Sujet: HELENA&PARKER ✖ leading her up the garden path Jeu 11 Juil - 0:43
helena&parker ✖ leading her up the garden path
Il y avait deux “moi”. Celui qui baroudait à gauche et à droite, qui pouvait se passer de douches chaudes et de vêtements lavés avec autre chose qu'une eau stagnante aux environs d'une favela pour des semaines, qui ne dédaignait pas à dormir là où même un chien aurait peur de se salir les pattes, celui qui pouvait rester des jours entiers enfermés dans son appartement, à patauger dans sa propre crasse et à partager gaiement un vieux paquet de chips avec la vermine qui lui sert de colocataire, en jetant de temps à autre un regard au miroir couvert de poussière et d'on ne sait trop quoi dans sa salle de bains pour se marrer en croisant le reflet du type éteint, blafard et flippant à souhait qui s'y trouve au même instant. Et puis, il y avait l'autre moi, drapé dans une chemise d'un couturier quelconque qu'il porte bien mieux qu'un des mannequins qu'il a dû photographier avec, qui fait son difficile dans les restaurants parce que son compte en banque le lui permet clairement, qui sent bon les produits chimiques -politiquement corrects parce que frappés d'un nom bien classe- et qui ose changer de trottoir une mine dédaigneuse au bout du nez en voyant le pauvre type édenté assis-là, alors qu'il avait très bien pu en faire son nouvel meilleur ami la veille au soir. Les deux facettes étaient opposées l'une à l'autre, théoriquement incompatibles, et pourtant, je jonglais de l'une à l'autre avec une aisance insoupçonnée. Il me suffisait d'une raison suffisante et, surtout, d'un quelconque objectif au bout du chemin pour m'appâter. Un contrat qui remplirait mon compte en banque pour quelques mois, un shooting que je voulais clean et carré, une fille carrément ennuyante mais tellement appétissante à amadouer avec autre chose que mes beaux yeux injectés de sang. Il y avait des tas d'exemples, de situations qui justifieraient un effort vestimentaire de ma part, une poignée de bonnes manières et une attitude irréprochable - en surface, entendons-nous. Finissant de boutonner ma chemise consciencieusement, je lève un regard vers le dernier recoin du miroir pas encore dégueulassé par les traces du rouge à lèvres d'une pauvre fille qui trouve ça classe d'y laisser inutilement son numéro de téléphone et laisse vaguement courir mes iris mon reflet. Si je ne me connaissais pas si bien, je mordrais sûrement à l'hameçon - quoi que, non, même quand j'étais encore dans le coaltar, il y a quelques mois, j'avais écarté rapidement l'idée que je puisse être un bon petit gars à qui on n'a rien à se reprocher.
Un commissariat. Probablement pas le meilleur endroit pour me ramener, la bouche en coeur. Vraiment pas. Verrouillant ma portière et tirant sur les derniers millimètres de ma clope, j'inspecte douteusement les deux ou trois costumés qui se tiennent devant le bâtiment, sûrement à guetter la mélodie de la camionnette du vendeur de donuts. Je devais avoir quelque chose comme 14 ans, la dernière fois que j'avais mis les pieds chez les flics, et je n'y avais pas fait long feu - parce que ouais, voilà, ce n'était pas de ma faute si cette bombe de peinture s'était retrouvée dans ma main, je n'étais qu'une pauvre petite chose déphasée suite à notre déménagement aux Etats-Unis, paroles de mon père. Une esquisse de sourire apparaît sur mes lèvres alors que je repense au discours totalement à l'opposé auquel j'avais eu droit ensuite, dès que le moindre uniforme ou oreille qui traîne et menace de découvrir que les Bernstein ne sont pas aussi lisses que ça avait disparu de son champ de vision. Et après cette première fois, c'était fini. Pas que j'aie pris peur face aux airs sérieux et au bout du rouleau de mon paternel et que je me suis rangé, loin de là. J'avais simplement pris conscience que tout le monde pouvait se faire griller la main dans le sac et que je n'avais pas envie de faire partie de tout le monde, tout comme je me passerais sans peine aucune des quelques heures d'ennui profond que j'avais dû supporter, coincé entre quatre murs d'une salle du petit poste de police de Charleston, à écouter un type mâchouiller sa langue tous les cinq mots d'intervalle et à le regarder peiner à taper sur son foutu clavier d'ordinateur ses fautes de syntaxe. Bref, j'avais donc fait en sorte de passer entre les gouttes, avec un succès indéniable puisque mon casier était, à ce jour, plus vierge encore que la bonne femme que représentait cette statue que j'avais repeinte ce fameux dimanche de mes 14 ans, à la sortie de l'office si précieux à ma mère. Et me voilà 15 ans plus tard, à esquisser un signe de la tête bien poli en direction des trois types en uniforme qui poireautent toujours là aux frais de mes propres impôts, à grimper les trois marches qui me sépare de la fosse aux ours et à m'y engouffrer, un instant plus tard, l'impression terrible d'être un bifteck sur deux pattes me prenant d'instinct aux tripes. Mais bon. Fidèle, je ne laisse paraître qu'un sourire adorable, encadrés par deux fossettes, lorsque je me penche vers la pauvre petite blonde qui, malgré ses beaux efforts, que je constate aux vues de galons qui couvrent ses épaules, a tout de même fini par se retrouver assise derrière un bureau avec son air de réceptionniste à la con. Trois battements de cils de ma part puis de la sienne et elle finit par m'indiquer quel chemin je dois emprunter, en me déverrouillant la porte, un coup de fil mal tombé l'empêchant de m'escorter. Je pourrais y voir une bonne occasion pour une expédition improvisée dans les couloirs du poulailler et me mettre à sautiller comme un gamin qu'on emmène pour la première fois à Disneyland et foncer commencer ma chasse au trésor, direction les stups confisqués au malheureux petit junkie qui ronfle sur le banc de sa cellule, mais non. Non, si j'étais là, c'était pour une raison bien précise, trouvée il y a quelques jours déjà, et que je touchais du bout des doigts un peu plus encore à chaque pas que je faisais.
« J'espère que ce que tu es en train de trafiquer ne te coupe pas l'appétit. » À vrai dire, si. C'est exactement ce que je veux. Du crade, du dur, du vrai. De l'authentique, et pas juste une mise en scène, comme on en voit partout sous l'ombre d'Hollywood. Une lubie, soudaine, passionnante. Manque de pot, quand d'autres se découvrent philatélistes et n'ont qu'à courir vers le premier office de poste à la ronde pour calmer leurs pulsions, moi, c'était le côté artistique du sang et des boyaux qui m'offrait des arythmies, ces temps-ci, et saigner le premier venu était un peu moins évident. J'avais toutefois fini par trouver une alternative, autre que les pauvres petites familles de hérissons que décimait la nationale juste à l'orée de la ville, tellement routinier : Helena. Croisée dans un bar, approchée d'abord pour ses beaux yeux - si, si, ses yeux, parole de scout -, la brune dont j'avais alors déjà oublié le nom avait prononcé quelques mots qui m'avaient fait revoir mes buts entièrement : lui balançant un maximum de questions chiantes et inintéressantes mais tellement gentleman, histoire de ne plus avoir à s'en incommoder plus tard et à ne pas perdre de temps, ni d'argent en lui payant des verres plus longtemps que nécessaire, son job avait capté mon attention, un vrai miracle, là où d'habitude j'ai déjà fermé les écoutilles depuis une plombe. Photographe de scène de crime. Ce n'était pas banal, probablement pas très sexy, et pourtant terriblement excitant. J'avais donc renoncé, à la limite d'une euphorie parfaitement indétectable ou qui, sinon, devait sûrement être considérée comme flatteuse pour elle, à la virer de chez moi à coup de venin le lendemain matin, j'avais même renoncé tout court à l'y ramener - du moins, momentanément. « Je t'ai amené le meilleur sandwich de la ville, ça serait bête de rater ça. » Et me voilà, quelques semaines plus tard, appuyé contre le montant de la porte du bureau où elle se trouve, levant le sac en papier que je tiens dans une main au moment où elle pivote sur sa chaise, surprise par ma voix, à la jouer joli coeur bienveillant. « Enfin, je ne te dérange pas, au moins ? » Bienveillant... Mais pas trop ; même si ma voix prend un ton un peu moins léger, comme si je m'en souciais vraiment, mes iris n'ont pas pu faire autrement que de glisser furtivement vers l'écran de l'ordinateur sur lequel la jolie brune travaillait, alors que je fais quelques pas en sa direction, tout sourire.
Sujet: Re: HELENA&PARKER ✖ leading her up the garden path Jeu 25 Juil - 16:30
Parker & Helena
Travailler, travailler, et encore travailler. Il n’y avait absolument que ça de vrai. Les loisirs et la détente, à petite dose ! Il ne fallait pas abuser des bonnes choses au risque de se faire aspirer dans un cercle de fainéantise absolue, où se laisser vivre de la manière la plus paisible qui soit demeure l’unique objectif d’une vie. Surtout que vivre à Los Angeles était un véritable piège… Entre les plages californiennes et toutes les autres activités qu’on attribuait bien volontiers à la cité des anges, il était fort aisé de se laisser entrainer dans cette dite spirale de farniente. Si jadis Helena avait été une pauvre adolescente qui ne vivait que pour être le centre de l’attention, le centre du monde, la reine des abeilles du lycée que tout le monde adore et craint à la fois, elle s’était plus ou moins calmée avec l’âge. Enfin disons que maintenant qu’elle était diplômée de Berkeley, elle avait compris que se la couler douce ne l’aiderait pas à se faire une véritable place dans le monde du travail. Alors depuis, elle ne faisait que travailler, encore et toujours, dans la douce optique de pouvoir un jour rejoindre les rangs de la police fédérale américaine. En fin de compte, elle n’avait pas tellement changé, la brune était toujours cette adolescente charmeuse – et charmante – qui se décarcassait pour obtenir toujours tout ce qu’elle voulait. En somme, ce n’était seulement que la manière pour le faire qui était différente, et encore ça restait à prouver puisqu’à l’époque elle utilisait déjà pas mal son talent de manipulatrice et son intelligence développée pour arriver à ses fins. Avalon n’avait d’ailleurs jamais compris comment sa sœur se débrouillait pour obtenir toujours tout ce qu’elle voulait, que ce soit auprès de ses pères, de ses « amis » du lycée, des professeurs, des hommes, de tout le monde, même de certaines femmes. Pour Helena, c’était simple : le talent et l’expérience qui s’accumulait au fil des ans, rien de plus compliqué même si sa rouquine de sœur pensait visiblement le contraire. Enfin soit, là n’était pas réellement la question. Helena avait aimé toutes ces choses, faire la fête, se laisser vivre sans se poser de questions quant au lendemain, mais désormais elle ne se consacrait qu’à une future carrière dont elle dessinait les contours en secret, alimentés par des rêves ambitieux qui venaient visités son esprit un peu plus chaque jour. Malheureusement pour elle, tous ses rêves disparaissaient mystérieusement au beau milieu des limbes dès lors qu’elle osait ouvrir les yeux le matin. La dure réalité venait frapper son visage, venant lui rappeler qu’elle n’était qu’une simple photographe de scène de crime. Son boulot ? Prendre des clichés de cadavres fraîchement retrouvés pour déterminer les causes de la mort du de cujus. C’était peut-être palpitant, excitant et glauque sur les bords, mais ça ne demandait pas tellement des tonnes de réflexions, chose qu’Helena brûlait envie de toucher du doigt. Réfléchir, traquer, attraper. Voilà ce qu’elle voulait faire réellement. Comme coincée dans un bon thriller, elle voulait mettre le doigt sur ce qui clochait pour ensuite trouver des solutions pour mettre les criminels derrière les barreaux. Peu de gens comprenaient vraiment cette passion glauque qu’elle portait au plus profond de son cœur depuis toute petite. Soit on la prenait pour une folle qui à force de regarder trop de séries policières se sentait obligée de devenir comme l’une des protagonistes, moyennant quoi on lui proposait surtout d’engager une carrière d’actrice pour assouvir ces pulsions dans le monde d’Hollywood; soit on venait directement briser ses rêves en lui rappelant à quel point c’était compliqué de réussir dans un tel domaine : la concurrence était rude. Et alors ? C’était super, Helena adorait la concurrence ! Elle était née avec un esprit de compétition aiguisé que rien ni personne ne pouvait arrêter. Alors oui, elle était prête à se battre bec et ongle si elle le devait pour rentrer au FBI, une carrière d’actrice ne l’intéressait nullement contrairement à ce qu’on pouvait lui suggérer. Protéger le pays, combattre les criminels… C’était largement plus palpitant même si pour l’instant elle se contentait de prendre des photos et regarder un écran toute la journée. Assise derrière son ordinateur dans un petit bureau du commissariat de Los Angeles, Helena déglutit péniblement. L’image qu’elle avait sous les yeux lui retournait admirablement les tripes. Avec le temps, elle commençait à avoir l’habitude de voir de images plus glauques les unes que les autres, mais il fallait avouer que le cas de ce matin-là était vraiment très particulier et plutôt inattendu. Et pour cause ! Un cadavre découpé en morceaux, les boyaux à moitié dans la bouche avec des sortes de serpents d’eau dans le ventre en guise d’intestin, il y avait largement plus appétissant… Le meurtrier devait être sacrément atteint pour se permettre un tel crime. Franchement, qui pouvait bien avoir l’idée de mettre des foutus serpents dans l’estomac de quelqu’un pour ensuite venir placer ses boyaux dans la bouche ? Il y avait vraiment des fous partout, ma parole ! Et dire que ce genre de crime n’était pas aussi rare qu’on pouvait bien le penser dans les rues de Los Angeles…, ça donnait froid dans le dos. Ça avait beau être affreusement dégoûtant, ça redonnait une nouvelle bonne occasion à Helena dans sa volonté de reconversion de carrière ! Dire qu’elle ne pouvait à peine participer au déroulement de l’enquête alors qu’elle avait une bonne vingtaine d’hypothèses sur le pourquoi du comment… ça la frustrait au plus haut point. Maugréant avec intensité dans son coin, elle n’avait à peine vu l’heure passée… Treize heures, l’heure du déjeuner. Avec un tel spectacle sous les yeux, on ne pouvait pas vraiment dire qu’elle était d’humeur à rassasier son estomac. « J'espère que ce que tu es en train de trafiquer ne te coupe pas l'appétit. », lui balança une voix masculine. Qui pouvait donc bien être l’imbécile qui lui posait la question ? Tout le monde au commissariat était au courant de l’affaire, et le moins qu’on puisse dire c’était que personne n’était d’humeur pour plaisanter. En guise de réponse, Helena leva les yeux au ciel. « Bien sûr. Le massacre de ce matin n’a vraiment rien de singulier », répondit-elle plus pour elle-même que pour son interlocuteur avant de se retourner pour voir le visage de l’opportun. Oh, lui. Quel était son nom déjà ? Porter, Potter…non. Parker ? Ah oui, peut-être Parker. Que pouvait-il bien faire ici ? « Je dois avouer que je suis surprise de te voir ici. », lui lança-t-elle avec un léger sourire qui masquait toute son impatience et son incrédulité. Surprise, c’était un bel euphémisme ! Si tous les garçons avec qui elle avait eu l’occasion de flirter dans un bar se ramenaient au commissariat, il y aurait une belle file d’attente ! Non qu’elle soit nymphomane comme Avalon aimait le sous-entendre, mais un verre en compagnie d’un bel homme après le boulot n’était pas désagréable, ça ne se refusait pas… « Je t'ai amené le meilleur sandwich de la ville, ça serait bête de rater ça. ». Quelle délicate intention. Un second sourire vint étirer les lèvres de la jeune femme. Parker se la jouait gentleman, c’était plutôt gentil de sa part mais c’était plutôt suspect, non ? Helena ne pouvait pas lui avoir fait autant d’effet que ça tout de même… « Pour le moment je t’avoue que manger est le cadet de mes soucis. », répondit-elle presque gentiment en mettant automatiquement une main sur son ventre comme pour vérifier ses dires. « Enfin, je ne te dérange pas, au moins ? ». Décidément, il voulait la mettre dans son lit dans la soirée ou quoi ? Sa bienveillance à son égard devenait des plus suspectes, on ne pouvait pas dire que la jeune brune était habituée à ce genre d’attention si ce n’était pas pour obtenir quelque chose de sa part en retour. « Oh ne t’inquiète pas, j’avais besoin d’une pause de toute manière. Dure matinée. », se contenta-t-elle de répondre en lui montrant les clichés qu’elle avait pris d’un signe de tête. « Fais-moi voir ce sandwich, ça ne peut pas me faire de mal tout compte fait. Ça t’ennuie de sortir d’ici ? J’ai besoin de respirer un peu. » Effectivement, elle commençait à étouffer avec toutes ces images immondes autour d’elle. « Bon alors dis-moi, qu’est-ce qui t’amènes vraiment ici ? », lui demanda-t-elle en plantant son regard dans le sien. Elle n’était pas dupe, il devait bien avoir une idée précise en tête tout de même, non ?
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Sujet: Re: HELENA&PARKER ✖ leading her up the garden path Dim 4 Aoû - 22:51
helena&parker ✖ leading her up the garden path
Aussi loin que je me souvienne, je ne devais même jamais être passé sur le lieu de travail d'une fille qui me branchait, à moins que ce genre de souvenir honteux ait eu la bonne idée de ne pas me revenir après ma perte de mémoire momentanée. Pas même pour l'une de mes ex-petites amies, au sens officiel du terme. Delilah n'était qu'une étudiante et nous avions vécu les quelques mois de notre relation à parcourir les terres latines, Lou... Lou, je n'avais jamais vraiment capté ce qu'elle faisait, à part courir après un rêve de devenir top model, et puis, quand je la voyais à l'oeuvre, c'est qu'elle posait pour moi, donc, ça n'entrait pas en ligne de compte. J'aurais difficilement pu faire autrement, d'ailleurs ; si ce n'était pas devant mon objectif qu'elle se cambrait, c'était devant celui d'un autre photographe et ce n'était pas vraiment un métier dans lequel se pointer chez un potentiel concurrent ne tâchait pas. Il faut dire que dans ce milieu, les guerres étaient vite déclarées - enfin, quand j'entre dans l'équation, en tout cas - et le fait qu'on soit à Los Angeles n'aidait en rien ce point. Trop de professionnels au kilomètre carré, des contrats qui valent souvent de l'or, des carrières qui ont vite fait de s'éteindre bien plus rapidement qu'elles ont décollé, toutes les conditions étaient réunis pour qu'on se bouffe le nez et dénigre les autres à toutes les sauces. La seule exception là-dedans, à mon sens, était les paparazzis qui pullulaient à chaque coin de rue de la Cité des Anges. Déjà, on ne jouait d'entrée de jeu pas dans la même cour et mon dernier shoot placardé sur une bonne portion des encards publicitaires du coin me donnait clairement l'avantage contre une ou deux photos prises à la sauvette pour colorier la rubrique des potins d'un magazine à gonzesses quelconque. Ensuite, leur nature profonde me plaisait; combien de fois pouvait-on les voir pousser à bout une starlette qui a pris le melon ou l'acteur en plein déclin qui pensant aller prendre un café au coin de la rue ? Ils étaient pénibles, emmerdants, parasitants. Ils étaient à mon goût. En voir un courser une pauvre petite multimilionnaire à sa sortie de sa dernière pose de prothèse mammaire en date me réchauffait toujours le coeur, alors, pour eux, je me démerdais pour façonner un peu d'estime pour leur personne. Quant au reste de mon tableau de conquêtes, le fait que je ne me rappelle que partiellement de leurs prénoms devait suffire à lui-même pour expliquer pourquoi je ne m'étais jamais pointé entre midi et deux à l'entrée de leur bureau ou strip club pour leur faire une surprise, un panier de picnic dans une main et un air de con fini sur les traits. C'était donc là une première pour moi, mais je n'allais pas m'inquiéter, toutefois : j'avais une idée bien précise en tête, une motivation qui avait failli me coûter une ou deux nuits sans sommeil, alors, pas de quoi paniquer. Ma connartitude demeurait intacte.
Bref, c'est une première, et si je n'avais pas eu toutes ces idées derrière la tête, on ne peut pas dire que l'accueil m'aurait encouragé à renouveler ce genre de pratiques inédites. Elle répond à mon accroche sur un ton qui n'a rien de chaleureux, le sarcasme que j'y décèle n'arrange rien. Sa froideur devrait me freiner ; au lieu de ça, je tique sur le mot massacre et un sourire se glisse sur mes traits sans que je puisse y faire quelque chose. Je parviens toutefois à le mesurer, juste à temps, alors qu'elle se tourne finalement vers moi, et il finit au coin de mes lèvres, sans qu'on puisse y donner un autre sens que celui simple de la politesse. Aux vues de l'expression qui s'éprend de ses traits, elle s'attendait à voir n'importe qui sauf moi et se demande sans aucun doute qu'est-ce que je fiche là Je commence à me poser la même question, d'ailleurs, au moment où je croise son regard et que je pressens qu'elle va me questionner dans les secondes qui suivront ; finalement, je ne la connaissais pas plus que ça et, même si mon égo paraît-il un peu trop gros me laissait un peu amer face à cette hypothèse, notre brève rencontre ne l'avait peut-être même pas marqué suffisamment pour qu'elle se souvienne de moi. J'occulte cependant en vitesse cet instant de doute, alors qu'elle verbalise la surprise que j'ai lu sur ses traits l'instant d'avant et que, reprenant mes réflexes et mes bonnes habitudes, je m'empresse de ricocher sur le sandwich avant qu'elle n'ait le temps d'en dire plus. Je me soucie même de savoir si je la dérange ; en même temps, me faire mettre à la porte maintenant que je suis à portée de vue de mon objectif parce qu'elle a trop de boulot, justement, ça me minerait un peu. La chance de mon côté et puis sûrement un bon coup de pouce de l'air angélique qui est en train de cramer sur ma peau qui n'aime pas ça, elle ravise rapidement son jugement et cède à la tentation bien gentille de l'hameçon encore caché au fond du sac en papier que j'ai en main. Toutefois, la fin de sa phrase vient un brin contrarier mes plans, alors que je m'apprêtais déjà à me rapprocher, maîtrisant du mieux que je peux mon envie de me ruer vers elle et l'envoyer valser à l'autre bout de la pièce pendant que je vais baver devant l'écran de son ordinateur. Sortir d'ici ? Sûrement pas. Mes cinq dollars et vingt cents de pain, salade et viande, elle les mangerait ici, et nulle part ailleurs. Je la vois déjà se préparer à se lever, ce qui me coûte ce qu'il restait de mon sourire alors que je balaie rapidement les alentours du regard, comme si je cherchais ce qui la poussait à vouloir aller prendre l'air, alors qu'en fait, je suis juste en plein stress pour lui trouver, au contraire, une bonne raison de ne pas bouger de là. Nouveau coup de bol, elle enchaîne sur une autre phrase, qui me fait rapidement revenir sur mes pattes et qui clarifie vite fait mes pensées ; elle me demande ce que je fais là et, cette question-là, c'est plus évident d'y répondre.
« Bon, j'suis démasqué. Si je suis là, en fait... » En fait, je viens juste remplir mon esprit d'images rouge sang et gonfler mon inspiration à bloc sur le dos du carambolage meurtrier qui est passé aux infos hier et que je soupçonne d'apparaître couché sur papier glacé quelque part par ici. Variante, je viens voir si je ne peux pas faucher une ou deux photos discrètement, directement, et les créditer sous un de mes faux noms à la prochaine de mes expos et te foutre, au passage, dans une merde noire quand tes copains les flics t'accuseront d'être dans le coup. « ... C'est parce que j'ai été cambriolé, je venais poser ma déposition. Le sandwich, c'est tout ce qui restait dans mon appart. » L'honnêteté ou le mensonge, le choix s'est fait sans que j'aie à y réfléchir. Je le ficelle aussi bien que je sais le faire ; prétexter une tuile, mais pas trop grave, histoire que ça reste crédible, ponctuer le tout d'un trait d'humour qui expliquera pourquoi un mec qui vient porter plainte se trimballe par hasard un déjeuner sous le bras en plus de me faire passer pour adorable, trouvant la force d'essayer de la faire sourire malgré mon chamboulement émotionnel extrême - mon oeil qui brille d'impatience et d'excitation s'expliquera ainsi, si elle vient à se poser la question. J'en profite pour m'approcher, un peu vite, et lui tends le dit sandwich, toujours souriant, avec un peu plus de retenue, menteur hors pair, je sais mesurer mes émotions... Les factices, en tout cas. Je saute aussi sur l'occasion pour contrer son envie d'aller prendre l'air, puisque l'occasion si prête, désormais. « Je suis censé rester dans le coin, du coup. » Je laisse mon regard s'égarer sur les photos que je vois un peu mieux, ainsi placé, parce qu'après tout, c'est ce que tout le monde ferait. « T'as quand même de sacrés tripes. » Je dis ça avec une vague grimace, parce que, ça aussi, tout le monde le ferait, en voyant celles de l'autre qui s'étale hors de sa carcasse inanimée - intérieurement, je me félicite moi-même quant au choix de la viande qui garnit l'encas que je viens de lui filer. Rosbeef. Faut croire que je suis un garçon plein de clairvoyance.