors que j'étais occupé à observer de plus près les menottes. Et puis, bon, ça puait le truc de fille son exfomachin, pas mon domaine du tout alors je n'eus aucun mal d'oublier ce nouveau sujet de conversation qui semblait pourtant l'intéressé lorsque je parvins à nous libérer. Bon, du coup, je ne vis pas la suite venir, encore moins ce morceau de gâteau qui s'écrasait sur ma tronche. Great. Quand on n'a pas suivi, la blague est difficile à saisir. Je me passai calmement les mains sur le visage, pour le débarrasser de toute nourriture calcinée, mes narines agressées par l'odeur de brûlé. Je m'essuyai ensuite les mains dans le torchon. « C'est quoi le plan ? Tu veux encore me voir sous la douche, c'est ça? » Et là était le problème. Ce genre de petit jeu, entre nous, terminait rarement de façon anodine. Terrain glissant. Si je crevais d'envie de la retrouver pour lui rendre la pareille, je savais que je ne devais pas. Self-control, again. Ex of the year. Un petit sourire triste en coin, je retournai à la salle de bain me nettoyer, la laissant s'agiter toute seule. Après un coup d’œil au miroir, je fus soulagé de constater que nos vêtements étaient secs. Allelujah ! La tentation serait moins grande. Je pris le tout dans mes mains et revins au salon.
Je posais le tout sur le canapé. « Faut bien qu'il y ait l'un de nous deux pour endosser le rôle de l'adulte... » Dis-je en voyant son air paniqué. Je levai les mains, montrant que je ne comptais pas prendre ma revanche. Du moins, pas tout de suite, je trouverai bien un meilleur moment, lorsque nous serions plus vêtus et que ça ne risquerait pas de déraper. D'ailleurs, je me dépêchai de récupérer mon t-shirt et de me rhabiller avant de prendre place dans la cuisine. Je tapai dans mes mains et les frottai l'une à l'autre. « Et si j'endossais une fois dans ma vie celui de Monsieur Propre, hein ? » J'attrapai l'éponge et la passai sur le plan de travail, la mine sérieuse, sifflotant distraitement l'air qui passait à la radio. J'étais bien déterminé à ne plus me laisser distraire. Le désir de la prendre dans mes bras, là, tout de suite, se faisait de plus en plus grand, cela me prenait même l'estomac. Le repousser devenait plus ardu. Donc, plus vite on en aurait terminé, plus vite je pourrais foutre le camp et me réfugier dans la bière. « 'Faudrait pas qu'on fasse trop attendre la blonde. Elle pourrait se montrer hargneuse. » L'excuse de la sœur. Meilleur moyen de nous rappeler à tous les deux pourquoi ça ne pouvait pas coller entre nous, pourquoi on avait été en froid. Non pas que je voulais revenir à ce point, non, mais si nous pouvions éviter de trop recoller les morceaux justement, hein, c'était toujours ça de pris. Je me dirigeai ensuite vers l'évier et me chargeai de la vaisselle, non sans passer un doigt dans le fond du plat où Isla avait savamment préparer la pâte à gâteau et le glisser dans ma bouche. Dommage, c'était prometteur. Je ne m'étais encore jamais montré aussi efficace, je m'impressionnais moi-même. En un rien de temps, le tout était propre, à sécher dans l’égouttoir. Je laissai tomber l'éponge dans l'évier et me tournai, à la recherche de la prochaine mission qui je pourrai mener à bien. « Si on pousse trop à faire reluire l'appart', elle trouvera ça suspect, tu ne crois pas ? » raillai-je.
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Sujet: Re: Honey, I’m home! – DEKLAN & ISLA Dim 4 Mai - 19:20
HONEY, I'M HOME!
isla et deklan.
Et si j’étais pas partie? Je me le demandais souvent, surtout ces derniers temps. Lorsque j’étais à l’étranger, à faire du sup’ sur l’océan, ou à goûter du thé à la menthe et des fruits fraîchement cueillis au-dessus de ma tête, j’y pensais peu. Je veux dire, j’avais appris à la dure à vivre le moment présent plutôt que de penser à tout ce que j’avais laissé, derrière. À ma famille, à mes amis, à lui – je levai distraitement les yeux sur Deklan, lui qui me faisait tourner distraitement. C’était étrange, que malgré le fait où tout était toujours compliqué entre nous, les non-dits, Ashleigh, l’historique chaotique, on arrivait tout de même à se retrouver. Pas une seule fois j’avais succombé à lui envoyer un texto après une soirée de beuverie, ou à éplucher ses milliers de photos sur Facebook, résultat de groupies qui l’avaient retrouvé question d’identifier et de montrer à tout le monde qu’elles avaient décroché le gros lot en coulisses un certain soir. Nah, j’avais fait un trait sur tout, et pas parce que je ne l’aimais plus, mais simplement parce que je ne pouvais plus. Je ne voulais pas choisir, je ne voulais plus me casser la tête, je voulais du simple, du facile. Un psy aurait facilement pu dire que je répétais exactement aux mots et aux gestes près ce que ma mère avait fait, lorsqu’elle avait décidé de mettre les voiles. Prendre peur, manquer d’air, vouloir une liberté qu’elle seule pouvait se trouver, toutes ces conneries. Seulement pour dire que j’avais filé. Que j’avais pensé à lui, évidemment, mais que j’avais fait ma grande fille. Que j’avais profité de chaque seconde. Et que malgré tout ce que j’avais pu vivre, malgré tout ce à quoi j’avais rêvé, j’étais tout de même de retour ici, à L.A., entre ses bras. Partir si loin, pour revenir si proche. Les premières notes d’une chanson corny de Phil Collins prirent place à même la stéréo, rendant le tout particulièrement ridicule. « Et c’est sur ces belles paroles que je te transfère le pouvoir d’être DJ. » que je m’exclamai, lui pointant du menton la télécommande de la radio. J’avais toujours adoré ses goûts musicaux, nettement plus variés que les miens, surtout en situation de crise. J’avais cette tendance à mettre bien, bien fort des classiques des années 80 ou 90 lorsque j’avais la mine basse, ou une féroce envie de me changer les idées, et étrangement, c’était ce qui se passait depuis que Deklan et moi avions échangé quelques pas de danse. Coïncidence?
« Je t’avertis tout de suite, personne ne quitte la piste de danse si Spice up your life fait partie de ta sélection! » j’accompagnai ma réplique d’un rire se voulant à la limite du machiavélique, sachant très bien qu’Ash et moi avions joué un peu trop souvent avec les nerfs du gallois, fichant dès qu’il avait le dos tourné l’un ou l’autre des succès des Spice Girls à même la radio de sa bagnole à l’époque. Souvenirs nombreux des toutes aussi nombreuses occasions où on lui avait arraché soupirs et jurons alors que la blonde préférait les passages de Sporty Spice, et que je cartonnais clairement lorsqu’il s’agissait des refrains à la Geri. C’était vraiment, vraiment à se demander comment il avait fait durant tout ce temps pour continuer à avoir limite un maigre intérêt pour moi, sachant à quel point on l’énervait à lui casser les oreilles… à savoir qu’il devait croire que je jouais la comédie pour me rendre aussi désagréable que possible devant sa sœur, brouillant les pistes d’une possible idylle. Sa mine renfrognée à l’instant ne me confirma que trop bien que malgré tout, on avait toujours été très différents en ce sens, lui avec son habitude bien typique de râler, moi avec mes paillettes et mes feux d’artifices constants. On crashait peut-être dans certaines situations, mais pourtant la personnalité de l’un n’avait jamais assombri ou énervé celle de l’autre, m’enfin, pas à mon souvenir. Limite, on s’en moquait parce qu’au final, on se ressemblait beaucoup plus que ce qu’il pouvait en transparaître. « C’est sûr qu’avec toi, le verre est toujours à moitié vide... » que je blaguai, suite à ses maigres protestations. Dans ce cas-ci, l’expression prenait tout son sens, et c’était bien que ce qui m’amusait le plus. Mon sourire ne fit que s’agrandir d'avantage lorsqu’il parla de la pizza de Mario, puis de la cuisine de sa grand-mère. Ah. Soupir nostalgique, avant de sentir mes joues rosir de l’entendre dire que la femme qui semblait être la plus importante aux yeux des Monaghan m’aurait adoré. Limite, je les enviais. Ouais, ils n’avaient pas eu la vie familiale facile, mais au moins, ils avaient toujours une partie de leur arbre généalogique bien ancrée dans leurs souvenirs. C’était moins facile de mon côté, avec ma mère qu’on connaît tous très bien maintenant, et mon père qui m’avait laissé quelques bribes floues au passage avant de disparaitre, il me manquait ce petit plus. J’adorais mes tantes et la famille de Leo, ça, j’en douterais jamais, et j’avais eu la chance d’être entourée de gens tellement géniaux et merveilleux que ma vie n’aurait pas pu être meilleure, mais tout de même. La sensation d’avoir une famille attachée à soi, de vrais frères, de vraies sœurs, des parents…, c’était quelque chose qui m’était de plus en plus inconnu. Ou pas, compte tenu du fait que je m’en étais créée une famille, au fil du temps. Différente, atypique, mais précieuse. Je rigolai alors qu’il glissait un « Parce que tu nous tolères vachement bien quand même. », puis le laissai se détacher. Un peu trop de nostalgie pour nous, surement.
D’un œil distrait, je le suivis à la cuisine, repensant aux beuveries auxquelles j’avais pu prendre part un peu partout à travers le monde alors qu’il insistait sur le volume d’alcool qu’il ingèrerait ce soir. Oulah. Rien qu’à penser à toutes les conneries que j’avais pu faire sous l’effet de l’alcool avec Ava, ma partenaire de fiesta officielle, je sentis un large sourire se dessiner sur mes lèvres. Puis Colton, avec qui les quelques fois où on l’avait échappé étaient des plus mémorables. Mais après une brève revue, je me pus que m’empêcher de constater que c’était bien avec les gallois que j’avais passé mes soirées les plus rocambolesques. J’ignorais si c’était parce qu’Ash & Dek finissaient toujours par se bouffer le nez sur des broutilles, ou si c’était parce que je trouvais en la blonde une partenaire de karaoké exemplaire à chaque fois où j’en avais clairement besoin avec au passage Deklan qui se révélait être notre meilleur public, mais les Monaghan et moi avions cette facilité à transformer n’importe quelle soirée en souvenir particulièrement hilarant le lendemain. M’enfin, si on oubliait le mal de crâne agressif qui s’en suivait pour quelques heures durant. C’était son plan pour ce soir? Ma tête souffrait déjà, mais je ne pouvais qu’avoir hâte de retrouver nos traditions d’avant.
« Exfoquoi ? ». La suite se passa un peu trop rapidement pour lui, visiblement encore sonné de m’avoir libéré de mes menottes pour réaliser la guerre de gâteau calciné que je lui lançais. Je cru même marrant d’aller me cacher ensuite, retrouvant un minimum de liberté, mais Deklan sembla ne pas comprendre le plan, filant vers la salle de bain pour nettoyer, ce que je compris en entendant le robinet s’agiter, son visage quelque peu chocolaté. Barge, que je pensai, visiblement déçue qu’il ne prenne pas part à mon jeu. Mais je me raisonnai, quand même. Parce que ça encore, c’était de l’histoire ancienne. Les jeux où je l’agaçais et où il me pourchassait, c’était le Deklan & la Isla d’avant. Quand on allait fumer des clopes en cachette sur le bord d’un ruisseau derrière le lycée et que je le poussais à l’eau sachant très bien qu’il remontrait à la surface pour me faire vivre le même traitement. Ou quand il se plaisait à me faire hurler de terreur, se planquant derrière le canapé sans que je m’en rende compte avant une scène effrayante d’un film d’horreur qu’on avait loué. Chaque fois, on finissait toujours par faire la paix, charnellement parlant. Et aujourd’hui, c’était tout sauf la tactique bienvenue. M’enfin, selon ce que ma raison me soufflait – m’hurlait – à l’oreille. « Faut bien qu'il y ait l'un de nous deux pour endosser le rôle de l'adulte... » J’hochai la tête, le rejoignant au salon pour attraper t-shirt et jeans que j’enfilai distraitement. J’étais déçue, un peu, pas mal. Mais à quoi est-ce que je m’attendais, vraiment? À ce qu’on reprenne les bons côtés d'avant, laissant de côté tout ce que j’avais spécialement décidé de virer? C’était pas aussi facile, et surtout, fallait pas non plus que je me voile la face. Il faisait de son mieux pour me laisser la liberté que je lui avais réclamée. Ouais, malgré tout ce qu’il pouvait bien dire de lui-même, il était vraiment le plus mature de nous deux parfois. « C’est le moment parfait pour utiliser le joker « J’ai deux ans de plus que toi, fais c’que j’te dis! ». ». que j’ajoutai, bonne joueuse. Il l’avait bien fait jadis, lorsque Leo tentait de m’entraîner dans ses conneries et même si j’avais chigné quelques fois, c’était grâce à lui que j’avais évité de casser quelques uns de mes os. Fair game.
Deklan maintenant libre en profita pour finaliser le rangement de la cuisine. D’une main distraite, j’attrapai mon portable pour écouter vite fait les messages que j’avais pu recevoir, je me doutais bien de qui ils venaient tous, mon éditeur, mais je voulais tout de même mesurer l’étendue des dégâts. L’oreille appuyée sur mon épaule, je rangeai nos serviettes, passai un coup vite fait d’eau sur la douche et fit un brin d’ordre dans le placard à médocs de la blonde, notant mentalement ce que le journaliste me rappelait au téléphone. Ouaip, j’avais passé tout droit du délai d’impression, et devrait téléphoner au bureau éditorial du journal à la première heure le lendemain, pour faire amende honorable. À ça, il m’ajouta un article de merde à rédiger, un édito sur les meilleures crèmes antirides – le goujat, il savait que je paniquais à l’idée d’avoir 30 ans – à lui rendre pour le début de la semaine suivante, puis insista sur le fait que cette opportunité d’écrire pour le cahier mode et beauté du L.A. Sun était un très, très grand privilège et que si je n’étais pas à même de remplir mes fonctions des toooooooonnes d’autres filles pourraient le faire mieux que moi. Merci pour la confiance que j’eus envie de lui texter, mais je me retins. Il voulait que je lui prouve ma valeur? Je passerais le week-end à tester ses fameuses crèmes avant de sonder toutes les vieilles dames de mon quartier s’il le fallait. D’un pas décidé, je fis un détour par la chambre d’Ashleigh pour lisser les draps de son lit avant de remettre la photo que j’avais exhibée plus tôt à sa place. Pas le temps pour les souvenirs, j’osai à peine croiser le regard de la Isla de 15 ans.
« Hey l’adulte, tu penses quoi des crèmes antirides? » que je blaguai, rejoignant le gallois à la cuisine. J’essuyai les ustensiles qui restaient à sécher sur le comptoir, les rangeant à leur tour dans leurs tiroirs respectifs. J’en étais à fermer le tout lorsqu’il glissa tout bonnement « 'Faudrait pas qu'on fasse trop attendre la blonde. Elle pourrait se montrer hargneuse. » Vrai. J’adorais Ash du plus profond de mon cœur et je ne doutais pas que c'était réciproque, mais je savais aussi que ma fâcheuse habitude d’être presque toujours en retard pouvait facilement lui tomber sur les nerfs. Surtout lorsqu’on était censés être en mode fiesta. Je jetai au passage un coup d’œil au SMS qu’elle m’avait envoyé suite à son appel, un simple et direct « Ce soir on célèbre au Barking! », tout de même vague sur un point. « Elle a dit qu’elle irait direct là-bas, c’est ça? » Au moins, si c’était le cas et que ma mémoire était bonne, Dek et moi n’aurions pas besoin de puiser dans nos anciennes habitudes pour inventer une raison ou une autre qui justifierait notre présence commune chez elle. Et encore, l’idée d’arriver en même temps que lui au pub me rappela le nombre incalculable de fois où ça nous semblait si suspect alors que ça n’aurait pas dû l’être, et je soupirai presque, soulagée de voir que malgré tout ce que je pouvais penser, maintenant, on n’avait plus besoin de mentir à personne. On ne faisait rien de mal. « Avoue que c’est beaucoup plus sympa maintenant qu’on ne cache plus rien à Ash, hum? M’enfin, sauf le bordel qu’on a foutu et le gâteau calciné, mais c’est tout comme… » que je m’exclamai, m’asseyant sur le comptoir pour être à sa hauteur alors qu’il finalisait l’opération nettoyons, mais pas trop, l’appart de la blonde. Je ne le lâchais pas des yeux, balançant les pieds comme une gamine, fière de voir qu’on avait réussi à passer par-dessus notre écart comme des grands et qu’on s’en sortait pas mal maintenant. « Je suis contente de te retrouver en tout cas, de retrouver ça. » je faisais évidemment allusion à notre complicité, à ce qu’une amitié vieille de 15 ans pouvait avoir eut comme effet sur nous. « Que tout reprenne sa place, qu’on redevienne comme avant. » Deklan, Ashleigh et Leo étaient tout pour moi, j’espérais qu’il savait que malgré mes frasques à l’autre bout de la planète, il gardait encore sa place. « T’as toujours été important pour moi tu sais, peu importe ma situation géographique. » Et le statut dans ma vie que tu peux avoir que j’eus envie d’ajouter, mais je cru bon de me taire. C’était d’abord parce que je ne voulais pas retomber dans le sentimental, mais surtout parce que tout avait été dit et qu’on pouvait bien passer à autre chose. « Maintenant, on va boire des bières et imaginer ta future carrière de rockstar? » que je conclu, les yeux brillants.
made by pandora.
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Sujet: Re: Honey, I’m home! – DEKLAN & ISLA Mer 25 Juin - 18:28
HONEY, I'M HOME!
isla et deklan.
« Alors ça, c'est pas près d'arriver ! » Et puis quoi encore ? La danse des canards ? Britney Spears ? Ma vie avait suffisamment été un enfer depuis la formation de ce girls band. Au départ j'avais espéré qu'elles tombent rapidement dans l'oubli, pouvoir tirer un trait sur ce groupe purement commercial, mais non. Non, putain ! Il s'avérait que ça restait un brin intemporel, les nanas en raffolaient encore et les jeunes trouvaient ça ''rétro''... bordel. Il n'y avait qu'à voir ma sœur et Isla. Je les soupçonnais de sauter sur la moindre occasion pour rebalancer un Wannabe ou autre, dans l'idée de faire remonter leur folle jeunesse à la surface... Ou juste pour me torturer, comme elles en avaient l'habitude. Alors, non, aucun risque que je fasse cette connerie. Je pourrais ajouter un ''quand les poules auront des dents'', mais non, même là je n'en voudrai pas. La CIA ou autre organisation gouvernementale devrait y songer pour tirer les vers du nez des terroristes. Une bonne torture psychologique qui ne laisse pas de marques. Physiques, du moins. Désormais, j'avais de quoi prendre ma revanche sur la morveuse, question musique qui énerve. Un coup de Blurred Lines et hop, la blonde nous piquait une crise, prête à s'arracher les yeux et à s'exploser les tympans, hurlant au machisme, à la misogynie. Je ne raffolais pas non plus de cette chanson – le clip, je ne dis pas – mais hé, du moment que ça l'emmerdait, j'étais prêt à tout. Et encore, je trouvais que j'étais bien trop gentil. Il était loin le temps où je pouvais me défouler sur ses blondasses de poupées ou sur ses posters, son appart était tellement spartiate à présent que je ne pouvais rien bousiller par plaisir. Comme quoi, la maturité n'apportait pas que du bon. « Le verre n'est surtout jamais assez rempli. » Que je sentis bon de rectifier. Encore un autre trait de caractère des Monaghan faut dire. Nous ne sommes pas des optimistes, c'en était même à croire qu'on ignorait ce que c'était que cette chose. Non, nous, depuis notre enfance, on avait pour habitude d'imaginer le pire. Mais vraiment le pire, dans le genre scénario catastrophique. On est diplômés ? Great, de futurs chômeurs. On achète une voiture ? Super, des frais en perspective, car elle nous lâchera sûrement au pire moment. On emménage dans un appartement ? Les voisins seront à tous les coups infernaux et le proprio toujours sur notre dos. Je pense que vous avez compris l'idée. Pour moi, ça s'était étendu jusqu'aux femmes. La belle blonde au comptoir s'intéresse à moi ? Super, elle doit déjà réfléchir à comment me rendre la vie impossible. Alors, non, on s'enthousiasmait rarement, il nous fallait quelque chose d'énorme pour avoir des étoiles plein les yeux.
Puis j'avais repris les rennes de la situation. Du moins c'était ce que je me disais. J'avais recadré rapidement les choses, fait tomber la température de plusieurs crans et avais fait mon rabat-joie. Le ménage. Ouais, fallait s'y mettre plus sérieusement, se dépêcher, pour pouvoir sortir de cette situation à risque et aller noyer ma morosité dans la bière. Morosité qui risquait d'atteindre Isla à ce rythme. « Y'a de ça... » J'acquiesçai quand elle mit en avant mon grand âge. Si, au départ, j'étais plutôt heureux d'être le plus vieux du ''groupe'', à être celui qui ramène facilement de la bière en soirée, qui traîne les plus jeunes dans la débauche... Depuis quelques temps je trouvais ça moins marrant. J'étais le plus vieux, mais le plus à la traîne dans sa vie. Tous avaient un boulot, dont certains étaient même heureux, même Ash abandonnait son job pompant. Et moi ? Sans boulot, sans rien. Je passais clairement pour Peter Pan. Et ce n'était pas franchement ''cool'', mais plutôt pitoyable. Bon, ok, mon entourage avait la décence de ne pas me le balancer à la tronche – sauf ma morveuse de sœur – mais je le ressentais quand même de cette manière. « Ou je pourrais aussi sortir un petit ''obéis, femme !''. » Macho macho macho man, I want to be a macho maaaan... J'entendais d'ici ma grand-mère jurer. Du moins, si elle pouvait m'entendre de là où elle était, s'il y avait vraiment quelque chose, un autre côté. Élevé comme je l'avais été, ces paroles ne devraient jamais franchir mes lèvres, j'en eus presque la sensation d'un bon coup de pied au cul. J'adressais donc des excuses silencieuses à ma défunte MG, au cas où. Après un regard au sol de la cuisine, j'allai attraper le balais et le passai distraitement, n'ayant pas spécialement le cœur à l'ouvrage. Un fond de bonne conscience me soufflait qu'un coup de serpillière n'aurait pas été de trop mais merde. Il ne fallait pas trop m'en demander non plus. Isla revînt après un passage dans la chambre et relança sur les cosmétiques. Voilà ce qu'on récoltait à jouer les bons potes, on frôlait le grade de ''bonne copine''... Brrrr. Je levai les yeux sur elle, fis mine de réfléchir quelques secondes avant de répondre d'un ton bourru : « Que tu devrais commencer sérieusement à y penser... pourquoi ? » Si on en arrivait à parler de masque ou autre, je lâcherai tout pour foutre le camp en un rien de temps, oh !
« Tu la connais, elle ne donne pas dans la précision... » Je haussai les épaules, passai un dernier coup de balais avant de le ranger dans son coin. « Elle a juste dit que pour l'heure elle se faisait payer à boire. Ce qu'on pourrait traduire par un ''je ne serais pas en état d'aller me rafraîchir à mon appartement, pardonnez-moi d'avance pour ma tronche d'ivrogne''. » Que j'avais rajouté avec ma plus belle imitation de la blonde ivre, en forçant sur notre accent d'origine qu'elle cultivait depuis notre arrivée en terre américaine alors qu'à contrario je tentais de l'étouffer, en ayant plus qu'assez sur les blagues stupides qui passaient parfois les lèvres des amerloques. Ça concernait énormément les moutons alors que, pour ma part, j'en avais très peu vu. Il y avait bien mieux à faire dans mes souvenirs que de leur courir après. Comme de batifoler dans la grange avec Meredith Jones... Et voilà que je m'égarais dans le passé ! Cependant je n'étais pas le seul à entendre Isla. Plus elle parlait et plus je fronçais les sourcils et serrais les dents. C'était à croire qu'on avait une vision différente des choses, et pas qu'un peu. Je rongeai mon frein, la laissai déballer son petit discours mais plus elle avançait dans son idée et plus cela m'était difficile. Quand elle conclut sa diatribe avec innocence, comme si elle ne venait nullement de lâcher une bombe, j'explosai. « Comme avant ? » Ma voix s'étrangla un brin dans ma gorge. « Excuse-moi, j'essaye de trouver la chute de cette blague... » Le ton était un peu sec, cependant je trouvais que je réagissais plutôt bien après ce qu'elle venait de me balancer. J'avais toujours eu l'impression qu'on ne vivait pas dans le même monde, dans le sens où elle ne le voyait pas comme moi. Là j'en avais une fois de plus la preuve. Je plaquai mes mains sur le plan de travail, lui tournant le dos. « Tu espères quoi au juste ? T'attends quoi de moi ? Qu'on redevienne amis ? Mais pour ça, faut pas l'avoir été ? » Je me pinçai l'arrête du nez avant de pousser un profond soupir et de lui faire de nouveau face. « J'veux dire... Toi et moi... Ça a toujours été plus, non ? » Je vins me placer devant elle, plongeant mon regard dans le sien, y cherchant la réponse qui confirmerait ce que j'avançais. « Ou alors j'ai foutrement romancé le passé ! »
Réalisant que je lui avais attrapé les poignets, je relâchai ma prise et m'écartai avant de me passer les mains sur la gueule. « J'pense pas pouvoir être ton pote Isla. J'suis trop égoïste pour supporter ça. » Comme je ne pourrai pas rester zen si un mec venait à la peloter devant mes yeux. Ni même l'entendre parler d'un autre. Je ne faisais pas partie de ces mecs prêts à tout endurer pour rester près de la nana qu'ils aimaient. Non, si vraiment c'était on ne pouvait plus terminé entre nous, parfait, je ferai avec, mais hors de question que je joue les braves types qui se languit en silence. Sans que je ne le vois moi-même venir, je lui attrapai le visage et l'embrassai avec fougue. Retrouver le contact de ses lèvres, la douceur de son visage sous mes doigts... Je perdais totalement le contrôle et au final ce n'était pas si surprenant comme conclusion à cette reprise de contact. J'avais fait tout mon possible pour rester de marbre, pour l'éviter mais Isla avait persisté sur la voie des souvenirs. Je profitai, abusai clairement de l'instant, prolongeant ce baiser qui m'en rappelait tant d'autres avant de venir coller mon front au sien, les yeux clos. « J'crois qu'il est clair que l'attirance est encore là... » Sans parler des sentiments... Saloperie. Je ne m'en libérerai donc jamais ? Étais-je donc condamné à l'aimer ? Eh ben, c'est pas comme ça que j'allais réussir à me sortir les doigts du cul et à avancer dans ma foutue vie ! Je soulevai mes paupières pour observer ses prunelles, m'y perdis quelques secondes avant de reprendre enfin mes esprits et de m'éclaircir la gorge. Je me passai une main à l'arrière du crâne tandis que je repris la direction du salon, encore un peu hébété. « Ash doit nous attendre, faut qu'on y aille. » Et surtout je préférerai ne plus être là lorsque l'envie lui prendra de me botter les fesses ou de me péter le nez. A moins qu'elle ne me saute dessus pour m'entraîner dans la chambre ? Ouais, non, avec la chance qui me caractérisait, valait mieux ne pas s'éterniser. « On... » J'attrapai ma veste. « On n'a qu'à nous retrouver là-bas... » Dans le genre pas doué, je me posais là, non ? Je hochai distraitement de la tête, la main déjà sur la poignée de la porte d'entrée. « J'dois passer chez moi d'abord. » Pour prendre une bonne douche froide et me foutre deux ou trois paires de claques au passage. Tout ce qu'il faudra pour retrouver mon self-control. Pour éviter de redéconner à l'avenir. « A tout à l'heure. » Conclus-je en passant la porte avant de me précipiter dans les escaliers, de m'engouffrer dans ma bagnole et de démarrer pied au plancher.
Deklan. À une époque, y’avait que lui. Assez pour que je pense que ça serait toujours ainsi. Et ça m’allait de tout cacher à sa sœur. Ça me blessait, beaucoup, durement, mais ça n’avait rien à côté de la déchirure qui m’aurait lacéré le cœur en deux si j’avais tiré un trait sur lui. J’étais passé de l’adolescente qui rougissait lorsque je le croisais dans les couloirs à la jeune fille qui s’inventait des excuses bidon pour quitter la table les dimanches soirs de dîner en famille pour me faufiler sur le terrain de foot & l’observer jouer avant de le bombarder à l’ombre de baisers entre les estrades et les vestiaires. Je m’étais découvert des tas de traits, une personnalité complètement différente et toujours, une sensation qui brûlait un peu plus fort de l’intérieur. Aimer, vraiment, pour la première fois, faisait l’effet d’une décharge électrique, un truc de dingue où on ne se reconnaît plus, sauf quand on est avec lui. Quand tout le monde avait parié que je perdrais ma virginité avec Leo, YUK vraiment, ou même avec Luke, ce qui terrorisait mes tantes la nuit, c’était Deklan qui avait agit en total gentleman le moment venu. Je n’imaginais personne d’autre limite, et même encore aujourd’hui, c’était le choix que je ferais les yeux fermés. Je pensais très peu à l’avenir à l’époque, et c’était toujours le cas après toutes ces années, mais du temps où on était ensemble et même si on se compliquait la vie et qu’on se cassait la tête pour inventer des histoires à chaque semaine justifiant nos aléas louches, c’était inconcevable pour moi qu’il en soit autrement. Je ne prévoyais pas notre mariage, mais je savais qu’il serait dans ma vie encore longtemps. Très longtemps. Force était d’admettre que j’avais flanché, à la pression, aux conneries qu’on racontait de plus en plus fort dans notre dos, à l’air défait de sa sœur la soirée où j’avais prévu tout lui dire, quand elle était débarquée à la maison après que son idiot de petit ami l’ait laissé tomber pour deux des filles de l’équipe de cheerleading du collège. J’avais faiblie, lâche que j’étais, et j’avais refusé d’aller plus loin. J’ignorais ce qui s’était passé dans ma tête ce soir-là, mais ça m’apparaissait être la décision logique, saine. Mon cœur aurait eu à se briser pour l’un ou l’autre des Monaghan à un moment, et j’avais tranché. Le fait qu’il ait été tellement sous le choc qu’il n’ait pas réagi tout de suite avait ajouté de l’huile sur le feu, confirmant ma crainte que ce n’était peut-être pas si sérieux que ça à ses yeux, et j’avais simplement tiré un trait. Vite, sèchement. S’il m’avait retenue, je… je sais pas. L’histoire ne le dirait jamais de toute façon.
Tout ça pour dire que c’était étrange. Cette façon qu’on avait de passer du temps près de quelqu’un qui à un moment était tout pour nous. De partir un matin sans donner de nouvelles, et de ne pas en prendre pendant presque 10 ans. De revenir, de l’éviter, de sentir parfois des regards qui n’arrivaient plus à se soutenir, de parler à demi-mots, d’ignorer un peu, d’attendre que le malaise passe même s’il était bien là pour rester. On avait perdu trop de temps à faire comme si de rien n’était, trop de temps à se ranger mutuellement dans un dossier bien loin, archivé, oublié. Et j’avais fait la gaffe de remettre le tout sur le plancher. Un peu parce que je sentais que rien ne s’était terminé de la bonne façon, beaucoup parce que selon moi, c’était tellement loin dans notre chronologie commune qu’on en était passé à travers. Que c’était un souvenir, doux, bon, plaisant. Mais une mémoire comme une autre, que ni un ni l’autre ne voulait effacer, mais qu’on savait déjà bien terminée. J’avais cru que comme ça datait, le Deklan et l’Isla d’avant ne verraient aucun problème à ressasser par ci par là, à se confirmer qu’ils avaient eu du plaisir, qu’ils avaient déjà été plus que deux adultes qui s’évitent par défaut de savoir se dire la vérité. Pour ma part, que j’étais désolée de la façon immature dont j’avais géré notre fin. Pour la sienne, qu’il avait eu du mal à avaler ma réaction. Mais ce n’était pas aussi simple. Malgré le fait qu’on était à des années lumières depuis assez longtemps pour que la tension si minime soit-elle se dissipe, autant le simple fait d’avoir joué d’un peu trop avec le feu avait relancé un truc en moi que j’arrivais pas à identifier. Cliché, de dire qu’après tout ce temps j’avais toujours un p’tit quelque chose pour mon crush d’adolescence? Peut-être, et c’était plutôt chiant quand on y pensait. Retour à la case départ.
« Tu la connais, elle ne donne pas dans la précision... Elle a juste dit que pour l'heure elle se faisait payer à boire. Ce qu'on pourrait traduire par un ''je ne serais pas en état d'aller me rafraîchir à mon appartement, pardonnez-moi d'avance pour ma tronche d'ivrogne''. » Je rigolai aussi légèrement, revenant à la scène qui se jouait devant mes yeux. Lui, moi, elle. Du pareil au même. Le peu d’évolution de relation que j’avais sous les yeux me fit froid dans le dos. Ce n’était pas comme si on avait prévu se marier, ou comme si j’étais tombée enceinte de lui. On s’était aimé, beaucoup, mais on était assez adultes maintenant pour passer par-dessus peu importe ce qui se passait là. Ce malaise, qu’on sentait dès que la discussion s’effritait. Dès que j’ouvrais la bouche pour tenter de recoller encore un tout petit peu les morceaux, et me prouver qu’il était toujours le même, que j’étais toujours la même, qu’on avait vieillit et pris de la maturité, qu’on avait enterré la hache de guerre, qu’on… « Comme avant ? » Ma tirade ne l’avait pas convaincu, au contraire. Là où je voulais simplement mettre un point d’honneur aux grandes personnes qu’on était devenues, il s’occupait de sortir le frein et de m’arrêter dans mon élan. À quoi est-ce que j’avais pensé, hum? Que la série de conneries que la gamine encore un peu échaudée en moi avait posée l’avait bernée? Pas si vite, capitaine évidence. « Excuse-moi, j'essaye de trouver la chute de cette blague... » Je m’étouffai presque, reconnaissant ce ton de voix qu’il avait eu déjà lorsque je le poussais à bout, et qui m’avait fait taire en quelques secondes à peine. « Je… » pas la peine, il était déjà prêt à continuer. « Tu espères quoi au juste ? T'attends quoi de moi ? Qu'on redevienne amis ? Mais pour ça, faut pas l'avoir été ? » Son regard me cloua sur place, m’empêchant de quitter le comptoir duquel il me bloquait de toute façon, serrant ses doigts autour de mes poignets, m’arrachant un soubresaut vu ma blessure conne d’il y avait plusieurs minutes déjà. « J'veux dire... Toi et moi... Ça a toujours été plus, non ? Ou alors j'ai foutrement romancé le passé ! » Non, il n’avait rien inventé. J’avais seulement utilisé les mauvais mots, au mauvais moment. Trop tard, trop mal, trop peu. Je me redressai lorsqu’il s’éloigna, murmurant un faible « Désolée… » qui sonnait faux. Si j’avais vraiment voulu laisser les choses aller, éviter de rallumer le feu et repartir sur de bonnes bases, j’aurais simplement fermé ma gueule. Ultimement, je voulais qu’on ait cette conversation, qu’il me confirme que…
« J'pense pas pouvoir être ton pote Isla. J'suis trop égoïste pour supporter ça. » La révélation qui tue, que tout les deux on connaissait par cœur. On aurait pu coucher avec des centaines de personnes, se retrouver chacun à un bout de la planète sans se parler pendant très longtemps, s’oublier, se maudire, se ridiculiser, s’ignorer, mais on en reviendrait toujours là. J'aurais pu parier. Trouvez l’erreur. « Je croyais pas… je voulais seulement… » mes phrases sans sens et ponctuées de suspension me donnaient l’impression d’être prise au piège dans un feuilleton ridicule, où les déclarations enflammées succédaient aux révélations dramatiques accompagnées de saxophone et de piano synthétiques. J’en étais presque à me demander ce que j’en pensais, ce que j’aurais répondu s’il m’avait posé la question, s’il m’avait donné le micro en me demandant ce que moi j’avais à dire lorsqu’il se pencha sur moi. Je voulu éviter, vraiment, parce que j’avais déjà gaffé assez pour aujourd’hui et que ce ne serait qu’une façon de plus de compliquer des choses qui ne s’étaient jamais réglées, mais je restai immobile. Il était là, tout près, et je me cambrai dès que ses lèvres se déposèrent sur les miennes. L’habitude peut-être, l’envie surement. J’étais profiteuse, opportuniste, ce que vous voulez. L’Isla raisonnable l’aurait tout bonnement repoussé, et même, elle ne serait pas restée. Elle serait passée à l’appartement, l’aurait salué, peut-être même qu’elle aurait discuté avec lui quelques minutes avant de retourner chez elle. Mais nah. Je voulais plus, c’était clair, pour être encore là, pour l’avoir allumé, pour avoir été creuser là où je savais aller. J’ignorais pourquoi, j’ignorais comment, mais y’avait eu une poussée qui m’avait mené à tout ça, à aligner lentement et surement mes cartes, à attirer son attention, à le pousser à réagir. Mes tantes auraient tout de suite dit que mon ego avait eu du mal avec notre rupture et que je voulais m’assurer après tout ce temps qu’il ne m’avait pas oubliée, mais c’était trop facile. Non. Clairement, je m’étais donné tous les droits pour bousiller ce qui était déjà détruit d’avance, et j’avais réussi comme un vrai petit chef. Autrement, j’ignorais ce que je cherchais là.
Mes lèvres avaient longtemps été immobiles, le laissant faire tout le travail, comme si le fait de ne rien répondre en retour me donnait un peu de constance, de respect, de pouvoir. Mais lorsqu’il avait fini par faire un pas derrière pour se détacher, ma main avait tiré presque imperceptiblement son t-shirt, l’empêchant de s’éloigner encore un peu. Une tension qu’il n’avait peut-être pas remarqué, mais qui m’avait moi-même surprise. Je ne voulais pas qu’il arrête.
« J'crois qu'il est clair que l'attirance est encore là... » je soupirai, il soupira. Et merde.
Je touchai du bout des doigts mes lèvres, pensive, alors qu’il regagnait le salon. J’avais déjà trop parlé, trop insisté, pour oser encore en ajouter. Il n’y avait rien d’autre à dire de toute façon. On avait gaffé par ma faute, encore, et maintenant, c’était bien vrai que rien ne serait plus comme avant. Des amis, on en avait chacun des tonnes, et des bons. Pourquoi est-ce qu’on se ridiculiserait à tenter de créer un truc auquel on ne croirait tout simplement pas à défaut de s’avouer les vraies choses? Je savais très bien à quoi ressemblerait la suite. Soit on s’avouait que même après des années y’avait toujours un truc, soit on s’éviterait pour de bon parce qu’on n’était pas assez prêts pour s’investir encore. Parce que je n’étais pas assez prête pour m’investir encore, plutôt. J’étais le problème, et en bon garçon il en avait plus que marre d’attendre et me l’avait fait savoir. Y’avait pas pire moment pour se retrouver avec la balle dans son camp, c’est moi qui vous le dit.
La suite était floue. Il ramassa ses trucs, m’annonça qu’on se rejoindrait tous là-bas, ferma la porte à la volée et démarra en trombe. Pendant ce temps, je restai comme figée, toujours assise, toujours le regard dans le vide. Je pris au moins une heure comme ça, à respirer, à relativiser, à limiter les dégâts. J’ignorais pourquoi je prenais autant sur moi, pourquoi une simple déclaration avait pu me retourner autant. Peut-être parce que c’était ça que j’attendais depuis très longtemps, peut-être aussi parce qu’à partir de là, j’ignorais clairement quoi faire, quoi choisir. Et surtout, parce que j’avais l’impression de me retrouver tout en bas de l’échelle, là où tout avait commencé, mais avec toute l’expérience et les erreurs que j’avais accumulées durant ma courte vie. Serait-ce possible qu’entre Deklan et moi, ce ne se soit jamais vraiment terminé? Que ça ne se termine jamais vraiment? À contrecoeur, j’avais finit par m’extirper de mes pensées pour me tenir bien droite, en plein milieu de la cuisine maintenant plongée dans la pénombre. J’avais, comme un robot, attrapé ma veste et mon sac, puis filé en descendant à la traîne les escaliers jusqu’à ma voiture. Le Barking avait sonné faux, lui aussi. De mon arrivée tardive jusqu’au cheers qu’on avait tous fait pour célébrer la nouvelle vie d’Ashleigh, l'entièreté de la soirée était source de malaise. Aucun regard entre lui et moi ne fût échangé, si ce n’est lorsqu’Ash nous demanda à tout les deux ce qu’on avait fait ce pm pour tirer une tête d’enterrement pareille. J’avais terminé ma bière en prétextant un article de merde à rédiger – vrai – avant de rajouter qu’autrement je flottais sur un nuage saveur de chocolat chaud à la menthe et de sapin de Noël illuminé – faux –. Ma pinte bien vide, j’avais alors prétendu devoir retourner à la maison pour une raison bidon que j’oubliais déjà, puis sans un mot de plus j’avais félicité encore mon amie et pris la poudre d’escampette. En manque d’air, en manque de silence, c’est dans une ruelle douteuse derrière le bar que je me promis de laisser le tout aller. De feindre, d’éviter, de ne pas retomber là-dedans. Parce que j’avais déjà eu ma chance, que je l’avais bousillée comme personne et que maintenant, je ne le méritais plus.