Sorry, not sorry

Will ∞ Hannah

Je pris une grande inspiration. Ca devait bien faire une heure et demie que j'étais assise à la terrasse de ce café, une cigarette à la main et un café posé sur la table en face de moi. Mes yeux étaient rivés sur la boutique qui se trouvait juste de l'autre côté de la rue. J'hésitais. Pourtant, je n'ai jamais été le genre de personne qui se pose tout un tas de questions. Bien au contraire, j'étais du genre spontanée. De ceux qui ne réfléchissent pas et qui agissent au coup de tête, sans se soucier des « Et si.. » et des conséquences. Ce comportement expliquait en partie pourquoi est-ce que je me trouvais ici, face à ce « choix ». Si ne n'étais pas partie, si je n'avais pas tout plaqué, si je ne l'avais pas abandonné quatre ans plutôt, je ne serais pas ici. Je me mordis la lèvre inférieure et secouais la tête « Allé joue pas les dégonflées. » dis-je à moi-même. Surtout qu'il n'y avait rien à craindre. Au pire des cas, il te foutra à la porte... Ce qui aurait été tout à fait légitime après m'être foutu de sa gueule comme je l'avais fait. Mais je savais aussi que Will était un gars des plus gentils. Enfin, il fallait juste espérer qu'en quatre ans il n'avait pas décidé de virer total connard. Je tournais et retournais la situation dans ma tête, m'imaginant tout un tas de scénarios, du plus banal au plus extraordinaire, du plus gentillet au plus méchant. J'allumais une énième cigarette. Me rendant compte à quel point je devais subitement toute faiblarde lorsque j'étais seule. L'effet de groupe, je n'y avais jamais vraiment fait attention. Mais en y repensais, jusque là, je ne m'étais jamais retrouvée aussi seule. Encore moins pour une chose aussi importante. Si Josh avait été là, j'aurais foncé, sans réfléchir, je me serais imposée, je lui aurais imposé ma présente, comme j'en avais l'habitude. Juste pour prouver que j'en étais capable. Que je n'étais pas une mauviette. Que j'en avais.

Je me levais d'un bond, remis mes cheveux en place et me dirigeais d'un pas ferme vers ce foutu magasin. Putain ! Tu étais Hannah ! Depuis quand tu te souciais de tel ou tel truc ? Et si ce n'était pas pour le prouver à Josh ou à qui que ce soit d'autre c'était pour te le prouver à toi ! Je pris une dernière taffe et balançais la cigarette. Je n'avais pas fait tous ces kilomètres pour me dégonfler ensuite. De la merde. Je poussais la porte et entrais d'un pas décidé. Après une brève inspection des lieux, c'est-à-dire un petit coup d'oeil à droite puis à gauche, je me dirigeais ensuite vers une vendeuse. Elle m'accueillit avec un grand sourire en me demandant ce qu'elle pouvait faire pour moi. Je lui répondis de manière très sèche « est-ce que William est là ? » elle me laissant un regard froid et suspicieux, je lui offris un de mes jolis faux sourire. Puis elle tourna les talons sans prendre la peine de me répondre. Je m'adossais contre un présentoir et croissais les bras en attendant la petite gueule d'ange, les sourcils légèrement fronçaient toujours en pleine réflexion.

Je le vis apparaître du fond de la boutique. Je me redressais gardant toujours les bras croisés, un petit sourire apparut au coin de mes lèvres. Il avait changé, grandit, mûrit certainement. Alors que moi j'en étais toujours au même point. Je m'éclaircis la gorge « Alors, ça va ? », je l'abordais comme si on était vu pas plus tard que ce matin, comme si de rien n'était. Je m'approchais de quelques pas vers lui. Mon sourire s'élargit un peu plus, finalement l'appréhension n'était plus là, elle avait fait place à de l'impatience. Rien que de penser que ce moment marquerait un tournant dans la vie de William... D'une certaine manière je jubilais. Comme à chaque fois que je m'apprêtais à faire quelque chose de mal. Pourtant, mon action n'avait rien de mauvaise, je venais juste réclamer mon droit de revoir ma fille mais, je ne pouvais m'empêcher de ne voir que les mauvais côtés de cette mon entreprise, mes mauvaises pensées ou simplement les raisons pour lesquelles j'avais décidé de revenir. Par pur égoïsme.

Sorry, not sorry

Will ∞ Hannah

Le malaise était palpable. En même temps comment en être autrement ? La tête de Will resterait gravée dans ma tête. Il ne s'y attendait pas. C'était évident. Mais il devait se douter que ce jour arriverait. Après tout il s'agissait quand même de ma fille. Ma chair, mon sang. Son expression décontenancée, le fait que je le déstabilise autant. Je retins un rire de satisfaction, je voulais garder mon sérieux pour le moment. Je me disais que, peut-être, j'avais toujours autant de pouvoir sur lui. Il n'avait peut-être pas autant changé. Après tout il m'avait aimé. Il m'aimait peut-être encore. Même si c'était tout au fond de lui, il suffirait de creuser un peu. J'étais son premier amour, celui qu'on n'oublie pas. Celui qui reste à jamais gravé dans notre esprit et aussi dans nos cœurs, qu'importe le dénouement de cette histoire. Je lui lançais un petit sourire, qui se voulait gêné. Je n'aurais jamais pensé que nos vies puissent être liées ainsi. Will était, à la base, qu'une passade. Un flirte, qui avait duré en longueur, certes, mais sans grande importance. Il avait été une couverture, une sorte d'accessoire plus ou moins tendance que j'exhibais à défaut de mieux. Je l'aurais laissé, abandonné à la moindre occasion. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait, sans grand remord. Je me fichais de ce qu'il avait pu endurer après mon départ, j'avais déjà bien à faire avec ma propre vie. Mais Louanna était ce qui nous liait. Je m'étais longtemps dit que je m'en fichais. Pendant neuf mois j'avais fait en sorte de ne pas faire attention. De prétendre que rien n'avait changé en moi. Que rien ne grandissait. Will, lui en avait pris conscience à la minute où il avait appris la nouvelle : la drogue, l'alcool et le tabac c'était terminé pour moi. Josh lui avait donné raison (j'étais folle de rage) et j'étais parvenue à un petit compromis une cigarette de temps en temps. J'avais mis ma vie en mode pause pendant neuf mois. Je devais la vivre pleinement pas la suite, c'était un besoin. Rattraper le temps perdu. Je l'avais laissé, elle aussi. Mais, malgré tous mes efforts je n'avais pas réussi à me la sortir de la tête. Je l'imaginais, sa tête, sa voix et même son prénom. Je n'en avais aucune idée. Je me disais que, peut-être, Will s'était trouvé une autre copine, qui passerait tout son temps avec ma fille. Que cette dernière considérait sans doute comme sa mère. Cette idée me mettait hors de moi. J'étais possessive, égoïste et elle était à moi. Un peu comme Will m'appartenait auparavant, Louanna me revenait de droit. Elle serait mon nouvel accessoire, mon petit trésor que j'exhiberai. Jusqu'à ce que je me lasse, sans doute...

Quoi qu'il en soit, j'étais là, plantée devant lui. Déterminée à obtenir mon dû. Son accueil n'était pas très chaleureux, il était même glacial. Forcement, je n'étais pas la bienvenue. Mais je n'étais pas du genre à me laisser démonter pour si peu, bien au contraire. Mon sourire s'élargit. Un sourire immense, joyeux. Ce sourire si faux que j'avais l'habitude d'arborer un peu à tout va. « Merci, moi aussi je vais à merveille je parlais de manière enjouée. Je jouais la carte de l'indifférence. Je prenais cet air de petite fille grâce auquel j'avais obtenu tant de faveurs. Cependant, jouer à ce petit jeu risquerait de l'énerver, sans doute, or ce n'était pas mon but. Je m'éclaircis la gorge et avala avec difficulté ma salive et quelques autres répliques cyniques et quelque peu mal placées. Je viens prendre des nouvelles. De toi, de.. de Louanna, je marquais une pause. C'était la première fois qu'il m'était donné de prononcer son prénom. Depuis qu'on me l'avait donné, je l'avais ressassé en boucle dans ma tête. Et je m'étonnais d'avoir autant de difficultés à la prononcer sans ressentir un petit pincement au coeur. Je préférais l'ignorait. Ce n'était pas le moment de flancher ni quel qu'autre sentiment que ça puisse être. Je secouais doucement la tête et repris, et des autres aussi. Haahaa, quelle ironie. Tu demandais des nouvelles de tes propres amis à un gars dont ils n'avaient jamais rien eu à foutre et dont il devait aussi se foutre royalement. Mais, je me sentais presque obligée de meubler la conversation. L'évocation de Louanna m'avait vraiment déstabilisée, j'étais mal à l'aise. C'était une situation que je ne contrôlais pas. Non pas que je n'ai jamais contrôlé quoique ce soit de vie, mais j'en avais l'illusion. Je pensais être totalement indépendante, capable de contrôler mes diverses consommations de produits plus ou moins illicites. Là, c'était tout autre chose. Quelque chose qui me remuait les tripes, qui me touchait au plus profond de mon être. Je n'aimais pas ça. Toutes ces choses que j'avais refoulées, en neuf mois et quelques jours, tentaient de refaire surface. C'était une chose qui me touchait plus que ce que j'aurais voulu.