Mieux vaut tard que jamais qu'ils disent... | Tara
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Sujet: Mieux vaut tard que jamais qu'ils disent... | Tara Mar 15 Mai - 16:02
Il y a quelques mois, j'ai fait la rencontre d'une charmante jeune femme très impliquée et responsable. Dans le cadre d'une journée de sensibilisation à l'école où je travaillais, les élèves et leurs professeurs avaient droit à une petite demi-douzaine de présentations tout au long de la journée de la part d'organismes à but non lucratif de la ville. Parmi eux se trouvaient le centre situé tout près du Good Samaritan Hospital qui aide les sidéens de LA à passer au travers des mauvaises passes. Elle m'avait bien impressionnée avec sa présentation et à la fin de la journée, nous avions discuté un peu. Je la trouvais très bonne de faire cela, parce qu'à dix-neuf ans, Dieu sait que je n'étais pas prête à côtoyer des victimes du SIDA! Et pourtant, elle le faisait et elle semblait totalement bien là-dedans, c'est probablement ça qui m'a donné envie d'aller lui parler après sa présentation. Elle m'a reconnue tout de suite et ça m'a flattée, puis tandis que nous parlions, elle me proposa de venir voir de quoi ça avait vraiment l'air et j'ai accepté tout de go, lui promettant de passer la semaine d'après. Mais la vie en a décidé autrement parce que seulement à la fin de la semaine, mon directeur me foutiat à la porte à cause de mon homosexualité. Je ne l'ai jamais digéré et encore aujourd'hui, ça me fend le coeur d'y repenser. Quoi qu'il en soit, tout ça pour dire que, depuis octobre, je n'ai pas revu cette jeune Tara.
Me voila aujourd'hui, alors que j'ai repris le contrôle sur ma vie et ma personne, devant le centre, les mains moites et des sueurs froides me coulant dans le dos. J'ignore pourquoi je suis tant stressée de simplement rentrer, mais j'appréhende la réaction de Tara. Après tout, j'avais promis de passer la voir la semaine après sa présentation et voila que ça faisait plus que six mois et je n'étais toujours pas venue. J'avais aussi un peu peur de sa réaction si je lui avouais la vérité sur ma déchéance, mais je n'étais pas du genre à me cacher et si je ne pouvais même pas être honnête avec une adolescente de dix-neuf ans, alors avec qui pourrais-je l'être? Finalement, après m'être moi-même fait la morale, je suis entrée dans le centre. Aussitôt, une atmosphère tout à fait différente de ce à quoi je m'attendais m'a fait sourire, et je me suis aussitôt détendue. Il n'y avait pas d'ambiance morbide, ce n'était pas l'odeur de la mort que je respirais, mais celle de la vie, celle du dernier espoir, du dernier acharnement. En même temps, ce centre me rappelait aussi à quel point ça avait été difficile de voir mon frère s'en aller et ça ternissait mon soulagement d'amertume et d'une colère pas tout à fait éteinte.
Après être restée plantée dans le hall d'entrée un bon deux minutes, je me suis décidée à partir à la recherche de Tara. Je souriais à ceux que je croisais et ils me rendaient mon sourire en décuplé. Ça m'a pris un petit moment avant de comprendre que c'était parce qu'ils me prenaient pour une nouvelle membre du centre. Je n'ai pas cherché à nier cela, à quoi ça aurait servi? Finalement, après de longues recherches, je l'ai aperçue dans une salle qui ressemblait à un salon. Je suis entrée discrètement parce que je ne voulais pas la déranger pendant qu'elle parlait. Quand elle eut terminé, je lui ai fais un petit signe et je me suis aussitôt sentie très bête : et si elle ne se souvenait pas de moi? Je n'avais pas tant changé depuis octobre, mais quand même, ça faisait presque huit mois et on ne s'était vues qu'une fois! Je lui souris en attendant de voir si elle me reconnaissait ou si je devrais lui rafraîchir la mémoire.
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Sujet: Re: Mieux vaut tard que jamais qu'ils disent... | Tara Jeu 17 Mai - 1:20
Une journée comme on en verra des milliers. Un soleil évasif, des humeurs maussades. Ça fait tout une différence ici; la température. On fixe dehors pour voir le meilleur, à l’intérieur tout est moisi et monotone. J’avais cuisiné des trucs colorés, histoire de contraster avec le reste. À parler avec Benny, à fixer Emy qui nous écoutait sans un son. Mais ça n’avait pas changé grand chose aujourd’hui. Puisque je n’étais plus une lumière dans leur journée tamisée, j’étais devenue un meuble, toujours présente. Dans un sens, j’avais probablement besoin d’eux autant qu’ils avaient besoin de moi.
Les portions sont servies, sur la table dans la pièce voisine. Mais je n’ai pas faim, comme toujours. À manger la moitié de ma production au fur et à mesure. L’estomac noué une fois le repas prêt. J’avais rappelé à ma compatriote que la dernière assiette allait directement à Philippe, allergique à une liste désespérante de truc. La solitude ne me gagna pas très longtemps, la porte fermée, je me détourne. Je l’aperçois, reçois son signe de la main. Je m’avance vers elle, focussant sur ses traits pas totalement inconnus. Mes mains s’enroulent contre un linge à vaisselle humide, la peau fraîche de mes mains me fait frissonner. J’abandonne le linge contre mon épaule, les mains libres mais l’esprit occupé. « C’est qui. » Comme seule phrase qui tourne en boucle dans mon crâne.
TARA – « J’peux t’aider? »
Je la connais, je l’ai déjà vu. Mais plus j’y pense, pire c’est. Parce que je ne me souviens pas. Des yeux noisette naïfs, une âme un peu perdue, comme dans un monde à part. Je fixe son regard, les sourcils un peu froncés, à retâter les options dans ma tête. Les mots s’étouffent entre les quatre murs qui nous encadrent. Je glisse mes doigts aux rebords de mes poches arrières, le silence comme seule mélodie entre nous. J’attends, qu’elle réponde. L’attente est pénible, le désordre de mon crâne s’empire. Qu’un amas de supposition qui tourne en rond. Les bars, un ami commun, ou un voyage peut-être. L’école. Je revis un moment de mon existence en l’espace d’une seconde. Pas mon « école », la sienne. J’expire silencieusement, fierté qui me fait redresser les épaules. J’ai trouvé, l’histoire, la connaissance. Je n’ai pas son nom, ça me reviendra bientôt. Je ne sais quand même pas quoi dire, alors je laisse le temps s’écouler. Elle avait l’air vraie, sincère. Trop intelligente pour enseigner aux gamins délurés de six ans, trop belle même, pour n’avoir que des mineurs comme public. Mais je n’oublie pas la suite et les promesses envolées.
TARA – « Bon, je suis pas payée à rien faire alors… »
Je déglutis, laissant mes bras tomber à mes flans. La salle est vide et l’ambiance des lieux ne m’a jamais semblée aussi morte. Je me penche pour agripper mon sac, abandonné quelque part contre le plancher terne. Je me redresse, la fixe une dernière fois dans son silence et fais un pas. Parce que je m’en vais, tannée d’attendre et sans grand espoir pour la suite des évènements. Je n’étais pas de caractère aussi chiant normalement, rien d’aussi égoïste et irrespectueux. Mais j’étais rancunière, désireuse de faire à autrui ce qu’on me fait. Comme une obligation pour rééquilibrer ces gens qui font tout pour la parure, qui mentent pour sembler intéressant. Qui triche pour être apprécié, surestimé. Qui porte un masque pour plaire à la société, mais qui ne comprenne pas le principe de l’individu. Mes pas ne me mènent pas bien loin, parce que ça m’intrigue. Que son attitude ne concorde pas vraiment avec ses actions. Que je croyais l’avoir bien cerné, à priori, mais que les résultats me semblent faussés. Je veux savoir, la curiosité me brûle sous l’épiderme.
TARA – « Je suis pas payée du tout, anyway. Eum, t’étais la prof, pas vrai? Celle qui disait apprécier la cause, admirer la force que ça prend pour faire ça… C’était pour quoi tous ces beaux compliments, pour l’image? Dire qu’on va passer faire un tour, comme on dit qu’on va donner aux œuvres de charité, mais on oublie tout ça quand plus personne regarde, ou écoute? C’est pas grave, les sidéens vont crever quand même, qu’on soit là ou pas, right? »
[ C'est so-so, un peu agressif pour un début mais bon, haha. Elle va finir par s'adoucir la petite Tara, t'inquiète pas... (a) ]
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Sujet: Re: Mieux vaut tard que jamais qu'ils disent... | Tara Jeu 17 Mai - 14:20
À priori, elle ne m'a pas reconnue et je ne sais pas pourquoi j'en fus déçue, mais je sentis que ça paraissait ; mes épaules s'étaient légèrement affaissée et mon sourire avait perdu de son rayonnement. Mais je n'allais pas me laisser abattre parce qu'elle ne se souvenait pas de moi, c'était plus que légitime : nous nous étions vues une fois, à l'école, alors que j'étais en tenue de travail ; les cheveux tirés vers l'arrière dans un chignon serré, une jupe droite et un chemisier digne d'une grand-mère, le tout rehaussé par des petits souliers à talons comme ceux que les vieilles dames, justement, portent parce que ça ne leur fait pas mal aux pieds. J'avais aussi l'attitude travail, alors qu'aujourd'hui, je ne ressemblais pas du tout à cette enseignante qui avait promis de passer faire un tour puisque j'étais en jeans avec un très vieux t-shirt qui avait appartenu à mon frère et que j'avais caché sous une veste vert gazon, et dans mes pieds tout sauf des talons : des espadrilles de course. Elle s'approcha quand même de moi et me demanda un peu rudement à mon sens si elle pouvait m'aider. J'ouvris la bouche, mais aucun mots n'en sortit.
Pourquoi est-ce que je paniquais? Mes mains se sont mises à trembler et pour les soustraire de sa vue, je les enfonçai dans les poches de ma veste. Comment est-ce que je pouvais lui dire? Comment commencer? Les mots se bousculaient dans ma tête ; des excuses? l'histoire au complet? des mensonges? mais rien ne voulait sortir. J'ai refermé la bouche après quelques secondes, par peur que si je la gardais ouverte elle pourrait entendre mon coeur tambouriner et faire son chemin jusqu'à ma gorge. Et puis je la vois se redresser un peu et je panique encore plus. Elle va s'en aller! Elle va te tourner le dos, fais quelque chose, dis quelque chose! Déjà, elle fait un pas et l'air blasée, elle rétorque à mon silence forcé qu'elle est pas payée à rien faire. J'ai envie de lui dire qu'elle n'est pas payée du tout, son attitude commence à faire dissiper ma nervosité et à me rogner la patience, mais je ne sais toujours pas comment je fais pour lui dire qui je suis si elle ne me reconnaît pas. Ça y est, elle s'en va, bravo Cath, sérieusement, chapeau! que je me dis à moi-même. Instinctivement, ma main agrippe son poignet en même temps qu'elle se retourne, à croire qu'elle l'avait pressenti. Mais dans son regard, je vois tout sauf de la compréhension, j'y vois plutôt une sorte de colère et d'un coup, comme ça, tout devient clair. Elle m'a reconnue! Peut-être pas au premier regard, mais dans un moment où elle était devant moi, elle m'a reconnue... mais elle n'est pas contente de me revoir, ça c'est certain. Je sais pertinemment pourquoi et c'était aussi la raison principale de mon stress.
Le simple fait qu'elle m'ait reconnue, toutefois, me redonne la parole et j'ouvre la bouche pour lui dire les trois mots qui vont me permettre de lui expliquer : « Je suis désolée... » mais je n'ai pas le temps de les dire que la voila qui parle. Ses mots me font lâcher son poignet et froncer les sourcils, mes lèvres entrouvertes se déformant en une fine ligne tandis que je serre les dents. La colère me vient facilement, surtout quand les gens jugent sans même connaître l'explication. J'ai envie de partir, simplement, et de la laisser se complaire dans son idée que je ne suis qu'une parmi tant d'autres, mais je suis trop orgueilleuse pour laisser quelqu'un penser cela de moi. Cette fois, c'est moi qui fait un pas vers elle. Je n'ai plus la nervosité de tout à l'heure parce que maintenant, mon histoire va lui apprendre une leçon que je pensais qu'elle connaissait déjà, mais après tout, peut-être que moi aussi, je l'avais mal cernée il y a huit mois... Mes épaules avaient regagnées leur droiture et mes mains ne tremblaient presque plus, vestiges d'une nervosité dissipée par une colère soudaine.
« Si tu es pour me donner des valeurs que je ne prône pas, moi aussi je vais faire ça. Pour une fille qui m'a dis, il y a huit mois, que la tolérance, la patience et l'écoute étaient des valeurs-clés pour travailler au centre, qui a dit à mes anciens élèves de six ans que juger les gens sans les connaître les condamnerait à une fermeture d'esprit qui n'est plus bien vue dans la société, je trouve que tu ressemble beaucoup à ce que tu viens de me décrire. Peut-être que moi aussi, je me suis trompée, et que tu n'a ni la maturité ni la gentillesse que je te croyais, peut-être même que tu es tout le contraire... »
Je la regardais droit dans les yeux et je sentais que si mon point ne passait pas, si elle me gardait rancune sans même me laisser m'expliquer, la bataille serait longue. Et pourtant, je savais que j'allais aller jusqu'au bout, que j'allais m'acharner jusqu'à ce qu'elle sache pourquoi ça m'avait pris huit mois avant de venir la voir. Mais que je ne l'avais pas oubliée, pas du tout. Et puis, d'un coup, comme ça, ma colère s'est effondrée et n'est restée qu'un goût amer dans ma bouche. Je lui ai offert un petit sourire avant d'ajouter devant son silence que je n'arrivais pas à déchiffrer :
« Ça se joue à deux, ton petit jeu. C'est moi la prof, ouais. »
J'avais envie de lui dire que je n'étais plus prof. J'avais envie de lui dire que mes bout de chou de six ans me manquaient terriblement. J'avais envie de lui raconter mes déboires depuis huit mois, juste comme ça, juste parce que ça fait du bien des fois de parler, comme ça, de tout ce qui nous est arrivé de mauvais. Ça fait sortir le méchant, comme on dit. Je l'ai regardée encore, j'ai détaillé son visage toujours aussi beau que la première fois. La balle était dans son camp maintenant et j'espérais sincèrement qu'elle comprendrait que tout ce que je veux lui dire est là, que je suis prête, mais que je ne peux pas juste tout déballer comme ça. On appelle pas ça de la gêne ou encore la peur du jugement, on appelle ça l'orgueil. Ce fichu orgueil.
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Sujet: Re: Mieux vaut tard que jamais qu'ils disent... | Tara Dim 27 Mai - 3:27
CATHERINE - « Si tu es pour me donner des valeurs que je ne prône pas, moi aussi je vais faire ça. Pour une fille qui m'a dis, il y a huit mois, que la tolérance, la patience et l'écoute étaient des valeurs-clés pour travailler au centre, qui a dit à mes anciens élèves de six ans que juger les gens sans les connaître les condamnerait à une fermeture d'esprit qui n'est plus bien vue dans la société, je trouve que tu ressemble beaucoup à ce que tu viens de me décrire. Peut-être que moi aussi, je me suis trompée, et que tu n'as ni la maturité ni la gentillesse que je te croyais, peut-être même que tu es tout le contraire... »
Mon poing est serré, ses doigts sont disparus de mon épiderme, mais y laisse une sensation de brûlure. J’ai écouté, j’ai tout entendu. Je devrais même baisser le regard, admettre que j’ai tord, mais j’ai pas envie. Pas envie d’être la coupable ou la mauvaise. Alors je me contente d’un silence de plus, les traits évasifs. Elle ne me connaît pas, une totale inconnue. Mais mes tripes se serrent, parce que je sais qu’il y a quelque chose. Qu’elle a peut-être triché ou abandonné. Puisque après tout, elle n’est pas venue, comme promis. Que des mois ont passé, le temps qui file. J’avais oublié même, incapable d’attendre éternellement pour une « visite ». Mais pourquoi maintenant? Qu’une question, qui me brûle les lèvres, mais qui reste terrée au creux de ma gorge nouée.
CATHERINE - « Ça se joue à deux, ton petit jeu. C'est moi la prof, ouais. »
J’expire bruyamment, l’air s’extirpant de mes poumons avec force. Je sais que j’ai trop réagi, mal réagi. Comme une gamine, justement. Je me passe une main dans les cheveux, abandonne de nouveau mon sac à mes pieds avec lâcheté et marmonne entre mes dents, trois mots qui me sont pénibles à balancer. Une petite honte d’être aussi animal, rancunière. Je détourne le regard, au moment même où ma phrase fait écho entre nous.
TARA – « J’suis désolée… »
Je pointe le comptoir, les bancs démodés qui se dressent derrière la surface de mélamine blanche. Je fais les premiers pas, m’assois pour montrer l’exemple, et jeter le drapeau blanc par la même occasion. Elle se détend, son visage se décrispe et je réalise qu’elle est beaucoup plus belle avec un sourire chaleureux au visage. J’avale ma salive, à retâter mes pensées et mes remarques personnelles sans ordre logique. Mes paumes à plat sur la face plane, j’agite les doigts sans constance. En anticipant la suite; la suite et le passé. J’ouvre la bouche, patiente une seconde, me mordille la lèvre inférieure, et je finis par parler. Comme je le fais si bien, une parole de plus, emplie de curiosité.
TARA – « Tu sais, les gens qui disent qu’ils vont venir, viennent une semaine plus tard, ou jamais. Les échéances sont pas… pas eum, annuelles… Tu, t’es pas vraiment comme les gens normaux, pas vrai? »
Mes sourcils se haussent, à entendre mes dires. Ça sonne stéréotypé, tellement négatif. J’interprète moi-même chacun de mes mots comme un discours stupide, sans ouverture d’esprit. C’est peut-être la surprise, de la voir resurgir, elle et sa personnalité colorée. J’en sais trop rien, ça n’a pas vraiment d’importance, au point où j’en suis. Des gens « normaux », qui rentrent dans le moule de la société préconçu. La classe atypique qui vivait par principe, plutôt que par volonté personnelle. Classe sociale sans intérêt, globalement. Je laisse une seconde s’écouler, et je réplique, pour blanchir les choses. Pour arranger la merde que je lance en l’air.
TARA – « J’voulais pas dire ça comme ça, je… j’suis contente que tu sois venue, en fait.. »
Je bafouille, incapable de trouver les mots pour accompagner mes réflexions. Je suis une handicapée mentale soudainement, incapable d’être, de songer rationnellement. J’appuie mes coudes contre le comptoir, jouant la personne à l’aise, même si mes intérieurs se sentent contractés et je lui offre un sourire en coin. Le visage amical, un sourire un peu niais même. J’ai l’air conne, et j’en ai conscience. Deux choses qui ne se compilent pas bien. Tout en moi hurle le malaise, mais je ne sais pas quoi faire de plus, quoi faire d’autre. Et j’ai peur de l’allure que je lui offre, de toutes les conneries que j’enchaîne alors je détourne le regard vers le fond de la cuisine, à attendre qu’elle dise quelque chose. À quel moment, exactement, est-ce que je suis devenue aussi associable?
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Sujet: Re: Mieux vaut tard que jamais qu'ils disent... | Tara Sam 2 Juin - 19:49
Son soupir me confirme qu'elle a comprit qu'est-ce que je viens de lui dire et je retiens de justesse un sourire de satisfaction parce que je sais à quel point c'est emmerdant de se faire rappeler à l'ordre, et encore plus quand l'autre vous le remets sous le nez tout de suite après. Je me suis dis qu'elle avait déjà fait un effort et même si j'aurais préféré ne pas avoir à la semoncer dès le départ. J'aurais voulu que tout se passe comme je le voulais, mais évidemment, c'était sans compter que je ne connaissais rien de Tara et que j'ignorais complètement comment elle pouvait réagir. Mais dans ma tête, j'avais une fin que j'étais bien décidée à obtenir. Et pour le moment, j'étais bien amorcée, après un départ en dérapage. Elle alla même jusqu'à me dire qu'elle était désolée et aussitôt, tout fut oublié, parce que non seulement elle avait reconnu qu'elle avait eu tord, mais en plus, elle s'en était excusée, et pour moi, c'était suffisant pour laisser tomber ma colère. Un grand sourire chaleureux naît sur mes lèvres quand je la vois pointer les bancs près du comptoir. Je la suis pas trop loin en faisant tout pour être subtile tout en la détaillant de derrière. Je sens qu'elle veut me dire quelque chose, que sa curiosité est aussi grande que la patience qu'elle a démontré envers mes anciens élèves huit mois plus tôt, alors je croise simplement les jambes, la tête légèrement penchée et les mains entrelacées et posées sur mon genou. J'attends.
Je n'attends pas très longtemps car elle ouvre la bouche et après une seconde, comme si elle cherchait comment aborder cela, elle me dit ce que j'avais anticipé. J'ai envie de rigoler parce que même si je comprends ce qu'elle veut dire, sa façon de le faire pourrait porter à confusion. Je cherche les bons mots pour lui expliquer que non, je ne suis pas du tout comme tout le monde, que je tiens mes promesses peu importe le temps qui s'écoule. Je veux m'excuser de ne pas avoir donné signe de vie, je veux lui expliquer pourquoi je n'ai pas pu. Mais je reste silencieuse, avec simplement mon beau sourire aux lèvres, parce que les mots se bousculent dans mon esprit et que je sais que si j'ouvre la bouche, ça va sortir croche et que je vais devoir répéter. Mais pendant que j'essaie de mettre de l'ordre dans mes idées, de trouver un début et une fin à ce que je veux lui dire, je pense qu'elle a mal interprété mon silence. J'ai cette impression parce qu'à peine quelques secondes après avoir sorti sa question, elle se justifie et s'explique avec maladresse. Juste à ce moment, j'ai envie de la serrer dans mes bras, parce qu'elle a l'air adorable, elle regarde partout sauf moi et elle semble chercher des mots qui ne sont pas nécessaire. Il y a un petit silence qui s'installe et cette fois, c'est moi qui le brise.
« J'aurais probablement dû passer plus tôt, ou juste oublier ce que je t'avais dis, on n'en serait pas là à se tâter et à se jauger, et à avoir l'air un peu connes. Mais c'est que des... évènements hors de mon contrôle ― je ne pus retenir une exclamation de dédain au choix de mes mots ― sont survenus dans la même semaine. Je vais mieux depuis peu de temps, et comme j'aime pas laisser les choses non terminées, j'ai décidé que c'était aujourd'hui que je venais. Huit mois plus tard, je sais... »
C'était mon tour de regarder partout sauf Tara et je me suis soudainement sentie très stupide. Est-ce qu'elle avait vraiment besoin de savoir tout ça? Probablement qu'elle se disait que j'Avais l'air pas mal folle de parler comme ça. J'ai donc pris une grande inspiration et je me suis jetée à l'eau, les yeux fermés, comme si en faisant cela, si la situation dérapait, j'allais pouvoir les rouvrir et qu'elle soit disparue. Je sais, c'était enfantin comme manière de penser, mais je n'y pouvais rien. J'ai donc ouvert la bouche encore une fois, à peine quelques secondes après avoir parlé et je lui ai lancé tout de go :
« En fait, deux jours après ta visite mon directeur m'a renvoyé parce que j'aime les femmes. Ça fait huit mois que je n'enseigne plus, ça m'a mise à terre et je me relève à peine. J'ai changé de travail et je n'ai plus eu de contact avec mes petits élèves depuis, j'ai aucun idée de ce qu'ils deviennent et ça me tue. Voila, c'est pas mal la raison pourquoi je ne suis pas venue plus tôt. »
Je me sentais encore plus stupide qu'il y a une minute et je me suis pris la tête entre les mains. Mon coeur était à son apogée rythmique et je le sentais vibrer jusque dans ma gorge. Même après huit mois, dire à voix haute ce qui m'était arrivé m'était difficile et j'ai inspiré et expiré quelques fois avant de lâcher un petit rire sec et d'ajouter :
« Tu dois vraiment te dire que j'ai l'air pas mal folle en ce moment, hein? Mais voila, je t'avais fais une promesse, et je ne pouvais pas rester avec l'idée que je ne l'avais pas honorée, ou au moins que je ne m'étais pas excusée de ne pas l'avoir tenue... enfin pas vraiment. »
J'ai couvert mon visage de mes mains en expirant bruyamment, je me sentais vraiment ridicule. J'ai roulé des yeux en me traitant de tous les noms possible mentalement. J'ai entrouvert mes doigts et à travers ceux-ci j'ai regardé Tara avec un petit sourire désolé. Au moins, elle était encore assise-là, c'était déjà ça. Après pour combien de temps elle allait le rester, c'était autre chose.
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Sujet: Re: Mieux vaut tard que jamais qu'ils disent... | Tara Sam 16 Juin - 1:28
CATHERINE - « J'aurais probablement dû passer plus tôt, ou juste oublier ce que je t'avais dis, on n'en serait pas là à se tâter et à se jauger, et à avoir l'air un peu connes. Mais c'est que des... évènements hors de mon contrôle… sont survenus dans la même semaine. Je vais mieux depuis peu de temps, et comme j'aime pas laisser les choses non terminées, j'ai décidé que c'était aujourd'hui que je venais. Huit mois plus tard, je sais... »
Je comprends rien, nada. Que des mots qui s’enchaînent mais qui n’ont pas de conclusion. Et je pourrais approuver avec un simple « d’accord » compatissant, mais je n’en fais rien. Parce que la curiosité prime sur le respect de son jardin secret. Mon regard se perd sur le motif aléatoire du comptoir, sur l’ombre de mes cheveux qui y dansent sans un son. Je ne sais pas si j’en apprendrai plus, ou si mon incompréhension me tiraillera encore. Ce n’est pas ma décision, pas mon histoire, pas mes explications. J’inspire silencieusement, la tête remplie d’hypothèses. Huit mois, c’est long. Une éternité pour une partie des sidéens ici. Je serre la mâchoire, et oublie mes pensées frénétiques et inutiles. J’affronte son regard un instant, à constater sa peine, sa haine. L’étrange mélange de nostalgie et d’amertume qui habite son être, son intérieur fracassé.
CATHERINE - « En fait, deux jours après ta visite mon directeur m'a renvoyé parce que j'aime les femmes. Ça fait huit mois que je n'enseigne plus, ça m'a mise à terre et je me relève à peine. J'ai changé de travail et je n'ai plus eu de contact avec mes petits élèves depuis, j'ai aucun idée de ce qu'ils deviennent et ça me tue. Voila, c'est pas mal la raison pourquoi je ne suis pas venue plus tôt. »
L’étonnement. Comme ça, sans avoir besoin d’ouvrir les lèvres, mon visage trop expressif parle pour moi. Un frisson glisse furtivement contre mon épiderme, froideur bousculée par la vérité. Sur elle, sur le monde. Un trop gros pourcentage de cons, qui produisent le malheur pour croire en leur propre bonheur. Une masse de gens très bien aussi, mais qui ne font rien. Une crampe éphémère qui me transperce les tripes. Je n'avais pas deviné, pas lu son être. L'inefficacité de mon aptitude à cerner les gens me fait grincer les dents. Et pendant une seconde au moins, je fixe son regard, pour valider, ou assimiler. L'aube d'un sourire coincé aux coins des lèvres. Et pourtant, à repenser à son petit drame, à ce scénario discriminatoire, j’ai envie de hurler, de lever les poings à ces côtés pour m'inclure dans son combat. Mais il n’y a qu’un vide entre ses phrases, alors que mes intérieurs fulminent et crient de rage.
CATHERINE - « Tu dois vraiment te dire que j'ai l'air pas mal folle en ce moment, hein? Mais voila, je t'avais fais une promesse, et je ne pouvais pas rester avec l'idée que je ne l'avais pas honorée, ou au moins que je ne m'étais pas excusée de ne pas l'avoir tenue... enfin pas vraiment. » TARA – Lui, il a l’air fou. Ton directeur.. T’as porté plainte?
Je serre les poings, toujours posés contre la surface défraîchie. Je réagis trop bien pour ce qui palpite en-dedans. Sous l’aspect désinvolte et posé de mes remarques. J’ai pris ce combat trop à cœur déjà. Un marteau qui tambourine mes tympans, l’écho de mes battements de cœur; déchainé dans son coin. Je replace mes cheveux derrière mon oreille, les mains moites de sueur. Le monde me fait suer. L’homophobie, c’est la base des préjugés d’ici. Le sida, cette maladie qui ne touche que les gays. Petit nuage qu’on quitte trop facilement en sachant la vérité. Je me souviens de son malaise, et j’abandonne ma grande cause. J’hésite, à poursuivre le sujet délicat, ou me porter radicalement vers une porte de sortie, quelque chose de simple.
TARA –Il l’a su comment? Si c’est pas trop indiscret…
C’était indiscret. C’était lourd et pas de mes affaires. J’ai l’impression d’être fiévreuse, les joues probablement rosies de honte. Je hoche la tête de droite à gauche, sans arrêt. La rapidité de mes mots, en contraste à la lenteur de mes réflexions. J’abandonne mon petit tabouret, agrippant d’une main agacée mon coude, les ongles glissant contre ma chair pour me ramener sur terre. Debout de nouveau, j’essaie d’effacer mes antécédents merdiques. J’ai envie de sourire, pour croire à mon rétablissement, à cette phrase que j’articule lentement. À réfléchir sur chaque mot, sur chaque ponctuation, chaque intonation. Ce commentaire qui aurait dû suivre, remplaçant ce questionnaire abrupte et direct.
TARA – Oublie… tu veux visiter la place? Pas que ce soit tant pertinent, mais j’peux te faire faire une petite tournée des lieux si tu veux...
[ Duh, toute cette attente pour que j'te fasse cette merde, haha, je me désespère... M'enfin, dis-toi que ça pourra pas être pire la prochaine fois.. (a) ]
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Sujet: Re: Mieux vaut tard que jamais qu'ils disent... | Tara
Mieux vaut tard que jamais qu'ils disent... | Tara