Comment j’ai atterri à l’hôpital ? Très bonne question…je me sens faible, fatiguée. Je suis allongée de ce lit d’hôpital dans le service pour les enfants, j’ai oublié le nom. Tous ces pauvres enfants souffrent mais pas pour la même raison que moi. Je me suis mise sur le côté pour regarder la vitre. L’établissement est proche de la mer et j’ai une vue magnifique. Papa m’a apporté Looping et je l’en remercie seul mon petit Looping peut me réconforter en ce moment. Mon père ne suffit plus et quand à ma mère, ce n’est même pas la peine de lui demander. Depuis que maman a perdu mon petit frère, elle n’est plus pareille. J’ai l’impression d’être mise à l’écart, comme quand la maîtresse punit les élèves et qu’ils vont au coin. Je sais pourquoi elle réagit ainsi, donc c’est pour ça que je ne dit rien. C’est triste qu’elle est perdue le deuxième enfant mais ce n’est pas de ma faute. Je ne peux pas dire qu’elle ne s’occupe pas de moi, qu’elle est une maman méchante mais ce n’est plus comme avant, à présent, je me sens seule. Je ne vois plus tatie Charlie ni tatie Lexie, les balades au parc ne me disent plus rien et aussi, je n’ai plus envie de travailler à l’école, les élèves ne pensent qu’à s’amuser alors que moi, je suis devenue solitaire. Moi aussi je suis triste parce que j’ai perdu mon frère. Lorsque mes parents m’avaient appris qu’ils allaient avoir un deuxième enfant, j’étais super contente. Je me disais que j’allais être grande sœur, que je pourrais m’occuper de lui comme il se doit ; tous les soirs, j’imaginais comment serait notre famille avec mon frère. Malheureusement, je n’ai pas eu la chance de savoir ce que ça fait d’être grande sœur, c’est triste mais c’est comme ça ! Je ne peux rien y faire. Alors, quand maman l’a perdu, et qu’elle s’est renfermée, moi aussi j’ai commencé me taire, je me faisais toute petite car je la voyais pleurer et que je ne pouvais pas l’aider. Mes câlins ne servaient à rien au début, donc j’ai arrêté. Or, le fait d’être mise à l’écart comme ça, devenait trop dur, alors des fois, j’essayais de lui faire comprendre que j’existais, que j’étais là, son premier enfant, sa fille aînée. Mais je n’y arrivais pas. Je n’avais même plus envie de manger mes plats préférés ! Et c’est comme ça que je me suis affaiblie et que j’ai fini par atterrir ici. Cet endroit est décoré pour que les enfants puissent l’aimer mais moi, je ne l’aime pas de toute façon et ce ne sont pas des dessins qui vont me faire changer d’avis. C’est le deuxième jour que je dors dans ce lieu. Le docteur dit que je dois récupérer. Super pour des vacances scolaires, je ne demandais que ça ! Alors je boude. Je ne parle plus à personne, ni à maman, ni à papa. Je leur en veux beaucoup parce que c’est à cause d’eux. S’ils ne m’avaient pas laissée toute seule, je ne serais pas à l’hôpital à l’heure qu’il est. Looping, mon bon vieux nounours, mon meilleur ami. Je l’ai gagné à la fête foraine avec mes parents ; depuis, je ne dors jamais sans lui. Une éducatrice est venue plusieurs fois me voir, elle cherchait à m’emmener vers les autres enfants pour jouer avec eux mais je ne voulais pas. Je ne suis pas d’humeur à rigoler. Pourquoi je ne suis pas un bébé, les bébés, eux au moins, ne comprennent pas ce qui se passe j’ai remarqué. Comme ça, rien de tout ça ne se serait produit à la maison. Je regarde à travers la vitre depuis déjà un bon moment, je ne me suis pas rendue compte que maman et papa étaient arrivés. Ils sont venus voir si j’étais encore là. Je ne prends même pas la peine de les regarder. En temps normal, j’aurais sauté dans le bras mais là, je ne veux pas. Je boude. Je caresse Looping pour essayer d’oublier qu’ils sont dans ma chambre. Mais c’est plus fort que moi, j’ai envie de pleurer…