12 mai 1992. Une nuit de printemps assez chaude pour certains pays du monde mais encore légèrement froide pour ma ville de New York. C'est cette nuit que je vois le jour. Ma mère est en sueur au moment d’entrer à l’hôpital. Ses contractions sont violentes. Bien que je sois le deuxième bébé qu’elle met au monde, ma naissance ne se déroule pas de manière très facile. Plusieurs heures s’écoulent. Plusieurs heures de calvaire pour ma mère et mon père qui se fait de plus en plus de soucis pour sa femme. Puis finalement, à 5h21 du matin, je vois le jour. L’infirmière me dépose sur le ventre de ma mère en larmes. Mon père vient embrasser sa femme, versant une larme lui aussi. « Félicitation chérie. Tu as très bien fait ça. » Ma mère ne dit pas un mot, se contentant de sourire en venant déposer un baiser contre mon front. « Alors, comment est-ce qu’on l’appelle ?? » La jeune femme marque une pause, réfléchissant bien. Puis, une éclaire de génie semble avoir traversée son esprit. « Primrose. Primrose Elisa Standford. » Mon père fronce les sourcils, un peu surpris par sa proposition. « Primrose !? Tu ne trouves pas que c'est un peu trop unique. » Une nouvelle fois, elle lui sourit d'un air ravi. « Oui, unique. Exactement comme elle. »




J'ai sept ans. Assise de manière un peu bancale dans le couloir de l'hôpital, j’attends. J’attends ce miracle qui n'arrivera jamais. Mon père fait les cents pas, pleurant à chaud de larmes. Je sais que c'est peine perdue. Je sais que maman ne reviendra pas. Son cancer s’est beaucoup trop détérioré. Ça fait des semaines qu'elle est dans le coma. Ça fait des semaines qu'on s'accroche à un espoir vain. De toute évidence, mon père en a assez. Je l’entends discuter avec une infirmière. Encore une fois, il a la voix étouffée par les sanglots. Je ne saisie pas trop ce qu'ils se racontent, mais de là où je suis, je perçois le mot débrancher. Je me relève instantanément de mon siège, folle de colère. « NOOOOOOOON !! Vous n’avez pas le droit de débrancher ma maman !! » Je fonce sur eux comme une furie, mais mon frère, Matthew, qui a déjà quatorze ans, me retient fermement dans ses bras. « On a pas le choix Prim. Ce n'est pas humain de garder maman ainsi. » Il a le même ton froid et détaché que je lui ai toujours connu et spontanément, la colère laisse peu à peu place à une profonde tristesse, à l’impression d’être toute seule désormais. Maman était la seule personne avec qui je m’entendais vraiment. Mon frère n’a jamais été super gentil avec moi. Tant qu’à mon père, il noit son chagrin dans l’alcool depuis qu’il sait que ma mère ne guérira pas. Il est temps de rejoindre la chambre à présent. Il est temps de faire nos adieux. Je fonce presque instantanément vers le lit où ma mère repose. Pourtant, je sens déjà qu’elle n'est plus là. Ce n'est qu'une enveloppe vide. Ma mère nous a définitivement quittée, et pour une petite fille de mon âge, c'est dur à avaler. Ma petite main vient doucement s'emparer de la sienne que je sers de toutes mes forces. Une petite larme roule sur ma joue avant que je n'ouvre la bouche. « Adieu petite maman... » Et sur ce, je vois le moniteur qui commence à ralentir un peu plus à chaque seconde.




J’ai treize ans. Ça fait à présent six ans que je travaille dur nuit et jour pour suivre les trace de maman, pour devenir une aussi grande athlète qu’elle. Ma mère était patineuse artistique. Elle a déjà gagnée quelques championnats régionaux de New York. Elle aurait bien aimée se rendre jusqu’aux Olympiques, mais dû au fait qu’elle avait eu des enfants, elle a préférée abandonner pour se consacrer uniquement à nous. Mais moi je ne compte pas abandonner. Je me fiche du temps que ça prendre et du travail que je devrai faire, mais j’irai jusqu’au bout. Je sors de ma chambre pour me diriger vers la salle de bain où je noue mes longs cheveux bruns en un petit chignon serré. Ça fait étrange de ne plus me battre pour avoir la salle de bain. Depuis que Matthew a quitté New York pour aller vivre à Santa Monica, la maison paraît encore plus vide, et encore, ce n’est pas lui qui y apportait le plus de vie. Je descends les escaliers qui mènent au salon, prête à partir pour aller m’entraîner à l’aréna du coin. « Papa, je vais aller m’entraîner un peu à l’aréna. » Mais la réponse que je reçois est à peine un léger gémissement. Mon père est beaucoup trop ivre mort pour me dire quoi que ce soit de cohérent. Je me doute qu’il tente de faire son deuil à sa manière, mais dans un sens, je ne peux m’empêcher de lui en vouloir. C’est lui l’adulte ici, non ?? C’est à lui de prendre soin de moi et non l’inverse. « Tu as entendu ?? » « Ouais, c’est ça, fous le camp. J’en ai rien à faire. » Je reste un peu surprise de la froideur de son ton mais je tente au maximum de le cacher le plus possible. « Tu ne sais rien faire d’autre de toute façon. » Cette fois, j’en ai assez. Je sens la colère me monter à la tête et je me doute que ça ne risque pas d’être tout joli quand ça sortira. « C’est si grave que ça de vouloir suivre les traces de maman ?? Moi au moins, je ne reste pas allongée sur ce canapé toute la journée. » Il daigne enfin poser les yeux sur moi. Son regard est vide et ça ne fait que me mettre encore plus en colère. « J’en ai assez tu sais. Si tu crois que je vais passer toute ma vie coincée ici avec toi, tu te trompe. Un jour, je mettrai les voiles et ce n’est certainement pas toi qui va m’en empêcher. » Je soupire fortement, portant ma main à mon front. « Je rentrerai tôt. » dis-je cette fois d’un ton détaché, puis je tourne les talons. Ça ne sert à rien de continuer à m’expliquer avec lui. Il ne m’a jamais écouté.




Cette fois, ça en est trop. Je fiche le camp d’ici. Je n’en peux plus de devoir tout faire à la maison en plus de mes travaux scolaires. J’ai beau n’avoir que seize ans, je parfaitement que je me débrouillerai beaucoup mieux sans lui. Qu’il règle ses propres problèmes et qu’il me laisse tranquille. Alors que je suis en train de descendre ma valise de ma chambre, je vois mon père – debout !? – dans le bas de l’escalier. Il me regarde avec un sourire carrément amusé, encore complètement ivre mort, comme toujours. « Où est-ce que tu crois aller comme ça ma p’tite ?? » « Je pars. C’est évident il me semble, non ?? Je m’en vais vivre à Santa Monica. » Il échappe un rire franc, sans doute persuadé que je lui raconte des salades. « Et comment tu vas te débrouiller à Santa Monica ?? Ton frère ne va certainement pas t’accueillir à bras ouverts. Il.. il a bien d’autres choses à faire. » Sa voix se brise doucement sous l’effet de l’alcool, et l’espace d’une seconde, j’ai pratiquement pitié de lui. « T’inquiète, je ne comptais pas su Matthew. Je n’ai jamais pue compter sur aucun de vous deux d’ailleurs. » Je lui balance ça à la figure sans cruauté aucune. C’est juste la réalité. À partir de l’âge de sept ans, j’ai dû m’élever toute seule. Je suis donc parfaitement au courant que ma vie à Santa Monica se déroulera très bien. Je serai simplement plus libre. « L’école de patin de Santa Monica est encore plus perfectionnée que celle de New York. Je risque davantage d’atteindre mes buts en me rendant là-bas. » « Ne sois pas stupide !! T’as.. t’as même pas de boulot. T’as même pas de diplôme. » « Je me trouverai un travail, t’en fais pas là-dessus. » Je descend finalement les escaliers, prête à le diriger vers la porte d’entrée. Mais soudainement, mon père m’attrape par le bras, le serrant fortement. « Je te préviens Primrose Standford, si tu mets les pieds hors de cette maison, ne reviens jamais ici. » Cette fois, je lui jette un regard noir, me dégageant vivement de son étreinte. « Je n’y comptais pas, rassures-toi. » Sur ce, j’attrape ma valise et me dirige d’un pas décidé vers la porte. Je sors, m’engouffrant dans l’air frais de la nuit, avant de grimper dans ma voiture. Je démarre le moteur rapidement et je commence à rouler, enfin en route vers ma nouvelle vie, vers ma liberté.




Ça fait aujourd’hui sept ans que je vis à Santa Monica. C’est la paradis. Sérieusement, je n’ai jamais été aussi heureuse que depuis les dernières années, peut-être sauf à l’époque où maman était encore en vie. Je poursuis mon ascension dans le but de devenir une grande patineuse artistique. Jusqu’à présent, je n’ai que de bons commentaires – peut-être excepté sur le fait que j’ai un sale caractère mais ça, ça se travaille. – Entre temps, je travail dans un bar à mi-temps afin de payer correctement mon loyer et pouvoir survivre convenablement. En même temps, c’est le meilleur moyen de faire de nouvelles rencontres, que ce soit amical ou autres. Je ne recherche aucune relation sérieuse pour l’instant. Hors de question que je me laisse détourner de mon but pour les beaux yeux d’un mec. À la place, je préfère de loin me satisfaire de relations d’une nuit. C’est simple et sans prise de tête. Je n’ai presque pas vu mon frère depuis mon arrivée en ville. Monsieur est trop occupé. Pourtant, j’aimerais tellement qu’on soit plus proche, comme de vrais frères et sœurs devrait être. Hélas, il semblerait que c’est trop lui demander.

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