J'avais décidé qu'au lieu de rentrer directement du boulot pour aller m'enfermer dans mon appartement, ce soir j'allais profiter du beau temps et aller me balader. Alors, à la fin de ma journée de travail, j'ai dis au revoir aux autres et je suis sortie avec un air décidé. Je ne savais pas trop où j'allais aller, mais je me disais que dans le pire des scénarios, j'allais me perdre. J'ai donc enfourché mon vélo, attaché mon casque sur ma tête ― beaucoup disaient que j'avais l'air ridicule, mais je me fichais bien de quoi j'avais l'air quand c'était ma tête qui est en jeu ― et j'ai commencé à pédaler. Ça ne m'a pas pris dix minutes que j'étais déjà fatiguée, car d'habitude me rendre du boulot à chez moi ne m'en prends que deux, mais j'étais décidée à aller au-delà de ma fatigue et donc, j'ai continué. Au bout d'un autre moment, je ne sentais plus la douleur dans mes jambes et je filais à belle allure dans la piste cyclable. Je n'ai jamais été une cycliste très sérieuse, aussi je n'ai pas beaucoup de concentration sur la route, je suis plutôt perdue dans mes pensées ou en train de regarder ce qui se passait autour de moi. Je regardais surtout les gens qui passaient. Je l'avoue, d'accord, je regardais surtout les jolies filles qui se promenaient. J'en ai vue une particulièrement jolie et je l'ai suivie des yeux.

Un peu trop longtemps. Pendant que mes yeux suivaient cette jeune demoiselle, mes mains ont soudainement dirigé mon guidon vers la bande de trottoir, comme si ma roue avait été inexplicablement attirée vers cette chaîne de béton tout d'un coup. Le résultat n'a pas été fameux, ni pour mon orgueil ni pour mes genoux. Encore moins pour mon bras. J'ai fais un face à face avec la plate-bande. Mon genoux droit s'est fracassé dessus aussi et l'autre a été scalpé par ma pédale. Juste quand je pensais que je pourrais me relever sans trop d'humiliation, une fulgurante douleur a traversé mon poignet et je me suis rendu compte qu'il était dans une position plutôt étrange, pas du tout normale. Je sentais ma joue me brûler, mais la première pensée que j'ai eu, ce fut pour tout ces petits cons qui ne portaient pas de casques, je leur aurais bien dit, moi, s'ils avaient été là : c'est pour ÇA que je porte un casque. Et tout de suite après, le mode premiers secours s'est engagé dans mon esprit et je me suis relevée avec beaucoup de précautions à cause de mon bras. Heureusement, je n'avais pas trop de mal aux jambes alors j'ai pu, tant bien que mal au départ, repartir en ayant cette fois-ci une destination : l'hôpital.

Chaque bosse, chaque craque et chaque arrêt me faisait un mal de chien, mais j'étais déterminée à me rendre aux urgences à vélo et pas à pied. J'y suis parvenue, finalement, et je me suis enregistrée ― c'était mon poignet droit qui avait pris l'impact alors je pouvais encre écrire puisque je suis gauchère ― et j'ai pris place pour attendre. La douleur me donnait des sueurs, mais je savais que d'autres étaient arrivés avant moi.

❝ CATHERINE&SELENA❞

LE SENS DE LA VIE ϟ Bonsoir chère bande de trottoir que j'ai embrassé avec mes dents ...© Loon

J'étais en train de me chanter la comptine des crocodiles dans ma tête pour oublier que j'avias cette douleur au poignet quand j'ai vu une femme sortir de nulle part avec une petite fille aussi adorable qu'énergique. Aussitôt, ça m'a fait sourire. Peu importe l'état dans lequel je suis, quand un enfant apparaît dans le décor, ça a le don de me remonter le moral. Ma vie se résume aux enfants. Du moins, se résumait. Cette constatation me fait froncer les sourcils et c'est comme si tout d'un coup j'avais encore plus mal que tout à l'heure. Non seulement mon poignet m'élance comme s'il respirait par lui-même après avoir fait un décathlon, mais j'avais les genoux en feu et un léger mal de tête vraiment énervant. J'ai donc décidé de me concentrer sur la petite fille qui se dandinait en suivant sa mère jusqu'au comptoir, et comme ça m'arrive très souvent, elle m'a regardé. Les enfants m'aiment même de loin, je suis comme un aimant pour eux, et je n'ai jamais su l'expliquer mais j'adore ça. Je lui fais un sourire timide, mais ma joue toute égratignée me tira et je me contentai de lui faire un petit signe avec ma main valide. Je savais que je n'allais pas m'en sortir avec un simple sourire, mais j'ai fait comme si de rien n'était quand je l'ai vue se diriger vers moi avec ses petites dents toutes sorties et sa démarche curieuse. Elle s'est arrêté à environ trois mètres et a reluqué mes genoux. Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire et malgré ma douleur je l'ai gardé. Je lui ai dis de ma voix douce ; « Tu es déjà tombé en vélo toi aussi? » elle m'a fait un petit non très sérieux de la tête alors j'ai hoché la tête et je lui ai dis : « Tu es très chanceuse. Ça doit être parce que tu es meilleure que moi. » elle a eu l'air très surprise par ce que je lui ai dis et m'a rétorqué de sa petite voix mélodieuse : « Non! En fait 'uste pas. » et moi j'ai pris mon air le plus surpris qui soit et je lui ai demandé : « Tu ne fais pas de vélo? Je pensais que les petites filles de cinq ans faisait du vélo! » et ça n'a rien pris de plus. Elle s'est mise à rigoler, d'un petit rire saccadé et tellement mignon que si j'avais été en condition, je l'aurais prise dans mes bras.

J'avais envie de lui dire merci, merci de rire comme un petit ange, parce que ça me réchauffait le coeur. Elle m'a expliqué très sérieusement qu'elle avait trois ans et des poussières et elle m'a dit de ne pas bouger, qu'elle allait chercher Docteur Maman. Je me suis sentie mal par contre quand elle est retournée vers la femme qui, visiblement, avait terminé sa journée parce que je ne voulais pas la retenir plus longtemps à l'hôpital, c'était tellement désagréable comme endroit! Mais la blondinette semblait très déterminée à ce que sa mère me soigne et je l'ai entendu de ma place lui commander de le faire. Ça m'a encore fait rire et j'ai sentie que mon égratignure me brûlait encore plus, mais je ne pouvais pas faire autrement, pas quand un bout de chou comme elle était décidée à ce que je n'aille plus mal. Malgré la petite, je n'ai as pu m'empêcher de regarder de haut en bas sa mère et je me suis dis que c'était bien normal que sa fille soit aussi belle à voir les gênes dont elle avait hérité. Je n'avais aucun soucis de me faire soigner par cette charmante femme. Elle me demanda si j'étais tombée en vélo comme inscrit sur mon formulaire et j'ai hoché la tête, appuyée par la petite puce qui pointait mes genoux pleins de petites roches et de sang séché. Sa mère la fit taire avec calme et je me dis qu'elle ne devait pas être de tout repos tout le temps. Neva, c'était donc ça son prénom.

J'ai été déconcentrée en apprenant le prénom de la petite alors j'ai eu quelques secondes de retard dans ma réponse à son invitation pour me soigner, mais je me suis levée ― titubant sur quelques pas parce que la peau de mes genoux me faisait mal ― et je suis entrée dans un petit bureau de soins. Je me suis installée tant bien que mal sur le siège disponible puisqu'il était un peu haut et sauter m'était impossible sans me faire mal au dos. Elle se lava les mains et je regardai Neva en lui faisant un petit sourire. J'ai tapoté la place à mes côtés et je lui ai fais signe de monter avec moi. Elle m'a regardé avec des grands yeux et j'ai hoché la tête, alors en deux temps et trois mouvements, elle se retrouva assise près de moi. Sa mère examina mes genoux et mon poignet, tout cela sous mes grimaces de douleurs que j'exagérais au grand bonheur de Neva qui me souriait et se retenait pour ne pas rire. Quand le Dr. Romansky me demanda comment j'avais fait mon compte avec mon poignet, je sentis le rose me monter aux joues. Puis, j'ai décidé de lui dire la vérité, de toute façon, ça ne changeait rien à sa vie : « Je faisais une promenade, bien tranquille, et puis hem.. j'ai vu cette heem cette jeune femme, très jolie, mes yeux l'ont suivie trop longtemps. J'ai dis bonsoir à la chaîne de trottoir. Avec ma joue. Et mon poignet s'est coincé sous mon guidon, enfin je ne sais pas comment c'est vraiment arrivé, mais bon, j'ai été déconcentrée trop longtemps. » Je rigolai un peu jaune, très gênée en ce moment, puis Neva m'a regardé très sérieusement en me disant que sa mère allait me soigner et qu'après je n'aurais plus de bobo. J'ai fondu dans un grand sourire et j'ai hoché la tête avec confiance. Encouragée par mon attitude ou simplement parce qu'elle était sociable, Neva s'est mis à me parler de sa journée pendant que sa mère pansait mes petites blessures.

Je me suis plus concentrée encore sur les paroles de la petite puce quand elle s'est occupée de mon poignet parce que ça faisait plus mal, et quand elle a eut terminé, je savais presque tout de la vie de Neva. Sa mère lui a d'ailleurs dis d'arrêter mais en voyant la moue déçue de la fillette, je n'ai pas pu m'empêcher de répliquer « Ça ne m'embête pas du tout Dr.! Au contraire, j'adore ça. Les enfants sont une de mes passions et il m'est plus rare depuis quelque temps d'en côtoyer, et puis, j'aimerais bien connaître la fin de l'histoire avec le toutou perdu. Si vous êtes d'accord, bien sûr. » Neva a écarquillé des grands yeux très surpris puis a hoché la tête en direction de sa mère, pleine d'espoir. J'ai fais pareil et ça a bien fais rire la petite, et moi aussi d'ailleurs. Mon petit doigt me disait que si c'était la première fois que je voyais cette adorable fillette, ce ne serait pas la dernière.