Sujet: BILLIE&TARA - « the funeral » Ven 8 Juin - 3:17
BILLE&TARA
Des vêtements noirs sur ma peau blanche. Le soleil brille dehors, et ça sonne faux. J’ai la gorge nouée et des cernes sous les yeux. Je ne réalise pas tous les évènements qui s’additionnent dans mon drame personnel. Je relève les yeux contre un miroir au reflet trompeur. J’ai l’air si naturel, un maquillage sans étincelle pour camoufler toute la merde qui est tombé du ciel contre ma petite personne minable. Et chaque seconde à retâter le passé et l’amplitude de mes petites misères, je pense à Billie. Parce que sa vie est pire que la mienne. Partiellement par sa faute, avec un destin cruel en addition. À chaque élan de frustration se mélange un brin de pitié. Je suis là, au milieu de mes émotions irrationnelles, des roses blanches au creux des mains et un haine sans limite contre la vie. Contre la mort aussi.
Reaver. J’avais jamais pris la peine de le connaître. J’en savais déjà tellement sur lui, par l’intermédiaire de Billie et de tout ce qu’elle ne me cachait pas. Je me détourne, fixe l’heure un moment. Le choix d’y aller ne m’appartient pas. Ma place est là-bas, un point c’est tout. Le trajet est monotone, un bitume gris et aride. L’automatisme des clignotants et des rotations de volants. J’arrive au salon funéraire, des voitures parmi les corbillards. J’ai déjà mal au cœur, les fleurs pressées entre mes mains. J’inspire bruyamment, observe les environs. Pour trouver une raison de fuir, qui ne contrebalancera jamais mon obligation d’être ici. Un clocher au loin, une église fièrement dressée. La honte d’une religion si haineuse et stricte se forme contre mon visage et mes lèvres entrouvertes échappent un souffle hasardeux. « Si t’existe Dieu, t’es probablement le pire trou d’cul du monde. »
Je me passe les mains au visage, pour sortir de la noirceur de mes réflexions. L’entrée s’approche de moi, je me rends compte que je marche, un pied devant l’autre jusqu’à cette porte sur ce monde misérable. À l’intérieur, l’atmosphère est plus pesante, les sourires absents. Je glisse mon bouquet avec les milliers d’autres. Qu’une bonne intention qui ne sert à rien. Pas vraiment une tradition qui fait du sens. Je croise mes mains devant moi, les doigts nerveux avant même de croiser son regard. Petite silhouette frêle qui s’efforce avec épuisement à ne pas tomber. À survivre dans cette vie qui ne fait pas de sens, pas de logique. Je crois qu’elle me voit, quelque part derrière les larmes qu’elle retient si mal. J’approche, sans savoir quoi dire, sans savoir quoi faire. Être là pour Reaver. Et pour la Billie qui a perdu Reaver. Simplement.
TARA – « Hey… tu t’en sors? »
C’est un souffle. Une question rhétorique, parce que je n’attends pas vraiment de réponses. Je voudrais la serrer dans mes bras, mais le contact m’est si pénible. La vague impression que la toucher, la plongerait dans le chaos du réel. Détruirait la muraille si faible qui tient tête. Je regarde partout, un tour d’horizon. Partout sauf ce cercueil qui git au fond de la pièce. Noir laqué, couleur thématique des lieux. Mes sens me semblent décuplés, ma voix rouillée sonne trop fort à mes oreilles éméchées. Mes idées se tracent un chemin jusqu’à ma gorge. Un mot à la fois, comme une victoire d’articuler avec aussi peu de salive en bouche.
Les « désolés » ne ramèneront pas Reaver. Ma phrase s’étale sans fin. On replonge dans un silence qui n’est pas parfait. Des murmures agressants qui palpitent derrière nous. Je sais que je ne devrais pas. La voix dans ma tête hurle des « Pense à Reaver, pense à Reaver ». Mais ça ne fait pas de sens. « Pourquoi » est le seul mot qui revient entre mes deux oreilles. Je lève les yeux sur Billie, contre son regard à moitié vide, l’esprit probablement lointain, dans les vapes d’un autre monde. Je sens l’émotion grimper en moi, Je voudrais pleurer, et laisser les sentiments s’étendre contre mes joues, au travers de larmes brûlantes. Mais j’ai une question, l’impatience de savoir, de comprendre. Peut-être pour tirer un trait sur une chose. Pas sur Billie et mon père. Pas sur ses choix de vie et les conséquences qu’elle n’assume pas. Tirer un trait sur notre amitié si peu convaincante – emplie de mensonges. Bien avant cette histoire avec Adam, une omission qui me gruge le cœur, maladivement.
TARA – « Pourquoi tu m’as rien dit, Billie? »
Dernière édition par Tara O. Matthews le Sam 28 Juil - 23:57, édité 2 fois
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Sujet: Re: BILLIE&TARA - « the funeral » Lun 11 Juin - 18:51
Je ne suis pas croyante. Aussi loin que je m'en souvienne je ne l'ai jamais été. Peut être parce que l'Eglise est contre l'homosexualité et que mes parents étaient gay. Je ne saisissais pas que l'on puisse être contre mes parents. Peut être parce que mes parents sont morts. Peut être parce que j'en ai trop vu, trop souffert, et que Dieu, peut importe lequel, peut importe sa langue maternel, sa couleur de peau, ou son nom, est le plus gros des connards, et qu'il devrait avoir honte de lui. Je ne suis pas croyante. Je ne l'ai jamais été. Reaver non plus je crois. La religion ne lui allait pas de toute façon. Pourquoi faire tout ça ? La cérémonie, la mise en terre. Ca ne rendrait pas ça plus acceptable. Je ne dormirais pas mieux la nuit. Maintenant que je sais que je ne serais plus jamais dans ses bras.
Mais si Billie n'y allait pas... Qui irait ? Elle était sa famille depuis longtemps. Depuis qu'elle l'avait rencontré sur la plage et qu'ils étaient resté là en silence à regarder l'océan. Depuis qu'il avait pour la première fois posé ses lèvres sur les siennes. Depuis qu'il lui avait passé la bague au doigts. Depuis qu'elle lui avait promis qu'un jour elle porterait une robe blanche et qu'elle serait à lui pour toujours. Elle avait été tout pour lui. Et elle l'avait déjà trahis une fois. Elle ne pouvait pas l'abandonner une deuxième fois non ? Mais après tout, peut être ne voulait-il pas la voir là bas... S'il était encore capable de vouloir quelque chose. La mort ne signifiait rien pour Billie. Elle ne parvenait pas à mettre d'image, et avait parfois du mal à y mettre des larmes. Pourtant aujourd'hui elle était habituée. Elle allait plus souvent à des enterrements qu'à des mariages... C'était ridicule d'ailleurs. Elle ne savait pas s'il y avait quelque chose là haut, ou si les âmes s'évaporait tout simplement et disparaissait complètement. Pour elle ça ne changeait pas grand chose. Elle ne ressentait plus rien, et leur perte lui laissait un trou béant qu'elle ne parviendrait peut être jamais à reboucher.
Elle avait finit par tirer une longue robe de son placard. La robe lui allait à merveille et glissait parfaitement sur ses formes. La couleur noir contrastait trop avec sa peau blafarde qu'aucune couleur ne venait marquer. Elle ne portait aucun bijou si ce n'est la bague de fiançailles que lui avait offert Reaver et qu'elle ne lâchait plus. Elle se maquilla seulement pour dissimuler les traits de fatigue, et laissa ses cheveux descendre sur ses épaules. Elle enfila une paire de talon et sortie. Elle avait beau être habillée en noir elle avait une allure fantomatique. Peut être était-ce à cause de la blancheur de sa peau, ou alors parce qu'elle avait maigris, et qu'elle avait l'un d'un brindille que l'on pourrait aisément briser ?
Elle marchait trop lentement. Le regard hagard et vide. La poitrine trop lourde. Il la haïssait. Peut être autant qu'il l'aimait. Mais tout de même. Le verbe haïr se faisait bien plus violent et douloureux que le verbe aimer. Comme un poignard qui déchirait son coeur en fin lambeau. Elle n'avait envie de voir personne et savait pourtant que tous les gens allait affluer vers elle. Peut être qu'elle n'avait pas la force de faire ça.
TARA – « Hey… tu t’en sors? »
Billie se retourne lentement vers la voix en question. On pourrait presque croire que l'on est dans un filme au ralentit. Elle agit tellement lentement qu'on s'attendrait presque à la voir tomber à chaque geste. Elle relève les yeux vers Tara et la fixe muette. Honnêtement elle pourrait mentir. Dire que tout vas bien. Elle ne vacillerait pas en le disant, et ces quelques mots sortiraient presque naturellement. Mais il n'en serait pas plus crédible. Comment peut on réellement s'en sortir après avoir perdu son fiancé ? Avec perdu l'homme avec qui l'on était depuis neuf ans. Celui qui devait nous suivre toute notre vie. Comment pouvait-on s'en sortir alors que l'on est rongé par la culpabilité et le remord ? Mais ça Tara ne pouvait pas le savoir... Elle ne savait pas la moitié de l'histoire. Et vu comment elle avait réagit à Adam, elle avait compris que c'était peut être pour le mieux qu'elle ne sache rien. Peut être que Tara était trop droite pour comprendre Billie. Ou alors c'était Billie qui était bien trop tordue pour ête comprise par Tara... Peut importe.
Billie n'avait pas lâché Tara du regard. Elle avait bonne allure. Le noir la rendait sublime. Elle avait l'air bien. Enfin si on enlevait le désordre sentimental qu'elle avait l'air de ressentir. C'était mal à elle de la fixée de la sorte. Surtout qu'elle avait un regard perdu. Un regard qui se faisait probablement transperçant et qui ne cherchait même pas à capter le regard de son amie. Si elle pouvait toujours l'appeler comme ça. Elle n'était pas apte à croiser le regard de quelqu'un de toute façon. Si elle croisait les pupilles d'un autre elle aurait l'impression d'étaler son désespoir... Et elle n'en avait aucune envie.
TARA – « Pourquoi tu m’as rien dit, Billie? »
Soudainement le visage de Billie se marqua d'incompréhension. Rien dit à propos de quoi ? De Reaver ? Qu'est ce qu'elle aurait bien pu dire. Ce n'était pas réellement le genre de chose que l'on avait envie de crier sur les toits. Ni même le genre de chose dont on voulait parler tout cours. Si elle avait pu Billie se serait murer dans un silence sans fin. Elle aurait tout laissé intact. Peut être que ça aurait été pure folie. Mais elle aurait pu vivre dans l'illusion qu'il était toujours là. Qu'il ne voulait plus la voir mais que peut être un jour il reviendrait. Au moins elle aurait eu un infime espoir. Même illusoire et ridiculement fou. Elle aurait plus que ce vide débile. Le même vide froid qui habitait désormais le studio de Reaver qu'elle avait du vider. Parce qu'il y avait encore son nom sur le bail.
BILLIE – « Qu'est ce que ça aurait changé ? M'aurais-tu moins haïs si tu avais su ? Et ça ne faisait qu'une semaine. Je ne l'avais encore jamais dis à voix haute... »
Elle ne pouvait pas lui en vouloir pour ça. Et de toute façon elle ne lui devait rien. Elle ne s'était rien juré. Et d'ailleurs de toutes les choses que Tara pourrait bien vouloir reprocher à Billie, celle là devait clairement être particulièrement loin sur la liste. Elle finit par baisser les yeux puis par les reporter sur l'assemblé. L'avantage c'est que la présence de Tara avait l'air d'éloigner les autres.
BILLIE – «Ce qui n'est pas dis est moins réel non ?»
Enfin c'est comme ça qu'elle l'avait ressentit en tout cas. Ne pas lui dire lui évitait d'y penser trop. Ne pas y penser rendait ça moins réel à ces yeux. Et elle se sentait moins mal. Mais c'était bien vain comme stratégie... On se réveille de tous les rêves..
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Sujet: Re: BILLIE&TARA - « the funeral » Dim 8 Juil - 17:32
BILLIE – « Qu'est ce que ça aurait changé ? M'aurais-tu moins haïs si tu avais su ? Et ça ne faisait qu'une semaine. Je ne l'avais encore jamais dis à voix haute... »
Je baisse les yeux, perdue entre la honte et le doute. Quoi dire, quoi faire; que des interrogations qui n’ont pas de réponses fatidiques. Le mode d’emploi n’existe pas. J’entrecroise mes doigts sur mes mains moites de malaise. Je me sens mal, mal d’être ici, mal d’être avec Billie, mal d’être moi. Je l’observe, elle et son regard vide. Un fantôme qui erre sans objectif derrière ses pupilles dilatées et épuisées. Je devrais répondre, mais mes mots me dévorent de l’intérieur, la gorge obstruée par ma folie. Mes épaules s’haussent sans un son; parler sans rien dire. Mais parler, tout de même. Billie reparle, elle - brise le silence qui m’étourdit, le silence qui me rend agressive. Comme si rester indifférente dans une masse de gens inertes me paniquait.
BILLIE – « Ce qui n'est pas dis est moins réel non ? » TARA – « J’en sais rien… J’ai encore l’impression que j’vais me réveiller, tu sais… »
Ma voix palpite, agonise sur certains mots qui se perdent dans l’ensemble. Je tourne la tête, vers les gens. Vers l’irréalisme des choses, que des visages qui concordent en émotions. Qui n’ose plus vivre, parce qu’ils savent que Billie se meurt. Je la sens exténuée, les muscles raidis, mais le corps tremblant de fatigue. Son regard se perd sur un couple qui s’avance avec détermination. Vers nous – pas vers moi directement, vers la jeune Sallinger, évidemment -. Je ne sais pas si j’ai le droit. Je serre les dents, à m’en casser la mâchoire. J’agrippe sa main. Sans réfléchir, parce que les réflexions, ça ne mène nul part, que des doutes qui nous clouent sur place. Ses doigts sont froids, glacés, morts. J’ai mal pour elle, avec elle. Je l’entraîne loin d’eux – de ces gens qui sont là par principe. Qui s’efforcent de trouver une heure de leur journée pour elle, pour Reaver. Qui prennent le temps maintenant, quand il est trop tard. Qui n’étaient jamais là, de leur vivant, mais qui viennent maintenant. Je les tuerais. Mais je ne serais pas mieux, qu’un malaise de plus qui s’empilerait sur mon cœur meurtri.
Elle me suit, sans rien dire, sans oser parler. Peut-être qu’elle veut fuir. Nos corps pressés se retrouvent dans un recoin de la pièce, perdue au travers des tables dressées, des bouquets de fleurs empilés. Je glisse sous la table, à l’ombre de leur regard. Protégées par une nappe qui frôle le sol neutre. Je replie mes jambes contre moi, le dos appuyé sur le mur fièrement dressé derrière la table. Billie m’accompagne, fidèle amie qui attend la suite. J’ai tant de choses à dire, tant de phrases à expulser de mon être. Mes mains frôlent le tapis, rapidement. À m’en brûler l’épiderme. Ma bouche s’entrouvre, le regard abandonné sur des pieds qui défilent devant nous. Sous le rideau sobre qui tremble dans l’air ambiant.
TARA – « Je sais que j’ai dit des choses, et je les pensais. Sur le moment, je les pensais tellement, Billie. Et, et y’a une partie de moi qui te détestait pour ça. Mais même en voulant. Même en voulant te détester de tout mon être j’y arrive pas. Et c’était encore pire, de pas pouvoir te haïr pour tout ce que t’as fait. Je me méprisais de ne pas pouvoir t’en vouloir. J’sais qu’on est pas dans notre meilleur moment, que la gloire de notre amitié est derrière nous. Mais la solidité de notre amitié est devant nous, Billie. Je… J’ai aucune idée à quel point, on va surpasser tout ça, à quel point la confiance va revenir... »
Je murmure, par obligation. Dans notre cachette secrète, loin du regard des autres, de leurs oreilles irrespectueuses qui écoutent malgré eux. Qu’un souffle qui s’étend jusqu’à elle. De nouveau cette envie de la prendre dans mes bras, de la tenir en un seul morceau. De solidifier ce qui s’effondre en elle. Je m’ose à croiser son regard, ses yeux humides qui jouent le jeu encore, même dans cet endroit reclus. Même avec moi. Je me mordille la lèvre inférieure, un sanglot étouffé au creux de ma gorge. J’enroule mes bras autour de son cou, et je serre fort. Trop fort. Tu vois, comment je tiens à toi? C’est débile, j’aurais voulu qu’elle meurt, il y a une semaine. J’ai souhaité son désastre, pour la merde qu’elle m’obligeait à vivre. L’impulsion qui m’avait grugé depuis. Je terre mon menton contre son épaule qui tremblottent fébrilement. Peut-être qu’elle pleure, j’ai pas envie de décrocher pour m’en rendre compte. Alors je reste pendu à son cou, à l’étreindre sans attendre rien de plus. Je laisse échapper une dernière phrase avant d’endurer le silence. Avant d’accepter que les mots ne changeront rien, pas maintenant, pas comme ça. Qu’une dernière remarque qui glisse doucement, qui ne tremble pas sous ma voix rouillée. Une dernière parole tellement stable, que personne n’en douterait.
TARA – « J’sais pas comment faire. Mais je suis là. »
Dernière édition par Tara O. Matthews le Sam 28 Juil - 23:56, édité 2 fois
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Sujet: Re: BILLIE&TARA - « the funeral » Sam 14 Juil - 13:23
Mort sur le coup. Mort. Je crie l'atroce réalité de cette vie de merde qui donne, et qui reprend. Je crie ce qu'on a vécu, ce qu'on aurait pu vivre encore. Je crie ce qu'il est. Était. Ce qu'il aurait pu devenir. Je crie ma détresse, ma douleur, mon amour, mon amour, mon amour...
Ses membres étaient engourdis, son cerveau anéantit, son coeur lourd et douloureux. Elle n'était pas sûr de pouvoir y arriver. Un instant au loin elle capta le regard d'Aidan. Elle voulu s'y accrocher, l'embrasser, et le garder avec elle. Mais son regard la brulait. Il peinait à retenir ses larmes. Il souffrait pour elle, et elle n'arrivait pas à l'accepter. Le pire était encore la culpabilité dans son regard. Cette culpabilité qui faisait bouillir la sienne. Elle allait se faire ronger vivante si ça continuait. Mais le pire ce n'était peut être pas le regard des autres. Mais le sien. Un regard désarmant de sécheresse, vide de toute vie. Elle n'était plus. Ses plaintes se perdait dans un ailleurs plein de solitude. Un ailleurs ou ses os craquaient un à un sous le poids de la culpabilité. Un ailleurs ou l'amour et la haine faisait de sa chair des lambeaux. Des lambeaux de nous. Billie voulait fermer les yeux, disparaître pour de bon. S'effacer dans un silence royal. Pas dans ce brouhaha de chuchotement indécent qui l'entourait.
TARA – « J’en sais rien… J’ai encore l’impression que j’vais me réveiller, tu sais… »
Ah ce réveil qui changerait tout. Qui nous amènerait paix et félicité. Qui ne l'avait jamais connu, jamais ressentit ? Lors de ses maigres heures de sommeil sans cauchemars Billie mettait facilement une demi heure à émerger parfaitement, à le chercher, à l'appeler, avec un calme trop serein qui se brise dans une détresse immense quand enfin elle se réveil et se rend compte que tout ça n'était qu'un rêve. Qu'il ne reviendra pas. A ce moment elle voudrait s'effondrer, la tête dans ses genoux et pleurer à chaude larme, réveiller Savannah de ses larmes pour qu'elle vienne la prendre dans ses bras. Mais rien ne venait. Elle s'évanouissait presque de fatigue sur le lit, et elle resta là fixant le plafond, coupant sa respiration, espérant que la douleur disparaisse Que tout s'arrête enfin. Et puis elle descendait la main sur son ventre. Elle fermait un instant les yeux, avalait difficilement sa salive, dans laquelle restait bloquer toutes ses larmes, et respirait à nouveau. Elle s'efforçait de reprendre courage. De se lever. De vivre. Pour ce qu'ils étaient. Pour ce qu'ils ne seront plus. Pour ce qu'ils auraient pu être. Et pour ce qui en découlera.
BILLIE – « Parfois je rêve qu'il est vivant. Je finis par me réveiller. Parce qu'à ce moment c'est moi qui ne suis plus là. »
Comme si même en rêve elle ne parvenait pas à le retrouver. Qu'ils s'étaient perdu il y a bien longtemps, et que même les sphères les plus profondes de son inconscient ne parvenait plus à les rassembler. Il fallait dire que Reaver avait déjà vécu la mort de Billie. Ils l'avaient vécu tous les deux, ils en avaient souffert inutilement. Encore une chose dont elle pouvait se blâmer. Elle avait détruit leur dernière année ensemble pour des chimères.
BILLIE – «Je ne sais pas ce qui est le mieux... »
Lui ou elle. Au fond elle ne saura jamais la réponse. Au fond personne ne se permettra de lui répondre. Au fond elle n'a pas le choix de toute façon. C'était comme choisir entre sa douleur à elle, ou la sienne à lui. Peut être que des deux elle méritait le plus de souffrir, et qu'il était mieux là ou il était. D'un coté il l'avait déjà perdu une fois. Il la haïssait. La perdre une deuxième fois ne serait pas si dramatique. Mais on ne revenait pas à la vie. Ce n'était pas la peine de négocier.
Soudainement la main de Tara qu'elle avait presque oublié, perdu dans sa souffrance, l'agrippe et la tire loin de tout le monde. Elle est tellement égoïste. Obnubilée par sa propre douleur, son propre vide, elle ne se soucie guère du vide qu'elle peut créer chez les autres. Mais bon elle n'est plus à un sentiment coupable près. Elle se laisse entrainer et échappe à la pression de la foule faussement silencieuse tapis au loin pour l'observer. Elle ne saisit pas bien quand Tara se glisse sous la table. Mais elle ne se pose plus vraiment de question. Elle voulait disparaître, voilà peut être la solution. Elle se laisse tomber sans bruit sur le sol, comme si elle ne pesait plus rien, et glisse auprès de Tara, disparaissant sous la nappe blanche. Elle enserre ses genoux contre elle de ses bras tremblant et pose son menton sur ses genoux, le regard perdu dans la blancheur trop pure de la nappe. Elle n'ose pas vraiment regarder Tara. Elle n'ose pas vraiment parler non plus. Finalement la chaleur de la jeune femme à coté d'elle l'apaise. Même si cette dernière à tous les droits de la détester.
TARA – «Je sais que j’ai dit des choses, et je les pensais. Sur le moment, je les pensais tellement, Billie. Et, et y’a une partie de moi qui te détestait pour ça. Mais même en voulant. Même en voulant te détester de tout mon être j’y arrive pas. Et c’était encore pire, de pas pouvoir te haïr pour tout ce que t’as fait. Je me méprisais de ne pas pouvoir t’en vouloir. J’sais qu’on est pas dans notre meilleur moment, que la gloire de notre amitié est derrière nous. Mais la solidité de notre amitié est devant nous, Billie. Je… J’ai aucune idée à quel point, on va surpasser tout ça, à quel point la confiance va revenir... »
Billie ne broncha pas. Elle écouta dans un silence religieux. Elle savait. Elle l'avait sentit, ressentit. Elle le sentait toujours. Sauf que peut être qu'elle ne se pardonnerait jamais, elle. Elle voulu sourire légèrement. Mais rien ne venait. Elle était trop sombre pour avoir encore ce genre d'expression sur le visage. Elle avait parfois l'impression d'être l'une de ces femmes botoxées incapable de mouvoir un seul muscle de leur visage, ainsi réduit à une unique expression parfaitement vide de sens. Elle voulait lui dire que c'était bon. Qu'elle faisait ce qu'elle voulait. Qu'elle aussi se haïssait. Qu'on pouvait y aller. Elle était déjà dans le fond. On ne risquait plus de l'achever. Mais ça sonnait mal. Trop défaitiste, trop suicidaire. Elle aurait l'impression de se plaindre, de chercher le réconfort. Et ce n'était pas ce qu'elle voulait. Elle allait bien. Elle allait aller bien. Un jour elle irait bien. D'ici là, elle ferait semblant. Face à elle même, face aux autres aussi. Sans distinction. Sans ça elle succomberait.
Soudainement les bras de Tara s'agrippèrent autours de son coup. Son coeur se souleva dans sa poitrine. L'air afflua brutalement jusqu'à ses poumons. Elle resta un instant les bras ballant, incapable de réagir, le cerveau surchargé d'oxygène. Pourtant elle finit par agripper Tara de ses bras trop faible pour la maintenir contre elle. Tara dans ses bras lui faisait office d'une bouée de sauvetage. La chaleur du corps de la demoiselle éveillait subitement le corps glaciale de Billie. Tara lui avait manqué. Tara avait cette pureté douloureuse, cet air enfantin trop mature, cette force fragile que Billie admirait tant. Tara était l'un de ses premiers coup de foudre amical, un de ceux qu'elle ne voulait plus lâcher.
TARA – « J’sais pas comment faire. Mais je suis là.»
Billie n'avait pas de réponse pour l'aiguiller. Elle qui pensait que c'était à elle de s'en sortir tout seul, elle appréciait désormais plus que tout la présence de Tara. Peut être parce que Tara composait aujourd'hui surtout avec la douleur de Billie. C'était égoïste de l'autorisé à partager ce qu'il lui revenait de droit à elle. Toujours serrant Tara contre elle, Billie finit par entreouvrir les lèvres. Pour dire la vérité cette fois-ci. Une vérité qu'elle lui devait. Si elle voulait sa confiance.
BILLIE – «Je suis enceinte Tara. »
Tara était la première personne à qui elle le disait. D'un coté elle était aussi la première à qui elle avait dit à voix haute pour Reaver. Elle était la première. Au début Billie n'osa pas se décaler pour voir la réaction de son amie. Elle avait peur de voir de la fureur, et la même haine qu'elle avait vu l'autre jour. Mais elle finit par s'écarter un peu et par croiser le regard sombre de son amie. Son visage était fermée, marquant un léger sentiment de crainte qui ne tarderait pas à se transformer en affolement pur et dur.
BILLIE – «Depuis trois mois... C'est pour ça... L'autre jour... Je ne savais pas. »
Elle c'était sentit obligé d'explicité ces actes. De peur que Tara comprenne la mauvaise chose. Qu'elle embarque son père la dedans. Quoiqu'au fond même s'il n'avait rien à voir... Elle l'embarquait quand même. Qu'elle conne. Elle voulait disparaître à nouveau. Se soustraire du regard perdu de Tara.
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Sujet: Re: BILLIE&TARA - « the funeral » Sam 28 Juil - 23:51
BILLIE – « Parfois je rêve qu'il est vivant. Je finis par me réveiller. Parce qu'à ce moment c'est moi qui ne suis plus là. Je ne sais pas ce qui est le mieux... » TARA – « Je sais que y’a rien de « mieux », que, que c’est le bordel du désespoir. Mais j’crois qu’il faut… Que tu te souviennes de lui pour ce qu’il a été, et pas pour ce qu’il ne sera plus. »
J’ai envie de vomir les pensées trop parfaites que je construis devant elle, devant son état miteux. Mais je ne peux pas, ne rien dire. Parce que c’est le silence qui nous plonge dans nos pensées sordides et suicidaires. J’ai envie de l’éloigner de ce monde de fous, qui pleure aujourd’hui, mais sourira demain. Mes doigts se soudent aux siens et je l’emporte; n’importe où, vers un ailleurs différent. Pas nécessairement mieux ou plus rassurant, mais un endroit caché, à l’abri des «désolés» et des «condoléances» qui glissent entre chaque lèvre. Que des coutumes d’être comme ci, de dire comme ça. Nos corps se recroquevillent sous un bouclier à quatre pattes. Je sais qu’elle est seule, perdue dans sa solitude, à chercher Reaver mais à n’en trouver que des souvenirs décousus et distants. Elle est autant seule ici, avec moi, qu’avec toutes ses personnes à l’extérieur.
Je dis ce que j’ai à dire, avec la sincérité comme moteur. Je m’accroche à elle, pour qu’on coule ensemble et que ça lui soit moins pénible. Mais je sais très bien que mes pieds touchent le fond alors qu’elle s’enfonce dans des abîmes lugubres. Mes bras s’encastrent contre sa taille fine. Je sens les côtes sous sa robe, ses os craquent sous mon emprise. Mais je ne la relâche pas. Elle a maigri, sa peau collant ses os comme cri ultime. Mais elle n’entend que la douleur de ses profondeurs. Mon menton se tient fermé contre son épaule et j’ai six ans de nouveau. La naïveté de croire qu’en fermant les yeux forts, le monde des merveilles apparaîtra. Pourtant, je m’appelle Tara, pas Alice…
BILLIE – «Je suis enceinte Tara. »
J’ouvre les yeux, mais il n’y a pas de lapin blanc. Ma poitrine se soulève plus vite, et j’ai envie de pleurer. Mais je n’ai pas le droit, parce que Billie se tient en un morceau - toute son énergie puisée à la tenir loin des larmes dévastatrices. Je reste dans ses bras, harceler par l’écho de ses mots qui ne prend pas de sens. J’ai pas la force de questionner, pas l’audace de raisonner ce que ça implique. La phrase est si nauséeuse, comme si Billie elle-même ne l’avait pas encore digérée. Je n’ose pas croiser son regard, l’étreinte comme échappatoire à cette réalité qui n’était pas encore imprégnée en moi. Les secondes filent trop vite, mais le temps s’arrête. Je suis dans un chaos temporel, obnubilée par les nouvelles paroles de la jeune Sallinger. J’écoute, et j’absorbe. Comme je devrais le faire, sans réaction grandiose, et sans morale assourdissante. Le rôle de la meilleure amie qui est là, pour le meilleur et pour le pire.
BILLIE – «Depuis trois mois... C'est pour ça... L'autre jour... Je ne savais pas. »
Parce que ça devrait être heureux, mais qu’on n’arrivera pas à sourire. Pas aujourd’hui, pas comme ça. Puisque ce serait mal de se sentir bien. Une nouvelle culpabilité qui m’étourdis. Je fixe Billie, m’attarde sur son abdomen, malgré moi. C’est l’équilibre des choses; la mort, la vie. Mais ça ne balance pas, rien ne s’annule. Et la joie d’un bébé n’efface pas la douleur d’un décès. Mes doigts glissent contre la pointe de ses cheveux. Son regard est enfoncé six pieds sous terre, et je fais de même, à fixer un tapis morne. Ma bouche entrouverte, j’attends la parole qui m’échappera. Mais je n’ai rien à dire, pas l’autorisation d’interroger. J’ai les lèvres sèches, un goût aride au fond de la gorge et j’espère encore que le cauchemar va prendre fin.
TARA – « T’as déjà choisi un prénom? »
Mes yeux s’arrondissent, étonnée de moi. Je ne réalise pas d’avoir prononcé ces mots, comme si une troisième personne se trouvait avec nous, sous la table; notre refuge. J’ai envie de m’éclater la tête contre le mur, fracture du crâne qui libèrerait enfin mon esprit mal tourné. Mais je fige sur place, à grimacer sur tout ce qui arrive. Hier, aujourd’hui, demain. J’expire bruyamment, l’air grattant contre les parois serrées de ma gorge. Ma main s’appose au sol, contre la sienne. C’est un contact fiévreux, parce mes doigts brûlent de nervosité alors que les siens se meurent de froid. J’voudrais lui demander si elle va le garder, mais le courage s’éteint dans ma poitrine. J’y arrive pas. Tout est trop pesant, lourd à porter. Les mots ne veulent pas s’ajouter à ce poids surhumain. Mais j’ai besoin de dire quelque chose - pour annuler les derniers mots qui ont osés franchir la barrière de mes lèvres.
TARA – « Tu vas y arriver Billie, t’es… T’es une des personnes les plus fortes que j’connaisse. T’as vécu tellement de trucs, qui font partie de la personne merveilleuse que t’es et… Et je pense réellement que tu vas faire une excellente… excellente mère. Parce que t’as tellement d’amour à donner, et tellement un cœur d’or que le bébé aurait pas pu trouver meilleur refuge que dans ton ventre à toi… »
J’arrête mon discours comme ça, essoufflée par le débit de ma conversation, par l’émotion qui y règne. Je fixe Billie, avec un sourire honnête qui se cache derrière mes lèvres que je mordille avec angoisse. Je crois en ce que je dis, sans l’ombre d’un doute. Mais j’ai peur pour elle, pour ce que ça implique, à nouveau dans sa vie dramatique et accélérée. Mes joues me chatouillent, les cheveux collés contre ma peau rougie. Je pleure, même si j’avais dit que je ne cèderais pas, pas avant elle. Je pleure, ici, maintenant. Incapable d’arrêter le flot qui m’envahie. Elle est au centre de cette tornade émotionnelle, et c’est moi, la petite faible et sans vécu dramatique qui pleure à chaudes larmes. Je pleure pour nous deux Billie, de tristesse et de joie, de rage et d’espoir. Je pleure parce que rien d’autre ne marche.
TARA – « Je sais que y’a rien de « mieux », que, que c’est le bordel du désespoir. Mais j’crois qu’il faut… Que tu te souviennes de lui pour ce qu’il a été, et pas pour ce qu’il ne sera plus. »
Facile à dire. Le souvenir de ce qu'il avait été commençait déjà à se détacher, à s'entacher, à se détruire sous les yeux brumeux de Billie. Ils avaient fait beaucoup d'erreur. Et même si généralement l'amour surplombait tout, ils étaient arrivés à des points de non retour. Et contrairement à l'opinion commune, elle les avait amené à des points de non retour. Finalement peut être que c'était pour le mieux. Cette pensée lui brula l'estomac. Pour le mieux. Tara l'avait dit. Il n'y a rien de mieux. Mais maintenant leur couple resterait dans les annales d'un couple magnifique qui n'avait pas eu le temps de montrer toute sa beauté, et personne n'aurait à voir un jour le déchirement de deux personnes qui s'aiment trop et qui se tue. Parce que peut être que c'était leur destin. Mais il ne fallait plus penser à peut être. Il ne fallait pas s'étouffer de culpabilité, se noyer dans sa mauvaise conscience.
Billie se laisse aller dans les bras de Tara. Cette dernière ne se rend pas compte que le désespoir est plus lourd lorsqu'on est deux à le porter, parce qu'à ce moment là on ne peut plus l'ignorer. Mais peut être que là est tout le but. Arrêter d'avancer un instant. Arrêter d'essayer de chercher un futur qui s'est évaporé. Cesser les faux sourires inconstant qui nous brule les lèvres. Laisser passer les larmes qui désinfecteront notre peine. Ses larmes qui se refusent de couler, ses yeux qui restent aride, et qui s'écaillent des orbites sèches de Billie. C'est la fatigue qui se fait ressentir en premier. L'envie d'abandonner, de s'évanouir, maintenant que l'on a des bras pour nous rattraper. Des bras bienvenue, des bras qui nous manquait, une présence, une odeur dont on imaginait pas se passer et pourtant... La aussi le point de non retour n'était pas passé loin. Mais il fallait croire qu'elle était trop pure, trop douce pour laisser couler une amie sans l'accompagner. Les yeux fermés, blottit contre le corps frêle de son amie, elle se laissa vagabonder à sa tristesse, à son enfer. Tout lui retombait dessus. C'était difficile à dire. Si c'était infernal ou salvateur. Les différentes images de Birdie, Reaver, Aidan, Hermès brulait dans son esprit, l'obligeant à planter ses doigts dans le dos de Tara. Ce n'est pourtant qu'à la pensée de Tara que des larmes apparurent au bord de ses cornées. Tara, sa bienfaisante amie, sa douce amie, sa chère amie. Elle s'accrocha à elle comme à une bouée de sauvetage murmurant un léger
BILLIE – «Je suis tellement désolée. »
Il n'avait pas franchement avoir avec la situation. Elle repensait juste à tout ce qu'elle lui avait fait subir. A combien ça devait lui couter d'être là aujourd'hui, à soutenir à bout de bras une meilleure amie qui méritait de rottir au enfer. Le karma avait raison, elle ne méritait pas de s'en sortir, pour ce qu'elle avait fait à Reaver, à Tara, à la mémoire de Birdie. Même ses parents devaient s'arracher les yeux pour ne plus être obligé de la regarder gâcher sa vie. Au fond elle le savait, elle ne pourrait pas s'attarder indéfiniment sur ces pensées sombres et destructrice. Elle devrait apprendre à vivre avec. Apprendre à respirer malgré la rarification de l'air. Laisser son coeur battre par delà les douleurs persistantes. Vivre parce qu'elle n'était plus seule. Et que si ça vie importait peu. Elle en avait une à protéger de toute ses forces. Une qu'elle ne pouvait pas se permettre de gâcher.
TARA – « T’as déjà choisi un prénom? »
Billie cessa un instant de bouger. Muette, vide. Un prénom. Il fallait qu'elle pense à un prénom. Mais c'était trop réelle un prénom. Aujourd'hui, avec l'état de sa grossesse... Elle ne pouvait pas. Et si elle perdait le bébé, et si elle n'arrivait pas à mener la grossesse à terme. Pouvait-elle se permettre d'avoir perdu un prénom. Billie lâche un peu son étreinte sur Tara et passe une main sur son abdomen, comme si elle pouvait le sentir. Pourtant ce n'était pas une main douce et maternelle qui s'attardait sur son ventre bien trop plat pour trois mois de grossesse. C'était une main anxieuse, et tremblante qui remarquait tous les défauts de cette grossesse inattendue. Devait-elle le dire à Tara ? Pour ce soulager. Pour partager, pour se sentir soutenue ? Mais comment annoncer la nouvelle ? Elle avait déjà senti ses cordes vocales se décoller alors qu'elle cherchait les mots pour dire qu'elle était enceinte. Alors dire que ça se passait mal, que le bébé ne grandissait pas assez vite, que si ça se trouve elle avait tout foiré avec son comportement des derniers mois...
TARA – « Tu vas y arriver Billie, t’es… T’es une des personnes les plus fortes que j’connaisse. T’as vécu tellement de trucs, qui font partie de la personne merveilleuse que t’es et… Et je pense réellement que tu vas faire une excellente… excellente mère. Parce que t’as tellement d’amour à donner, et tellement un cœur d’or que le bébé aurait pas pu trouver meilleur refuge que dans ton ventre à toi… »
Finalement le discours de Tara tombe à pique. Parce qu'il la coupe dans ses pensées noires, dans ces préoccupations syntaxiques. Billie se fige pendant les quelques phrases de son amie. Parce qu'elle lui atteigne l'âme, lui écorche le coeur de tendresse et d'avenance. Parce que c'est merveilleusement dit. Parce qu'elle pourrait presque y croire, et se reposer sur cette certitude qu'elle ferait les choses biens. Pourtant sa tête pense l'inverse. Toujours assise par terre, elle avait finit par déposer ses deux bras le long de son corps, touchant le sol pour pouvoir se soutenir. Elle fixait Tara et ses yeux rapidement s'emplir de larmes. Parce que s'en était trop. La douceur et la candeur des mots de Tara avait volé dans les plumes de la mauvaise estime qu'elle avait d'elle même. Ces mots avaient brisés un instant son malêtre pour l'accentuer encore plus. Elle ne s'en sentait pas capable. De tout mener de front. Et si Tara l'en pensait capable c'était simplement parce qu'elle ne connaissait pas tout. Ca ne pouvait pas être autrement. La vue de Billie se brouilla, ses bras se mirent à trembler, ses épaules à se secouer.
BILLIE – «Il n'est pas bien. J'ai fait n'importe quoi. Je ne savais pas que j'étais enceinte. J'étais mal. Je ne faisais pas attention à moi. Je ne dormais pas, ne mangeais pas, buvais trop. Il va mal Tara. Regarde je suis enceinte de trois mois et ça ne se voit pas. Mon ventre est parfaitement plat. Je veux pas le perdre. »
Ses larmes avaient finit par se mêler à celle de Tara et elles avaient l'air parfaitement ridicule à pleurer comme ça sous la table, alors que tout le monde essayait de faire bonne figure dehors. Mais peut être que c'était pour le mieux. Que ses pleurs, se désarrois les sauverait d'un désespoir plus grand. Finalement Billie avait craquer. Sans faire attention si Tara était prête à accueillir plus de mauvaise nouvelle. Mais elle même était trop faible pour tout garder pour elle, et à ce moment là Tara était la meilleure personne sur qui elle pouvait s'épancher.
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Sujet: Re: BILLIE&TARA - « the funeral » Sam 18 Aoû - 17:17
BILLIE – «Je suis tellement désolée. »
Petite vérité qui glisse contre mon dos dans un frisson ravageant. Ce ne sont pas des mots, mais des sensations qui se décuplent à son étreinte. Ses gestes parlent plus que ses paroles ne le pourraient, et ma voix - rouillée de sanglots retenus - n’est pas une réponse raisonnable à tout ça. À ce nous qui traverse tout sans faillir. Je me décale d’elle, à fixer son regard dans la pénombre. Mais la noirceur ne gâche pas la crainte qui engouffre ses pupilles. Alors mes doigts restent agrippés aux siens, nos os emboîtés comme un casse-tête concluant. L’image est moins pénible à deux, même si aucun de mes sourires ne ternira sa peine. L’un ne compense pas pour l’autre, pas maintenant, pas comme ça. Mais j’essaie, à hurler mes chuchotements sincères, à délivrer son âme d’un doute supplémentaire. J’essaie, parce que je ne peux rien faire d’autre. Qu’essayer, pour elle, pour moi, pour nous, pour ce bébé qui survie dans un corps meurtri; avant-goût réaliste de l’horreur d’une vie.
BILLIE – «Il n'est pas bien. J'ai fait n'importe quoi. Je ne savais pas que j'étais enceinte. J'étais mal. Je ne faisais pas attention à moi. Je ne dormais pas, ne mangeais pas, buvais trop. Il va mal Tara. Regarde je suis enceinte de trois mois et ça ne se voit pas. Mon ventre est parfaitement plat. Je veux pas le perdre. » TARA – « Hey..hey… ça va, Billie. Tu sais, maintenant, okay? Alors on va prendre soin de lui. Et on va prendre soin de toi… »
Mes mains encadrent ses épaules, des doigts nerveux contre un corps chambranlant. Je fixe son regard, pour la récupérer au fond de ses larmes. Elle s’y noie, balancée par les vagues de sa tristesse. C’est une image désespérante, un portrait défaillant de sa personne si forte, tellement combattante. Mais la vie gagne toujours. À choisir quand on y vit, quand on y meurt. J’entrouvre les lèvres, les oreilles bourdonnantes de ma respiration forte, trop forte. Un souffle qui dénonce la panique qui me gruge de l’intérieur. Je chasse mes larmes d’un revers de main; qu’une percée de soleil avant la prochaine averse. Je me retrouve sur mes genoux, les mains à plat sur un tapis défraîchi. J’voudrais me mettre dans sa peau un moment – pensée suicidaire – pour trouver la solution au problème, le mot à prononcer, le geste à faire, la réflexion à avoir. Mais je m’engouffre dans un souvenir lointain, petite marrée haute en comparaison au tsunami qui prenait place aujourd’hui, dans un présent plus lourd, plus rationnel qu’autrefois…
TARA – « T’es pas obligée d’être forte pour les autres, Billie… Je sais que ça ne changera rien, mais eum… J’avais sept ans quand mon grand-père est mort et, p’pa m’avait donné un pendentif magique. J’pouvais parler à grand-p’pa avec, il entendrait tout ce que j’avais à lui dire… C’est débile, j’sais bien, on n’a plus sept ans, et les histoires de magie ça ne nous sauvera pas. Mais, tu sais, même si la logique derrière tout ça était fausse, même si ça n’était qu’une breloque en argent, j’ai réussi à dire ce que j’avais à dire. À voix haute, pour papi qui m’entendait sûrement pas, mais surtout pour moi. Pour me sauver du poids des « j’aurais dû » et des « si seulement ». Pour éteindre un brin de culpabilité et de rage. »
Je suis ridicule, à agripper un espoir aussi vain. Une pensée minime qui ne la sauvera pas. Ça faisait du sens, dans mon monde d’enfant. Papa voulait simplement que je parle, que j’enlève un poids inutile de mes épaules de gamine. La croyance populaire que « parler » aidait. C’était peut-être vrai, petit slogan des psychologues. Je serre les dents, à m’en mordre les joues au sang. Pour ressentir autre chose, une douleur physique qui calmerait le malheur intérieur. Je sais que je ne sers plus à rien, que ma voix, mes bras et ma volonté ne changeront rien. Je l’accepte même, résolue à mon échec inévitable. On est tous un peu seul dans ce monde, solitude camouflée par la famille et les amis. Mais on y retourne toujours, à cette solitude morbide qui ne nous quitte jamais. Je serre sa main dans la mienne, une dernière fois. Avant de la laisser purger sa peine, d’avaler sa culpabilité, de renier l’existence. Une dernière remarque, pour qu’elle sache, même dans le déluge de ses pensées mortuaires, que son entourage est là pour elle, même s’ils ne savent pas comment. Que l’ignorance d’agir ne détruit pas l’amour inconditionnel qu’on ressent. Pour elle, pour la personnalité que les malheurs et les bonheurs ont forgés.
TARA – « T’engouffre pas toute seule… Y’a plein de gens autour de toi, « en toi » même, qui donnerait tout pour t’aider, te supporter. Moi y compris, okay? J’pourrais même être ton pendentif magique, si t’en as de besoin. Oublie jamais ça… »
Mes lèvres se redressent en un sourire douloureux. Ça ne fait pas de sens de vouloir être heureuse à l’instant. Mes genoux se brûlent contre le textile dégradé qui recouvre le plancher. Je replonge dans le vrai monde, mais je laisse Billie à l’abri. Jusqu’à ce qu’elle soit prête à faire face à tout ça. Un petit moment de répit au travers de l’insomnie…