"I just wanna, I just wanna know
If you're gonna, if you're gonna stay
I just gotta, I just gotta know
I can't have it, I can't have it any other way~” ♫
La chanson de Vance Joy résonnait dans ses oreilles tandis qu’elle filait d’un pas allègre le long de la bande cyclable, ses longs cheveux bruns dansant sur ses épaules. Ils étaient retenus en une queue-de-cheval sous sa casquette de baseball bleue frappée du logo des Los Angeles Dodgers. Elle portait un short très court de la même couleur qui mettait en valeur ses longues jambes bien galbées, et un débardeur blanc révélant un ventre plat et musclé. La jeune femme ne faisait pourtant pas autant d’exercice qu’il y a quelques années, mais il fallait croire que ses différents petits boulots qui la faisaient courir à droite et à gauche suffisaient à la maintenir en forme.
Le soleil n’était même pas encore levée et pourtant la plage et ses alentours était déjà animée et éclairée. Les terrains de basket et autres skate parks accueillaient les quelques courageux lèves-tôt qui voulaient profiter d’un peu de divertissement avec la reprise du travail. En dehors des quelques problèmes de gangs, le quartier était agréable, spacieux et disposait de nombreux endroits pour prendre une collation ou boire un verre. Mais à cette heure, les magasins et autres restaurants qui bordaient la plage mythique étaient encore fermés et la plupart des gens dormaient encore.
Le Menotti’s Coffee Stop ouvrait à 7 heures mais son patron souhaitait que ses employés soient présents une heure avant pour les derniers préparatifs. Habituée à dormir peu avec son emploi du temps chargé, la jeune femme n’avait pas eu de dossier à préparer la veille, aussi avait-elle pu se coucher plus tôt, ce qui ne l’avait pas empêché d’être réveillée à 4:30. Plutôt que de rester au lit, l’hyperactive avait donc décidé de sortir faire un peu d’exercice, chose qu’elle n’avait pas pu faire depuis un moment. C’était d’ailleurs une des rares occasions où elle ne sortait pas maquillée puisqu’elle allait de toute façon prendre une bonne douche avant de prendre son service à 6 heures.
Ce qui rendait Venice particulièrement agréable aux yeux de la jeune coréenne était qu’il s’agissait de l'un des seuls quartiers de Los Angeles qui soit interdit aux voitures. Alors que la ville était connue pour ses bouchons et sa circulation phénoménale, ici il était possible de souffler loin des quatre roues et du bruit environnant des moteurs. C’était toujours sympa de courir le long de la fameuse plage de sable fin flanquée de ses incontournables postes de gardes côtes en forme de petites cabanes bleues, ses magnifiques palmiers, ses vagues idéales pour les surfeurs que sur un trottoir bordé de circulation...
L’été la californienne n’hésitait d’ailleurs pas à sortir avec ses rollers pour descendre jusqu’à Abbot Kinney Boulevard, un des meilleurs endroits du coin pour le shopping. Outre les boutiques de souvenirs, il y avait des salons de tatouages et de massages, des loueurs de vélos et de rollers, des restaurants, des snacks et autres bars... Il s’agissait sans aucun doute du quartier de L.A. qu’elle connaissait le mieux puisque c’était là qu’elle vivait et qu’elle avait son travail de serveuse au Menotti’s Coffee Stop ainsi que l’endroit où elle effectuait la plupart des livraisons qu’on lui demandait.
En journée le quartier tout entier semblait d’ailleurs héberger un spectacle permanent dans une joyeuse ambiance débridée. Des amuseurs publics distrayaient les passants, des musiciens et danseurs de rues en passant par les peintres, les orateurs, les voyants, les mimes, les jongleurs, les cracheurs de feu… Et c’était sans compter les nombreux petits stands de produits exotiques et les immenses peintures murales qui décoraient le quartier. La cohabitation était plutôt bonne entre les touristes et les habitués et il y avait un parfum bohème, la vie semblant être bercée par le murmure de l’eau dans les canaux et le ronronnement des vagues du Pacifique.
Il y avait aussi bien sûr un aspect moins joli, laxiste et symbole de décadence avec ses histoires de guerres de gangs, ses médecins vendeurs de canabis, ses excentricités et ses nombreuses maisons dégradées par les ravages du Big One qui n’avaient pas fini d’être restaurées. Venice pouvait ainsi se résumer en trois mots : extravagant, coloré et populaire. Cela semblait coller parfaitement avec la personnalité de la jeune femme qui était heureuse d’y habiter.
Peu à peu à l’horizon le soleil commencer à se lever, caché par une masse de nuages qui filait au dessus de l’océan. La plage était tellement grande qu’elle donnait souvent l’impression d’être déserte, et à encore plus forte raison à une telle heure où les premiers baigneurs et surfeurs n’étaient pas encore arrivés. Son smartphone tenu fermement en main, les écouteurs branchés dans les oreilles, elle laissait ses poumons s’emplir de l’air frais au goût de sel, un sourire sur le visage.