I'm so sorry I ruined your day.

— « Viens en urgence s'il te plaît, on a du nouveau sur le dossier Evans, ça va peut-être nous sauver la mise. »

Je n'avais pas vraiment eu le temps de comprendre le pourquoi du comment, que je me retrouvais sans personne au bout du fil, la bouche ouverte et les cheveux en bataille à cause de ce réveil en force. Moi qui n'était déjà pas une personne très matinale de base (Sûrement cela était-ce dû à mes trop nombreuses nuits blanches de travail), j'avais encore plus de mal à lier les deux bouts en ce matin trop violent pour ma pauvre et fragile personne. Le pire était surement que je n'avais théoriquement pas à travailler aujourd'hui, mais puisque je n'avais même pas eu le temps de placer le moindre "Bonjour" vu la durée phénoménalement longue de cet appel, je n'avais plus d'autres choix que de bouger désormais. De toute façon qu'est-ce que je pouvais bien faire ici ? A part étudier des dossiers, peut-être me racheter une de ces boîtes de céréales qui me maintenait en vie (La cuisine me faisant encore la tête après cette tentative ratée de cuisiner des pancakes) et caresser Charlie le chat roux et obèse au nez écrasé, je n'avais pas grand chose d'intéressant  à faire. D'ailleurs, ce chat avait beau être d'une laideur incroyable et d'une couleur de Weasley, je devais avouer assez bien l'aimer. Il me donnait de l'affection contre des croquettes, ce qui n'était pas un si mauvais marché que cela quand on y pensait bien.  
Quittant enfin ce lit trop confortable en faisant craquer mon dos, je baillais comme jamais et titubais jusque ma salle de bain. Déprimant devant ma mine tirée et les poches sous mes yeux, je commençais à me dire que je ne serais jamais capable d'être prêt rapidement.

Commençant par l'étape 1 (Soit la douche), j'enlevais mon t-shirt et mon caleçon, le balançant derrière moi pour que Charlie se le mange au coin du nez et quitte la pièce en feulant de mécontentement. Haussant les épaules, je me glissais juste sous le jet, comptant dans ma tête 5 minutes et 30 secondes avant de sortir, tout mouillé et de la mousse encore sur le bas du dos. Entreprenant de me raser, je ne me coupais qu'une fois sous le menton et collais un petit bout de papier dessus le temps de sécher mes cheveux. Abandonnant l'idée du "Je me coiffe bien", je me contentais d'une main dans ces derniers pour faire croire à moi-même que j'étais  capable d'avoir une once de contrôle dessus. (Faux.)  
Enfilant un caleçon en sautillant, j'attrapais un t-shirt en vitesse, l'enfilant en ayant la brosse à dents dans la bouche et allant me faire couler un café  rapidement. Je versais également trop de croquettes dans la gamelle de Charlie, celui-ci déboulant au bruit pour dévorer la nourriture sans même respirer. (Incroyable ce qu'il pouvait courir vite lorsqu'il le voulait réellement.)
Retournant dans ma chambre pour abandonner ma brosse à dent et me rincer la bouche, je prenais le premier costume qui me passait par la main, soit un bleu foncé accompagné de sa cravate bordeaux.  
Enfilant une paire de converses puisque je m'apprêtais déjà à devoir courir, je prenais ma vraie paire de chaussures sous le bras, ma mallette, mes clés, et descendais de mon immeuble après avoir sifflé mon café.

Courant jusque ma voiture, une BMW classique, noire et décapotable (Le vent étant une excuse à l'improbabilité de me coiffure), je jetais mes affaires sur le siège passager et mettais le contact. Quittant le parking en vitesse, je priais pour qu'il n'y ait pas trop de monde sur la route, n'ayant aucune envie que mes collègues ne fassent la gueule si j'arrivais trop tard.
Glissant une paire de lunettes sur mon nez pour ne pas avoir mal à la tête trop vite, je quittais donc ma résidence et me dirigeais vers mon lieu de travail, sans problèmes apparents pour l'instant.
Sauf que forcément, moi et ma chance légendaire qui n'était pas forcément d'humeur à me laisser du répit ce matin entra en jeu, puisque quand une petite voiture rouge déboula à ma droite, je ne pus tout simplement pas l'éviter.
Peut-être avais-je freiné trop tard, peut-être la couleur m'avait-elle distraite, mais toujours était-il que je venais de lui enfoncer son phare gauche et que le ou la propriétaire de l'engin venait de s'arrêter brutalement en plein milieu de la route, en centre ville. Les mains crispées sur mon volant et le cœur en feu, je claquais ma tête contre ce-dernier, n'arrivant tout simplement pas à y croire.
Venais-je vraiment de percuter une voiture et de ruiner cette journée qui avait pourtant si bien commencée ?

Visiblement oui, je l'avais fait.

 
        Oh you're gonna pay for that !
        feat. Isaac I. Fawkes  
     

Le rush du matin, tout le monde connaît, non ? Forcément. Le réveil qui sonne deux minutes en retard et qui décalle toute votre vie. Sauf que quand vous avez un enfant, vous savez, c'est tout autre chose. Vraiment tout autre chose.
Quand j'ai ouvert les yeux, au son de la petite voix d'Elsa m'appelant, j'ai cru hurler devant l'heure, bien trop avancée. Il était déjà 7h15 ! Horreur et damnation. Saloperie de réveil qui ne fonctionnait pas ! Bondissant hors de mon lit pourtant si chaleureux, j'attrapais mon petit lutin et courrait lui trouver une tenue potable à lui faire enfiler rapidement. La laisser se brosser les dents pendant que je lui enfilais ses petites baskets, je lui faisais confiance pour manger ensuite son bol de céréales pendant que j'enfilais quelque chose de décent. Ma robe noire à pois blanc enfilée, je cherchais des ballerines satisfaisante, et arrangeait mes cheveux en chignon flou, laissant quelques mèches devant ma tête. J'essaierais de faire mieux avant de passer au bureau pour récupérer le courrier des fans, et ainsi ne pas avoir une tête de déterrée devant les collègues.  Redescendant de la cuisine, je souriais en voyant que pas un seul grain de riz soufflé n'avait atterrit à côté du bol ! Cette petite était la meilleure, et personne ne pouvait m'en faire démordre ! Attrapant mon sac, y fourrant mes clés et mon portable, j'attrapais ma princesse, elle son cartable – heureusement préparé le soir – et nous filions dans ma chère voiture, ma voiture si aimée : Une mangifique panhard junior rouge et blanche. Cette voiture était une des choses à laquelle j'étais le plus attaché, materiellement parlant. Elle, mon pc, et mon fer à boucler.

Une fois Elsa dans le siège auto, je bénissais le peu de distance entre son école et la maison, puisque nous arrivions pile à l'heure ! La regardant filer, je soufflais un coup, de soulagement. J'allais juste avoir le temps de rentrer, de me doucher et me préparer un peu mieux avant d'aller au bureau ! Tout cela me paraissait parfait ! Sauf que dans ma hâte de retrouver ma chère maison, et malgré le fait que j'avais marqué ce stop – du moins dans ma tête, je l'avais marqué – il fallut qu'à ce putain de croisement, ma magnifique voiture fut durement heurté par une sombre BMW. Toute secouée du choc, je pillais brusquement, m'arrêtant en plein croisement – heureusement pas trop fréquenté. Déglutissant, soufflant, vérifiant que j'allais bien, je constatais que c'était le cas. Rien de cassé, rien de douloureux, tout semblait parfait.
Mais bordel, de ce que je voyais, ma voiture semblait cabosser. Serrant les dents, après quelques minutes, je sortais de celle ci, avec du mal vu que la porte avait été légèrement touchée, et la claquait pour espérer qu'elle se ferme correctement. Me reculant pour contaster les dégats, je me mordais la langue.  Mon phare gauche était totalement défoncé, une partie de mon cabot était tout froissé, et la portière en avait prit un coup également. Serrant les dents, toute crispée, je me retournais vers la voiture du c*nnard ayant fait ça à ma petite chérie. Et bénissait l'absence de ma fille, de une par peur qu'elle soit blessée, et parce que je savais que si elle avait entendu la suite, elle m'aurait certaine réclamé une centaine de dollars dans le jar à injures. C'était juste pas possible de conduire comme ça, sérieusement !

- Hey ! Sortez de votre voiture !

Oh et comme il allait prendre cher. Surtout que vu sa voiture, il devait avoir de l'argent. Assez pour s'occuper de la réparation de ma voiture. Et pour verser un dédommagement. Plaçant mes mains sur mes hanches, prête à hurler contre ce mec, à en croire la masse de cheveux brun appuyée contre le volant, j'en oubliais mon retard prochain. Et ma journée ruinée. C'était pas possible de commencer plus mal, sérieusement.

I'm so sorry I ruined your day.

Essayant de me fondre avec le volant, je me répétais inlassablement " Non non non non." Non je ne pouvais pas avoir enfoncé la voiture de quelqu'un d'autre, non je ne pouvais pas ne pas avoir vu une voiture pourtant si rouge et non, je ne pouvais tout simplement pas être réveillé. Je devais juste faire un putain de cauchemar et j'avais rêvé l'appel de mon collègue ce matin ainsi que le trop plein de croquettes dans la gamelle de Charlie le chat. Je n'avais pas la tête enfoncée dans mon volant mais contre mon oreiller et ce n'était pas un costume que je portais mais mon pyjama. Tout ça, c'était juste un rêve très réaliste, voilà tout !
Confit dans cette idée je commençais à me relaxer un peu, fuyant la réalité du mieux que je le pouvais. De toute façon, même si tout cela était vrai, je pouvais peut-être prétendre être mort ? Ou dans le coma ? Ou je pourrais peut-être dire que je venais de faire un arrêt cardiaque ? (Ce qui était une pensée stupide puisque si cela avait été vrai, je n'aurais jamais été capable de le dire.) Soupirant, au bout du rouleau, je me crispais encore plus en entendant une voix féminine exiger que je sorte de ma BM, ma misérable personne étant loin d'être prête à affronter ça. D'autant plus que vu le ton, la personne était loin d'être heureuse de la situation. (En même temps, comment l'être ?)
Me décollant finalement du volant après plusieurs secondes, je pinçais les lèvres et levais le nez vers celle que je venais d'heurter sans ménagement, mon souffle se coupant aussitôt.

Je n'avais vraisemblablement pas détruis la voiture de n'importe qui, j'avais détruis la voiture d'une jeune femme absolument magnifique. La regardant de derrière ma fenêtre ouverte, en oubliant que je devais sortir pour un très certainement futur procès à venir, je retirais lentement mes lunettes et prenais conscience du fait que j'avais la bouche ouverte.
Déglutissant difficilement, je détaillais cette femme qui m'éblouissait complètement, les rayons de soleil derrière son visage y étant en partie pour quelque chose. Mais outre la lumière de l'astre, il fallait admettre que cette personne était réellement resplendissante. Ses cheveux blonds en chignon rapide, les quelques mèches qui encadraient son visage rond et plein, son petit nez et ses yeux clairs comme de la pluie ... La première chose que je fus capable de penser fût : "Faîtes que son prénom ne commence par par E." - Ce qui était aussi idiot que stupide vu que je venais de lui rentrer dedans et qu'elle ne devait pas me porter dans son cœur.
Immobile dans ma contemplation muette, je fus vite ramené à la réalité par la douce voix de cette ravissante et charmante personne.  

— « Hey oh, il est sourd l'abruti en plus d'être aveugle ?! »

Ouvrant de grands yeux et rougissant tout en blanchissant (Essayez un peu d'imaginer le patchwork), je finissais par ouvrir ma portière et par sortir de ma BMW noire, déglutissant et gêné au possible. Je devais réellement essayer de balbutier des excuses en vitesse, sinon j'avais la ferme impression que cette femme allait me clouer les parties génitales sur son moteur afin de réparer les dégâts à sa façon.
Ayant toujours mes lunettes à ma main, je refermais ma portière rapidement en me collant contre celle-ci la seconde d'après, effrayé qu'elle ne se jette sur moi pour m'égorger.

— « Je ... Je suis sincèrement désolé pour tout, je ne vous ai pas vu débouler sur ma droite et ... Mon dieu, pardon. Vraiment, j'espère que je n'ai pas causé trop de dégâts ? Et vous n'avez rien ? »

Le stress me faisant parler trop rapidement, j'essayais de ne pas avoir l'air trop misérable et paniqué, sauf que mon air sincèrement contrit devait vendre la mèche. Je n'osais même pas regarder en direction de la voiture de cette fille, tellement son air me terrifiait.Sûrement avais-je éclaté sa voiture pour qu'elle soit en train de visuellement m'écorcher vif à ce point. Au pire je pouvais toujours payer non ? Je voulais juste éviter le tribunal, je n'avais pas besoin d'un procès routier sur le dos en plus de tout le reste ... Peut-être qu'elle allait me montrer un peu de pitié ?
Oh Isaac ... Comme c'est beau de rêver.

 
        Oh you're gonna pay for that !
        feat. Isaac I. Fawkes  
     

Fixant la silhouette effondrée dans la voiture, j'attendais qu'il sorte. Je voulais juste qu'il sorte, lui refaire la facade un coup – à coup de griffes ou de poings, les deux m'iraient – et le faire s'excuser à genoux devant moi, le faire faire un gros chèque bien juteux et partir faire réparer ma chérie. Bon dieu, j'allais devoir appeler pour dire que j'allais être en retard. Et je détestais faire ça, parce que cette stupide secrétaire de quarante ans allait encore faire des remarques pour dire que c'était sûrement à cause de ma fille, parce que j'étais bien trop jeune pour l'élever – bla-bla-bla. Grognasse. Croisant les bras, je regardais un instant sa voiture à lui, qui hormis des rayures et la vitre du phare cassée, n'avait rien d'autre.
La vie était définitivement injuste ! Pourquoi lui n'avait rien ? Sérieusement ? Alors qu'il avait sûrement le fric plus que suffisant pour faire réparer sa voiture de riche ? Raaaaah. Mais remontant mes yeux sur lui, quelle ne fut pas ma surprise de voir que cet idiot m'observait désormais, la bouche ouverte, un air.. Et bien de con plaqué sur la tête. Il me matait carrément même. On aurait pu croire qu'il venait de découvrir le soleil. Attendant quelques secondes qu'il réagisse enfin, parce que bon, c'était pas en me bavant dessus qu'il allait réparer tout ça, je perdis rapidement patiente et m'adressais de nouveau à lui.

- « Hey oh, il est sourd l'abruti en plus d'être aveugle ?! »

Bon, je devais l'avouer, je n'étais pas très gentille. Voir pas du tout. Voir même agressive.
On pouvait imputer cela au fait que je n'avais pas eut le temps de prendre un café ce matin. Et surtout au fait.. Qu'il venait de défoncer ma voiture. Oui, aussi, sûrement. Et qu'il me regarde avec cet air devait y participer également.
Même si je me montrais plus discrète dans mes observations, je devais avouer qu'il n'était pas moche, ce chauffard. Rasé de prêt, au visage fin et bien dessinée – un petit air de fouine à dénoter quand même – et des cheveux... Mh.. Des cheveux dans tout les sens.. Et bien il n'était pas sans charmes. Pas du tout.
Sauf qu'actuellement, qu'il soit grand, petit, nain, troll, elfe, violet ou bleu, dieu grecque ou moche, tout ce que je voulais, c'était compensation.
Et peut-être, vu l'homme, son numéro. Mais je disais bien peut-être !

Réagissant finalement, il sortait de sa voiture, et se collant contre la portière, comme si cela pouvait le protéger. S'il ne se montrait pas docile, j'allais lui enfoncer la tête dedans tiens. (Je vous assure, je ne suis pas comme ça, quand j'ai mon café.)

- «  Je ... Je suis sincèrement désolé pour tout, je ne vous ai pas vu débouler sur ma droite et ... Mon dieu, pardon. Vraiment, j'espère que je n'ai pas causé trop de dégâts ? Et vous n'avez rien ? »

Clignant des yeux devant, autant se l'avouer, son ton de fillette entrain de se faire gronder, je manquais de me démonter, vu son air. Il parlait trop vite en plus, comme si les secondes avant sa mort venait à lui manquer. Sérieusement, c'était surprenant. Ca ferait une superbe caméra cachée, ça ! Mais pas décidée tout de même à oublier de l'engueuler, je croisais les bras.

- « Et bien regardez par vous même, plutôt que de me fixer comme ça ! Et non, je n'ai rien. »

Heureusement tiens. Mais même ma robe semblait sauve. Ce qui me semblait bien, parce que s'il était arrivé quelque chose à ma robe... Je n'aurais rien garanti de la vie de cet homme. Il sembla hésiter quelques secondes, mais, me fixant toujours, de peur que je m'envole sans doute, il s'avança vers ma voiture tout cabossée. Et, après plusieurs secondes, il baissa finalement les yeux vers les dégâts provoqués. Ses yeux se firent tout ronds, et je vous jure que je me serais cru devant un film, du genre comédie romantique à bas budget, tellement sa réaction semblait clichée. Drôle, si ça n'avait pas été devant ma voiture.

- « Oh doux Jésus... Merde. »

Haussant les sourcils devant cette réaction étrange – tout les détails y étaient, même la main levée sur la bouche entre ouverte sous le choc – je serrais les dents.

- « Oh vous pouvez jurer, oui. Mais il va surtout falloir assumer maintenant. »

Et payer.
Oui, tout ça, et bien ça n'avait pas très bien commencé...