JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up.
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Sujet: JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. Lun 10 Sep - 1:42
Jason&Parker
Dans le coma. Encore plusieurs heures après avoir reçu l’appel l’avertissant que Parker s’était réveillé, Jay ne comprenait pas. Jay ne digérait pas. Il avait beau tourner l’info de tous les sens dans sa petite tête, marcher de long en large dans son appart en bordel monumental, et même avoir l’envie de téléphoner à Ash, d’entendre sa voix rassurante, de mettre leurs différends de côté pour l’avoir égoïstement rien qu’à lui pour le calmer, mais rien ne passait. Rien ne faisait de sens. Rien ne faisait plus de sens depuis qu’il avait quitté l’Irlande, au final. Mais ça, c’était la vie de Callaway tout craché. Toujours en emmerdes, toujours un karma chiant. Aucune chance d’avoir un répit de plus de quelques heures sans que le malheur ne s’acharne sur lui. Jason faisait distraitement la vaisselle depuis plus de 15 minutes, nettoyant le même verre à bière, le lavant comme s’il se purgeait lui-même, frottant comme un déchainé en manque de cocaïne. Dans le coma. Comment avait-il pu ignorer que son cousin, la seule famille qui lui restait, était tombé dans le coma plusieurs semaines plus tôt? D’abord, sa fuite en Amérique du Sud datait, mais Jay avait toujours cru que Parker lui ferait signe à son retour. Pas de cette façon, c’est clair, mais un signe. Un innocent signe. Ses coups de têtes, ses escapades à travers le monde, ses plans foireux étaient à la longue devenus une habitude pour Jay et il ne s’attendait plus à moins de Bernstein. Le coma, c’était autre chose. Il aurait pu y passer, merde. Parker aurait pu y rester, sombrer dans n’importe quelle connerie de troubles post-traumatiques, et Jay n’en aurait jamais entendu parler. Y’avait fallu qu’une infirmière lui téléphone un dimanche matin comme un autre, après qu’il ait passé une nuit de merde au Barking à servir des étudiantes à la tonne qui s’étaient présentées à une soirée de fraternité quelconque de UCLA et qui avaient toutes fini au bar à lui faire pathétiquement les yeux doux pour qu’il se sente comme le pire des loosers. Il ne le savait pas. Il ne l’aurait jamais su.
Jay en était au point où il se demandait quoi dire à son cousin. Quoi faire. Le verre à bière passa une nouvelle fois sous l’eau brûlante et l’irlandais sentit la chaleur du courant lui lanciner la peau. Il ne bougea pas, il ne broncha pas. Il était beaucoup trop perdu dans ses pensées pour faire autrement, de toute façon. Parker. Depuis gamin qu’il cherchait les embrouilles. Il avait reçu un nombre de coups dans la gueule frôlant l’absurdité mais finissait toujours par se foutre dans des situations où il le méritait presque. Souvent. Tout le temps, en fait. Des situations impossibles que Jason fuyait comme la peste. Mais Parker lui y fonçait sans regarder derrière, comme si c’était le seul choix qui s’offrait à lui. Un peu comme Dek, énormément comme Jackson. Pourquoi merde Jay n’avait pas été là lorsque tout avait chaviré? Il savait pertinemment et sans que personne ne le lui confirme que le coma n’était qu’une conséquence d’un combat qui avait mal fini. C’était clair que Parker s’était encore une fois embrouillé avec les mauvaises personnes, qu’il avait été moins chanceux que les fois précédentes. En bon mec loyal, Jay se sentait ultra coupable. Il aurait dû empêcher ça, d’une façon ou d’une autre. C’était pas qu’une lèvre tranchée par un goulot de bouteille éclatée. C’était un risque de mort élevé. Ravalant sa salive, Jay eu une pensée pour Gabriel. Pour sa mort. Et sa mère, aussi. Des gens morts trop tôt, trop mal. Il ne se permettrait pas d’être émotif et de pleurer au beau milieu de sa cuisine de fortune, même si personne ne l’aurait vu, il avait trop d’orgueil pour ça de toute façon et si ça se trouvait, il ne se rappelait même plus comment verser de larmes. Mais il se mordit la lèvre. Jusqu’au sang. Il fallait qu’il aille à l’hôpital, c’était sûr. Il irait, de reculons parce qu’il haïssait l’endroit of course, trop de gens perdus entre ces 4 murs, mais il ferait acte de présence. C’était bien ce qu’il pouvait faire de mieux après avoir ignoré complètement l’état dans lequel se trouvait son cousin, non?
Impulsivement, Jay fracassa le verre qu’il nettoyait depuis plus de 45 minutes sur son comptoir de bois usé et mal vernis. Les mains appuyées devant lui, le regard bas, il prit le temps de reprendre ses esprits, de détailler chacun des éclats qui s’étaient éparpillés sur le plancher. Le dernier qu’il lui restait. Le seul qui lui restait.
« Putain. » souffla-t-il, pas convaincu du tout, avant de se pencher et de ramasser le dégât que son trop plein de culpabilité lui avait fait faire.
Un à un, il prit les morceaux de verre entre ses doigts ensanglantés à cause de l’impact. Le regard dans le vide, il se remémorait les moments passés dans sa jeunesse avec les enfants Bernstein. Les soupers de famille qu’ils esquivaient pour aller se fumer des cigarettes dans la cabane en bois en haut de l’arbre. Les visites silencieuses et peu nombreuses de Parker lorsque le père de Jay avait été diagnostiqué schizophrène. La mort de Derek et le silence que les deux garçons avaient partagé à l'enterrement. Le retour de Park’ dans sa vie alors que tous les deux s’étaient perdus pour mieux se retrouver à L.A. La seule soirée où Jay avait éprouvé de la nostalgie en pensant à Gabriel. Où il avait été faible, selon lui, où il avait craqué devant son cousin. Le départ de Park’ vers les contrées latines. Le coma. Sérieusement?
Sa moto se gara dans le stationnement invité du Good Samaritain près d’une heure plus tard. Son casque sous le bras, un sac de plastique venant du dépanneur du coin dans les mains, l’irlandais s’avança vers les portes automatiques qu’il franchit en garde le regard fixement fixé droit devant lui. Il sentit la nicotine pour s'être claqué clope après clope question de chasser son stress qui était toujours là, toujours aussi fort. Mais il prit quand même l’ascenseur jusqu’au 5e étage, là où l’infirmière lui avait annoncé que Parker séjournait, et tournait le coin rond en s’approchant de ladite chambre occupée par le cousin. Toquant 3 fois discrètement sur la porte pour s'annoncer, il se colla une mine détendue sur le visage alors qu’il se rongeait de l’intérieur et finit par entrer. Quelle force lui permit de tourner la poignée? Il se demande encore. Ses prunelles se posèrent directement sur Park’, le visage couvert d’ecchymoses, bouffi. Le coma n’avait pas été doux sur lui et c’est ce qui mis la puce à l’oreille de Callaway. Une bagarre, oui, mais de quelle ampleur? Quelques pas plus tard, il arriva quand même à dire un truc dans le genre d’un salut, avant de lever le sac de plastique en l’air et de le désigner du menton.
« J’aurais pu t’amener des fleurs, mais j’suis pas gay. Alors je t’ai apporté un sac de bretzels et un magazine porno. Je me suis dit que ça mettrait cartes sur table. Et maintenant, si tu me disais ce que tu fiches dans ce lit d’hôpital avec aucune infirmière à tout cou?»
Sujet: Re: JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. Jeu 13 Sep - 1:40
“ When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. „
Jason P. Callaway & Parker H. Bernstein
« Bernstein. Beeernstein. Bernstein Bernstein. Bernstein. » L'infirmière lève la tête furtivement, détache son regard de l'aiguille du tensiomètre avec lequel elle est en train de me cisailler le bras pour en jeter un autre à son collègue, moins professionnel, plus implicite. Le truc marrant, quand on ouvre les yeux le cœur serré par une angoisse qu’on ne peut expliquer, la cervelle comme une passoire et deux litres de morphine dans le sang, ce qu’on s’attarde sur ce genre de détail. Les regards échangés, les sourires complices, les conversations anodines. N’importe qui n’y aurait pas fait attention, n’importe qui considérait les aides-soignants qui allaient et venaient à longueur de temps dans ma chambre comme de simples membres du personnel, des employés censés prodiguer des soins aux gens et disparaître de leur vie aussi simplement. Pour moi, c’était différent. Ils faisaient partie intégrante de ma vie. Non pas parce que je leur étais entièrement dépendant – quelque chose m’avait d’ailleurs dérangé lorsque cette constatation s’était imposée à moi, au moment où j’avais lamentablement régurgité la toute première bouillie servie après mon réveil, autre que le simple malaise de voir la jolie poupée brune que je m’étais senti comme obligé d’attendrir revenir avec une bavette à me nouer autour du coup -, mais parce que, à l’heure actuelle, ils étaient tout ce que j’avais, tout ce que je connaissais. J’avais ouvert les yeux ce matin, la lumière trop forte d’un néon en plein dans mes pupilles, un noir total dans ma tête. Pas un de ceux qui vous prennent lorsqu’on vous arrache brutalement à votre sieste et qui disparaissent, une poignée de secondes plus tard. Non. Ce noir-là, c’était le noir qui dure, handicape, perturbe et angoisse. Le noir de l’amnésie, l’absence de tout souvenir, de la moindre information. Alors, cette infirmière que j’observe libérer le seul de mes bras qui n’est pas plâtré d’un regard absent, son collègue qui griffonne mes constantes sur un calepin là-bas, le concierge que j’entends siffler dans le couloir par la porte restée entrouverte, pour moi, ils sont tout ce que j’ai. Les premières étincelles venues éclairer la pénombre, celles auxquelles on s’accroche pour grappiller un peu de lumière. Je ne les connaissais probablement pas la veille mais ils sont désormais mes meilleurs amis, les plus fidèles, les plus anciens. L’intérêt que je leur portais était donc tout justifié, amplifié par ailleurs par l’ennui qui avait déjà posé ses crocs sur moi, les rares moments où je me retrouvais seul dans ma chambre. Toutefois, à cet instant, je ne leur prête pas attention. C’est ce nom qui l’accapare.
Bernstein. Mon nom. Je le prononce encore une fois, allégeant ma voix déjà passablement faiblarde, arrachant sans doute un nouveau froncement de sourcil à ma pote l’infirmière qui doit commencer à se demander si elle a bien fait de me filer l’info quant à mon patronyme. Je n’arrive pas à décider s’il sonne bien ou mal, familier ou totalement étranger. Un peu de tout, je crois. Mes lèvres s’agitent à nouveau sur ces syllabes mais je reste silencieux, mon regard se fixe dans le vide, comme happé ailleurs, plus concentré que n’importe qui d’autre au monde. « Monsieur ? Est-ce que ça va ? »Bernstein. Si la question de la jeune femme n’a eu aucun effet sur moi, le contact de sa main sur mon avant-bras manque de me faire sursauter - dans l’hypothèse où je pourrais encore bouger d’un centimètre, plâtré de part en part comme je le suis. Je cligne des yeux deux fois et relève la tête vers l’infirmière qui m’observe, légèrement penchée au-dessus de moi – son décolleté qui gagne en affriolant lorsque la prude blouse bleue se décolle de la peau de son buste, loi de la gravité oblige, et la force inexplicable qui me contraint à lorgner dessus me font repenser à une vieille connaissance, la belle brune du service de nuit, et à notre histoire, achevée brutalement lorsque j’avais manqué de la recouvrir de purée de pommes de terre. Ce souvenir est encore amer, mais décidé à aller de l’avant et de tourner la page, je me dis que j’aurais peut-être intérêt à faire bonne figure et je referme ma bouche entrouverte, la faute à part égale à la réflexion et aux contusions qui colorent ma mâchoire. « Bernstein. Ça veut dire ‘ambre’, en allemand, vous saviez ? » Elle fait mine de s’y intéresser en me souriant, reprend une posture plus droite et me coupe l’accès au peu de relief que je peux apercevoir là entre. Un mal pour un bien ; je remarque un nouveau regard échangé avec l’autre asperge et percute. « Eh, spreche ich Deutsch ? » La réponse est dans ma question même, ou plutôt, la manière dont je la pose, hors de ma volonté. Je parle allemand. Carrément bien, puisque que les pinceaux s’emmêlent dans ma tête et que j’ai switché d’une langue à l’autre sans m’en rendre compte. D’ailleurs, ça me vaut un nouvel échange de regard, mais je n’y accorde à nouveau pas le moindre intérêt. Cette langue s’impose dans mon esprit, s’empare du peu de pensées que j’ai réussi à y fourrer, comme si elle était plus naturelle, plus habituelle que l’anglais. Ça ne pourrait être qu’un détail ; c’est pourtant la première information que j’obtiens sur moi, en dehors de mon nom, du temps que j’ai passé dans le coma et du fait que j’ai des tatouages douteux étalés un peu partout sur la peau. Bernstein, évidemment. C’était ou allemand, ou juif. Un peu plus tôt dans la journée, un moment de solitude et les vérifications élémentaires d’usage me permettaient d’affirmer que je n’étais pas de confession juive ; j’étais donc allemand. J’oralise cette constatation, poussé par une légère euphorie. « En fait, c’est plutôt un passeport autrichien qui est dans vos affaires. » Mon élan volontaire se cristallise, l’air se fige, le bruit de gribouillage de l’autre soignant dégarni s’arrête. L’Autriche. J’ai l’image d’un type qui me frappe, gris vert, 3 mètres de haut, des bouclettes sur la nuque, perché au milieu d’une place. Son nom me passe même par la tête, mais Mozart ne m’intéresse pas la moindre. Dans vos affaires. L’échange de regard entre la maladroite involontaire et son complice rejoue un round, bien plus grave, les trahit en se glissant sur la porte de l’armoire fermée à clé, de l’autre côté de la chambre. Je reste silencieux, pèse de tout mon poids mes prunelles sur le profil de la jeune femme qui semble confuse. « Écoutez… Généralement, nous gardons ce genre d’informations pour les jours qui suivent, au cas où vous ne parviendriez pas à récupérer la mémoire de vous même. Mieux vaut que vous n’en sachiez pas plus à ce sujet. »
J’ai bataillé, près d’une heure, j’ai même accepté qu’elle réajuste la perfusion dans ma veine sans gigoter, j’ai fait ses stupides tests de réflexe et de réactions, je lui ai dit qu’elle sentait bon alors qu’elle refoule le vieux et le désinfectant ; tout ça pour un ticket de magasin qui m’apprend que j’aime le surgelé et de quelle marque de papier toilettes mon appartement, si j’en ai un, est rempli, un passeport vierge parce que renouvelé le jour-même de mon admission à l'hôpital, un portefeuilles sans la moindre foutue photo ou carte de fidélité dedans et un paquet de cigarettes, qui n’a fait que réveiller instantanément une envie brûlante à laquelle l’infirmière a cette fois-ci catégoriquement refusé d’abdiquer avant de le prendre avec lui, me laissant seul, avec tout ce que j’avais sur moi lorsque les ambulanciers m'ont ramassé dans ce carton posé sur la table de chevet. Néanmoins, je n’ai pas le temps de grommeler en relisant encore une fois le vieux ticket ou de l’emmerder en appuyant sur le bouton d’urgence ou en arrachant les fils qui me relient aux machines de surveillance comme j’en ai subitement l’envie qu’on frappe à nouveau à la porte de ma chambre. Je relève la tête en collant un air mauvais sur mes traits, m'attend à voir débarquer une énième saloperie d'infirmière ; le visage que je croise et l'allure du type qui le porte remet en doute ou mon pronostic, ou ma vision proprette du personnel soignant. J'opte pour la première option lorsqu'il marmonne un salut à mille lieues de l'explosion de bonne humeur et bienveillance à laquelle j'ai droit dès qu'un employé entre dans la pièce; c'est donc un visiteur. Je le fixe. Dénué de la moindre émotion. J'essaye de savoir si je suis content ou non, si sa présence me touche ou me dérange; mon seul ressenti, c'est qu'un parfait inconnu vient de débarquer dans ma chambre, qu'il me fixe et que je le fixe. Un truc me rappelle qu'il faut être souriant et avenant lors de ce genre de situation. Je tente un sourire, écope d'un sifflement étouffé à l'instant même où je sens les sutures de ma lèvres tirer. D'où est-ce que je sais ça ? Je n'ai pas le temps de me poser la question ni de trouver un autre moyen de rendre la situation moins bizarre qu'elle ne l'est qu'il a repris la parole, sans cérémonie. Mon regard lâche le sien pour se poser sur le sac qu'il agite. Bretzels, littérature. Le combo est plutôt bien choisi; quand j'essayerai de manger les bretzels et que je cramerai toutes mes chances envers la jolie infirmière lorsqu'elle devra venir ramasser tout ce que j'aurai recraché, le porno pourrait s'avérer utile. Il le fera. C'est toujours utile. Face à son air détaché, je ne peux qu'adopter le même ton; finalement, je ne peux agir qu'en reflétant ses propres manières si je ne veux pas risquer un dérapage ou de passer pour le dernier des débiles... Bien qu'au fond, j'aie l'impression que c'est le comportement le plus naturel dont j'aie fait preuve depuis mon réveil. « J'suppose que si c’était toi mon admiratrice aux cheveux blonds, les photos encadrées auraient été un peu plus sympa que celles-là. Par contre, tu m'excuseras, mais j’suis pas sûr d’être déçu que ce ne soit pas toi. » Mon regard glisse un instant sur les clichés qui décorent la chambre ça et là, que j'ai déjà passé une bonne partie de la journée à observer, en espérant y reconnaître quelqu'un, quelque chose; tout ce que j'ai pu en tirer, c'est l'impression d'être le con qui regarde les photos bateaux qui sont là pour faire tapisserie lorsqu'on achète un cadre, et quelques infos d'une infirmière, sur la jeune femme qui les avait disposés là et passait de temps à autre me voir. « Du coup, tu dois être le type à contacter en cas d'urgence. J'crois que le médecin m'a parlé d'un truc du genre. Le commis d'office pour organiser mes obsèques, quoi. Désolé, mec, fausse alerte. »Je relève la tête vers le gaillard, attrape la poignée qui surplombe mon lit pour me redresser un peu - tant bien que mal, évidemment pas si en forme que je m'efforce de le sembler. « J'fondais un peu d'espoir sur le fait que tu puisses m'expliquer comment je suis arrivé là, en fait, mais avec un peu de chance, on se connait même pas et t'es genre mandaté par une association pour venir tenir la patte aux patients. Enfin, tout ce que je peux te dire, c'est que je suis pas là pour la bouffe, alors merci pour les bretzels. » Ma voix finit par se casser et je sens ma gorge se serrer sous l'effort, mais je ne bouge pas d'un poil, me contentant de scruter mon visiteur d'un regard à mi-chemin entre la curiosité et la suspicion.
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Sujet: Re: JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. Dim 16 Sep - 23:34
Jason&Parker
Décidément, le coma et l’amnésie totale étaient les tendances du moment. Après Thayer, le patron de Jay et proprio du Barking Spider, qui venait à peine de se rétablir et de recommencer à retrouver bêtement la mémoire, Parker semblait être fait du même bois et avoir les mêmes combats. Jason fit mine de rigoler à entendre les paroles d’abord plutôt comiques de son cousin qui ne semblait pas le moins du monde, enfin si on évitait de le regarder, mal en point finalement. « J'suppose que si c’était toi mon admiratrice aux cheveux blonds, les photos encadrées auraient été un peu plus sympa que celles-là. Par contre, tu m'excuseras, mais j’suis pas sûr d’être déçu que ce ne soit pas toi. » Ouais, pour l’infirmière blonde, on repassera et l’irlandais sourit bêtement, se contentant d’ouvrir le paquet de bretzels impoliment et d’en prendre une poignée. Il avait faim d’un coup et comme le cadeau était annoncé, il avait tous les droits d’y goûter donc. Une fois la bouche pleine, Callaway détailla la pièce des yeux, un endroit froid et illuminé par les néons qu’il détestait particulièrement. Ça n’avait rien avoir avec la raison pour laquelle il s’y trouvait aujourd’hui, mais plutôt avec ce que l’établissement dégageait en général et s’il n’avait pas été assez bourru pour l’ignorer, il aurait bien ressentit le frisson qui lui parcourait l’ecchine, le même qu’il lui avait scier le dos en deux la dernière fois où il était allé rendre visite à son père, à l’asile où il vivait depuis trop longtemps déjà en Irlande.
Mangeant toujours, Jay remarqua que Parker dans son lit d’hôpital semblait être aussi mal à l’aise que lui à cet instant. Il avait un truc dans les yeux, une espèce de lueur qui reflétait une incompréhension totale. Il comprenait rien mais alors rien de ce qui se déroulait devant lui et le grand blond paniqua un peu, non sans rien laisser paraître. C’était flippant de voir que l’autre était bien là, tranquille comme tout, pas menaçant le moins du monde, mais qu’il était bloqué, différent. Instinctivement, son regard suivit celui de Bernstein et il se surprit à regarder lui aussi les photos installées sur le mur, comprenant qu’il parlait sûrement de la fille avec laquelle il s’était sauvé au sud. Une jolie fille vraiment. Jay la détaila vite fait du regard, et ne pas avoir connu son cousin comme le fond de sa poche, il aurait bien pu croire qu’à les voir sourire et gravir des montagnes, ou s’envoyer des grimaces, qu’ils étaient amoureux. Heureux. Ouais, ben ça c’était s’il avait oublié le comportement autodestructeur, et destructeur tout court en fait, de Parker qui se chargeait personnellement de faire exploser tout ce qu’il touchait lorsqu’il se lassait. Ignorant maintenant les faux tourtereaux, les prunelles du barman revinrent se poster automatiquement sur son cousin avant de faire quelques pas dans sa direction, lui tendant alors le sac de bretzels à moitié mangé.
« Du coup, tu dois être le type à contacter en cas d'urgence. J'crois que le médecin m'a parlé d'un truc du genre. Le commis d'office pour organiser mes obsèques, quoi. Désolé, mec, fausse alerte. » ajouta le comateux, un sourire se dessinant douloureusement sur ses lèvres.
« Han. Déconne pas. Tu sais bien que j’serais nul pour organiser tes funérailles. J’arriverais pas à gérer tous ceux à qui tu dois de l’argent et tes groupies en même temps. Va falloir régler tes dettes et tes conquêtes avant de faire le grand saut mec. » Jason se voulait calme, mais il ne s’empêcha pas de froncer les sourcils, s’attendant quand même à un accueil un peu plus chaleureux de la part du cousin.
Pas qu’il voulait qu’on lui saute au cou ou une connerie du genre, mais seulement un petit signe de vie, un commentaire ou deux, une idiotie bref, qui lui rappellerait que malgré le fait que Park’ se soit battu jusqu’au sang, il était toujours bien là, à l’intérieur comme à l’extérieur. Ils étaient pas forts sur les démonstration d’amour et d’affection, certes, mais un mec qui sortait d’un coma se devait au moins de rassurer un peu ceux qui s’inquiétaient, et ses commentaires étranges n’étaient pas ce qu’il y avait de plus calmant comme effet sur l’irlandais. Croyant encore qu’il ait décidé de blaguer comme un con et de jouer sur son diagnostic de patient amoché afin de passer pour la pauvre victime, mais pas convaincu parce que c’était toutefois pas du tout son genre, Jay hocha distraitement de la tête, se mordant la lèvre au passage. De le voir tenter de se relever dans son lit activa l’instinct de bon papa de Jason et le jeune homme esquissa de nouveau un pas en avant, lui attrapant le bras au passage pour l’aider à bien s’installer dans le lit. Gentleman un jour, gentleman toujours, Callaway s’assura que l’autre soit installé comme il fallait, mais tiqua à entendre ses dernières paroles. Quelque chose clochait, et pas mal en plus de ça. « J'fondais un peu d'espoir sur le fait que tu puisses m'expliquer comment je suis arrivé là, en fait, mais avec un peu de chance, on se connait même pas et t'es genre mandaté par une association pour venir tenir la patte aux patients. Enfin, tout ce que je peux te dire, c'est que je suis pas là pour la bouffe, alors merci pour les bretzels. »
« Ça va? T’as fini de faire l’amnésique? Qu’est-ce que vous avez tous à tout zapper de votre mémoire? » ne s’empêcha pas d’ajouter Callaway, intrigué.
Jay avait parlé sans la moindre trace d’exaspération, pourtant à l’intérieur il bouillait. Déjà qu’il flippait sérieusement à savoir que la seule famille qui lui restait venait de passer à deux cheveux de crever, de le voir là tout faible, même pas capable de se remettre droit dans son maudit lit, et qu’en plus il ait des lacunes au cerveau et que rien ne lui revienne à l’esprit, c’était assez. Sérieux, Jay n’avait pas du tout besoin de ça à gérer et il commença à sentir ses poings se contracter de nouveau. Furax, contre la vie en général si vous le demandez, le blondinet se recula, tournant sur lui même avant de reposter son regard sur son cousin qui semblait le moins du monde inquiet de la suite des choses, la main plongée dans le sac de bretzels, attendant la suite en regardant Jason, amusé.
« Tu te souviens pas de moi? Les étés en Irlande? Gab qui te demandait comme une larve de lui sortir de la bière parce que je le faisais pas? »
D’un autre côté, ça suffisait avec les questions aussi. Parker semblait complètent pâumé, une vraie patate, et c’était pas en le bombardant que Jay arriverait à tirer quelque chose de lui non plus. Abdiquant, pour l’instant, le grand gaillard secoua la tête avant de soupirer et de regarder au ciel, puis il s’humecta les lèvres et vint s‘écraser sur le canapé au chevet du lit de son cousin. Silencieux, il le regarda pendant un moment, jugeant de la tactique qui serait probablement la meilleure pour arriver à ses fins, et finit par y aller avec ce qu’il appelait la technique du « barman sourde oreille » ou ce qu’il aimait particulièrement utiliser lorsqu’il bossait au Barking, remarquait que quelque chose clochait chez l’un ou l’une de ses clients et faisait comme s’il s’en contre fichait, parce que la majorité du temps ça finissait toujours pas mal par être le cas, tout en gardant l’oreille attentive et prête à retenir quoi que ce soit qui pourrait être dit ou fait et qui mettrait l’autre dans le tort. Ou qui lui donnerait des munitions pour attaquer, selon le cas. Une tactique de base bref.
« T’es là depuis longtemps? » demanda-t-il enfin, calmement, se questionnant vraiment sur le temps qu’il avait passé seul à attendre que des visages inconnus viennent le voir.
Sujet: Re: JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. Mar 23 Oct - 19:44
“ When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. „
Jason P. Callaway & Parker H. Bernstein
Bon. Ça s'annonce plutôt marrant. Ou pas, en fait. Peu importe, ça sera toujours plus divertissant que de tendre une oreille discrète et récolter les ragots qu'on colporte juste devant moi, comme si mon amnésie était encore active, pas juste passive. Merde, est-ce qu'elle serait encore active ? Vent de panique, je me calme en constatant que je me souviens encore de ce que je faisais il y a trente secondes, avant même que la machine, là, l’électrocardiogramme, je crois, n'ait pu retranscrire les soubresauts trop brusques de mon cœur. Ça serait le bouquet, ça. La cerise sur le gâteau, le glaçage sur le cookie, le rail de coke sur le demi litre de rhum. Oublier, continuellement. Déjà que je ne me souviens plus de mon passé, ça serait pénible d'oublier le présent aussi, une fois que celui-ci deviendra passé. Quoique, au final... Je m'en fous. Oui, carrément, je m'en fous. Avec un peu de chance, c'est déjà le cas et ça fait neuf ans et quatre mois que je me réveille tous les matins sans savoir qui je suis ou ce que je fais là, et qu'on me rabâche les mêmes sottises, qu'on me file les mêmes indices moisis sur ma vie qu'on aura remis dans le placard une fois que je me suis endormi. Les contusions qui me griment le visage et les os cassés ? Quasiment sûr que l'espèce d'armoire à glace à la vocation totalement inadéquate d'infirmier pourrait me les avoir faites. Ça serait un peu l'hôpital qui se fout de la charité - c'est le cas de le dire, en plus -, mais au fond ça pourrait être crédible. Ouais, pour pas perturber mon équilibre mental, une connerie de ce genre, on m'abîme chaque quinzaine pour que quand je me réveille, je puisse au moins me raccrocher à l'hypothèse de m'être fait cassé la gueule, il n'y a pas trop de temps. Bien joué, les gars. Hypocrate serait fier de vous. Ou plutôt son subalterne qui veillesur les gens trop paresseux pour faire la fac de médecine et deviennent changeurs de couches et ramasseurs de vomi de votre gente. Ou Freud, tiens ? J'en sais rien et je commence sérieux à sentir mon sang cogner à mes tempes. Mal de tête. On dirait bien que je ne suis pas un habitué de la réflexion. Ou alors, c'est le mastodonte en blouse bleue qui m'a fracassé le crâne un peu trop fort la dernière fois. Peut-être qu'il a éternué ou eu le hoquet, un truc du genre. Et vlan, la caboche du pauvre comateux à mémoire de poisson rouge qui tape un peu plus fort que d'habitude sur la tête de lit. Ça serait con, carrément. Mais je ne le saurai jamais. C'est le bon côté des choses. Bon, cette fois, ça y est, le troupeau d'éléphants vient de poser ses quartiers derrière mon front, c'est officiel. Heureusement, c'est ce moment là que choisit Boucle Blonde pour revêtir sa cape de Super Blonde et voler à mon secours, alors que j'essaye juste de m'asseoir dans mon lit. C'est ce que je suppose, après l'avoir fixé cinq bonnes secondes, fixe, sourcils froncés et air méfiant alors qu'il vient de poser sa main sur mon bras. Qu'est-ce qu'il a à venir me tripoter comme ça ? Recevoir de la bouffe, du porno, je veux bien, mais j'ai pas l'air si mourant que ça quand même, et puis, merde, je le connais pas. J'ai un léger mouvement de recul, même si j'ai plus l'air d'avoir envie de lui en coller une. Je ne suis visiblement pas du genre à jouer à frotti-frotta avec tous les mecs que je croise dans la rue, faut croire. Je peux me démerder de moi-même, même si ça me crève de douleur. On n'est pas à l'hospice, je ne suis pas son grand-père - sauf si, d'un coup, j'étais là depuis beaucoup plus longtemps que neuf ans et que, en fait, le reflet que j'ai vu dans le miroir de la salle de bains, ce n'était qu'une image vidéo, un truc technologique de plus pour préserver ma sensibilité... Je détache mon regard plus perturbé qu'assassin désormais du type et le tourne vers le goutte-à-goutte, juste à sa gauche. Bordel, elle est bonne, leur morphine, je crois. Je ne sais pas si c'est par effet placebo ou bien si c'est simplement parce que le bonhomme a relâché mon bras, mais je me détends aussitôt, alors que je regarde une goutte de calmant glisser dans mon intraveineuse.
Des remerciements à peine bredouillés et je me saisis du sachet de salés, subitement affamé, en reportant mon attention sur lui. L’Irlande ? Qu’est-ce que ça vient foutre là ? Je pioche un bretzel et le fourre dans ma bouche en le regardant criser sur mon tronc cérébral en passoire. L’Irlande. Je connais, plus ou moins. C’est déjà ça. Je sais que c’est en Europe, comme l’Autriche – putain, mais qu’est-ce que je fous en Amérique ? Dublin, Temple Bar et ses touristes. Old Town et ses pouffes qui ont, visiblement, oublié de mettre un pantalon avant de sortir – un sourire libidineux nait au coin de mes lèvres, même si ça me déchire à nouveau la moitié de la tronche. Les pubs et les gars qui reprennent en chœur des chansons sur les seins de Molly Malone. Des feux rouges et des gens qui se jettent sur la route quand même. La Guinness qui coule à flot dans les pintes, comme les litres de vomi dans la rivière Liffey. Le leprechaun géant qui retourne à sa vente de marijuana dès qu’il a enlevé son costume. Ouais, en fait, je connais carrément l’Irlande, si on fait abstraction de tout ce qu'on peut vous apprendre dans un atlas ou un guide touristique bien sous tous les rapports. Par contre, son Gab, ou même lui, avec sa cascade de cheveux couleur vieille serpillère et ses airs de retraité des Outlaws, que dalle. J'ai beau chercher, l'imaginer sous les traits d'un pilier de comptoir ou vêtu d'une mini-jupe à faire du gringue à un videur, rien. Rien ne me vient et ça commence à m'agacer, de nouveau. C'est plutôt lui qui m'agace, dans les faits. Ce n'est pas que je me sente torturé de le voir tourner en rond de la sorte et s'évertuer à me faire crier au miracle en voyant ma mémoire revenir subitement, non. Pas torturé, agacé. Qu'est-ce qu'il a à me bombarder comme ça de questions, qui, de plus est, résonnent quand même vachement comme des reproches ? Je ne me rappelle pas, je ne me rappelle pas, point barre. C'est moi qui devrais être en train de piquer une crise, paraître suspicieux, un brin inquiet. En fait, je devrais probablement me mettre à chialer et me rouler en boule dans mon lit pour sangloter, dans la mesure du possible que me laissent ces saloperies d'électrodes qui me démangent, le bordel de tuyaux au milieu duquel je gis et la ribambelle de crevasses qui parcourent mes os çà et là. Ce n'est toutefois pas mon genre, pas besoin d'avoir le moindre souvenir en stock pour le deviner, et j'ose espérer que ce n'est pas le sien non plus, parce que sinon je crains qu'il s'agisse du prochain palier qu'il va atteindre, si je ne pose pas un regard écarquillé et brillant sur lui en laissant son prénom m'échapper d'une voix émue. Peu importe, celui qui devait être le plus frustré ici, c'était moi, et pas lui. D'accord, il avait été oublié. Pas cool. Avec un peu de chance, c'était mon meilleur pote, mon frangin – nos parents auraient alors des gênes sacrément diversifiés -, mon coloc à qui j'ai pas encore payé ma part du loyer. Mais c’est moi qui l’avais oublié, merde. Ce n'est pas comme si c'était de ma faute. Pas comme si j'avais fait exprès de l'effacer de ma vie, lui, spécifiquement. Je n'en n'ai même plus, de vie. D'accord, il y a bien ces saloperies de bips qui prouvent que mon cœur bat toujours, la douleur qui me consume entre deux doses d'antidouleurs est bien réelle et je sens bel et bien mon corps gagner quelques degrés alors que je commence à feuilleter le magazine posé jusque là sur la table de chevet - je suis en vie, mais dans les faits, je n'ai plus de vie quand même et il s'évertue à me poser des questions là-dessus. Ça m'énerve, mais le couple de brunes que je vois apparaître sur la double page suivante a vite fait de me calmer, comme l'a fait avant la vue du goutte-à-goutte. Un peu plus sexy, par contre. Et vachement plus intéressant. Quand je détache finalement mon regard de leurs silhouettes, malheureusement sur papier glacé, je ne trouve plus le gaillard là où il se tenait auparavant, mais je le vois avachi dans le fauteuil de l'autre côté de mon lit. Oh, furtif. Ou alors, mes pensées ont été drôlement prenantes. Un dernier regard vers la photo me dit que c'est la deuxième hypothèse qui est la bonne; je n'ai pas le temps toutefois de replonger dans ma lecture que sa voix se fait à nouveau entendre, ou, du moins, atteint enfin mes oreilles.
Le magazine reposé sur la table d'un geste mécanique, je hausse un sourcil en le jaugeant du regard, comme si j'espérais qu'il ait un sens de l'humour pourri ou un truc du genre. Mais non. Bon. En plus d'avoir une tronche de serpillère, il a l'air con comme un balai. J'inspire, pince mes lèvres dans une mimique inédite qui me semble pourtant tellement habituelle. La moue devient un sourire, petit, en coin, moqueur à souhait. « Toi, t'es du genre à demander à un nain de changer l'ampoule du plafonnier, hein. » C'est vrai, quoi. Il a bien du remarquer que je ne le remettais pas, que je ne remettais rien d'autre non plus, et lui, tout ce qu'il trouve à faire, c'est me demander depuis combien de temps je suis là, comme si ça, paf, je m'en rappellerais. Bon, je suis peut-être un peu de mauvaise foi, c'est vrai. J'ai vu assez de flicaille et entendu assez de trucs pour savoir plus ou moins comment et quand je suis arrivé là. Mais il me saoule, à force de m'intriguer, de me causer comme si on était les deux parties d'une âme. J'attends des réponses, moi, pas des questions. Et puis, déjà, si on est si potes que ça, pourquoi est-ce qu'il me pose seulement la question ? Il devrait le savoir. Il devrait être au courant de ce qui m'arrive, si quelqu'un m'aime et me connait, un tant soit peu. Faut croire que non. Nouveau bretzel enfourné, je laisse naviguer mon regard entre le magazine de charme, lui et la vitre de la chambre. Bon. Je révise un peu mon jugement. Il m'a amené de la bouffe, finalement, et même un peu de divertissement pour plus tard, si mon poignet est encore suffisamment flexible malgré le plâtre qui enserre mon bras . Faut bien que je sois un peu reconnaissant, je crois. Surtout avec lui, je ne sais pas, je n'ai pas le même ressenti qu'avec infirmière truc muche ou n'importe qui. Va savoir, c'est peut-être que j'aime bien sa coupe de cheveux, finalement. « Deux-trois semaines. » Un marmonnement. C'est déjà ça. Mais, alors que je m'attendais à être déjà au bord de mes limites, j'ai le sentiment que c'est pas assez. Je ne laisse pas paraître, toutefois, préférant garder mon air désinvolte, encore un peu exaspéré. « Ouais, enfin. De ce que je me rappelle, sept ou huit heures. Sinon, 'paraît qu'on m'a ramassé un jeudi soir. À la sortie d'un magasin, si tu veux tout savoir. Pour le reste, faudra t'adresser à ceux qui m'ont fait ça. » Ouais, parce que ce n'est pas un camion, contrairement à l'idée première qu'on doit se faire de moi. Je n'en suis toujours pas convaincu, mais bon, c'est ce que m'a clairement laissé comprendre la machine à bouffer des beignets en uniforme, tout à l'heure. Faut croire que je les avais vachement énervé. Ou bien que je suis quelqu'un d'important. Tellement important que j'ai croupi tout seul dans cette chambre la moitié de la journée, avant qu'un type débraillé débarque avec un magazine de cul et une odeur de vieille clope en guise de première visite. C'est bizarre, ça sonne cynique et pourtant ça me semble presque agréable. Comme si je le préférais, lui, à une fille, du genre de la blonde que je porte sur mon dos sur la photo là à droite, qui se serait jetée à mon cou en larmes après que j'aie ouvert les yeux, ou encore une paire de parents en tailleur chic et tout le bordel qui va avec. C'est con. Avec un peu de chance, c'était peut-être lui, qui m'avait foutu dans ce lit d'hôpital. Un peu de malchance, du coup. Je ne chipote pas sur les mots, je préfère me perdre dans cette supposition. Est-ce qu'il me connait vraiment, au final ? Je plisse les yeux, me fichant totalement de me cramer totalement en laissant deviner sur mes traits ce qui se passe dans ma tête. La question pourrait rester sans réponse, à défaut de moyen de le faire avouer ou de le griller. Sauf que, si, finalement, j'en ai. Pas besoin de souvenir pour savoir que je suis tatoué. Je monte un guet apens.Vite. Trop vite. « Au lieu de me poser des questions à la con, tu peux pas me filer des réponses ? Genre, c'est quoi cette date sur mon bras, et pourquoi j'ai la moitié d'une tête de teckel tatoué sur le flanc ? » La date, parce qu'il y en a une, effectivement, sur mon bras, et qu'il peut la voir de lui-même. C'est l’appât, la mise en confiance. Le clébard, ça, c'est du pipeau, et c'est caché par la blouse que je porte. On verra bien s'il me connait si bien que ça ou s'il va tomber dans le panneau. Je repêche un bretzel, au ralenti, le regard inquisiteur rivé sur lui. Seulement à moitié conscient que je suis fortement abruti par ma médication. À moins que ce soit naturel.
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Sujet: Re: JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. Mer 19 Déc - 4:41
Jason&Parker
Parker. La pire famille qu’on puisse avoir, d’une certaine façon. Il était les conneries incarnées, celui qui vous entraîne toujours dans les pires plans, qui attire toujours la merde et qui bizarrement se plaît à y vivre à long terme. Jay lui, avait déjà donné. Il s’était mis dans les situations les plus destructrices du monde, il avait multiplié karma de merde, bagarres, drogue, gang de rue et autres histoires roses durant des années, maintenant il tentait de garder le tout bien derrière lui. Jusqu’à Parker. Jusqu’à sa gueule d’autrichien blasé qui débarque à Los Angeles avec l’intention de faire de la merde, et qui termine par se retrouver dans un lit d’hôpital, frôlant de retomber dans le coma à tous les moments. Pour quelqu’un qui coupait les liens avec sa famille & avec tout ce qui pouvait le sortir de sa petite routine bien normale de barman et d’étudiant, Jason faisait fort en ouvrant la porte à son cousin comme il le faisait. Mais il n’y pouvait rien. Avec sa tête, avec son caractère et ses 1001 histoires, il lui faisait fichtrement penser à Gabriel. Son petit frère, celui qu’il avait protégé du mieux qu’il avait pu malgré ses ressemblances avec Parker, lui manquait atrocement. Son assassinat à Dublin datait maintenant de plusieurs années, mais le souvenir restait bien ancré. Et malgré le fait que Callaway n’attendait qu’un déclic pour envoyer chier Parker et le laisser mariner dans ses conneries pour qu’il comprenne un peu que c’était pas une vie, le barman n’en ferait jamais rien. Il verrait toujours en lui le frère qu’il peut sauver, qu’il peut aider, qu’il peut raisonner. Même si au final il savait très bien que c’était peine perdu avec le photographe.
« Deux-trois semaines. » Il marmonna, ramenant l’attention de Jason sur lui. « Ouais, enfin. De ce que je me rappelle, sept ou huit heures. Sinon, 'paraît qu'on m'a ramassé un jeudi soir. À la sortie d'un magasin, si tu veux tout savoir. Pour le reste, faudra t'adresser à ceux qui m'ont fait ça. »
Ceux qui lui ont fait ça. Jay haussa un sourcil, sentant son agressivité irlandaise refaire surface le plus naturellement du monde lorsqu’il apprenait que quelqu’un près de lui avait passé un mauvais quart d’heure ou qu’on s’en était tout bonnement pris à lui. Ses poings se serrèrent donc dans ses poches et il se râcla la gorge pour s’empêcher d’hurler sur Parker qui devait avoir envie probablement plus d’un camion qui lui roule dessus 3 fois plutôt que d’entendre un mec qu’il semblait à peine reconnaitre le harceler de question sur « ceux » qui l’avaient tabassé. Il se contenta donc de souffler, maitrisant sa rage rapidement, ou du moins le plus rapidement qu’il le pouvait, avant de demander « Ceux? T’as une petite idée d’où ils sortaient? » Ses questions sonnaient faux. Je vais aller leur défoncer la gueule pour qu’ils sachent un peu ce que c’est, aurait été une phrase plus plausible pour Callaway, mais bon, fallait bien commencer à quelque part si on tentait ardemment de changer ses mauvaises vieilles habitudes. « Au lieu de me poser des questions à la con, tu peux pas me filer des réponses ? Genre, c'est quoi cette date sur mon bras, et pourquoi j'ai la moitié d'une tête de teckel tatoué sur le flanc ? » Jay n’en revenait pas. Parker le bombardait comme le mec insulté qu’il soit débarqué dans sa chambre, il jouait au plus fin avec ses questions et là il tentait de lui faire passer un test de crédibilité en lui posant des questions sur sa tatous? S’en était trop. Jay était pas venu pour se la jouer babysitter, ni pour que son cousin s’en prenne à lui parce qu’il avait pas été foutu de se défendre convenablement le soir où tout ça était arrivé. Callaway avait beau vouloir être là pour lui, depuis son arrivée il n’avait été que sur la défensive à lui en renvoyer sur la gueule, et c’était probablement pas un bon moment pour rester à son chevet et relater de bons souvenirs en rigolant autour d’un café d’hôpital. L’irlandais aurait voulu rester, vraiment, mais l’annonce que le photographe se soit fait rué de coups par des inconnus, et qu’ensuite il se la joue amnésique pour faire chier ses visiteurs en était trop et Jason ne se sentait pas capable de conserver son calme légendaire encore bien longtemps. S’excusant en marmonnant, il se leva d’un trait de la chaise où il venait de s’assoir suite à l’annonce des assaillants et fit quelques pas vers la porte, attrapant son manteau au passage.
« Je vais prendre l’air. T’as apparemment pas l’air de vouloir de visite ce soir. » et avant de quitter la chambre, l’irlandais eut le temps d’ajouter un « La date, c’est Derek. Et le teckel j’ai pas la moindre idée. Je lorgne pas sur tes flancs à longueur de journée non plus hen. »
2 semaines plus tard
Toc, toc. Les doigts crispés de Jason percutèrent la porte close. Les infirmières bourdonnaient derrière lui, des sonneries, des bips, des médecins, des patients, des civières. Tout le bruit ambiant lui lacérait les oreilles et la tête et il pouvait facilement mettre ça sur le peu d’heures de sommeil qu’il avait accumulé durant les derniers jours. Sur les litres de bière qu’il avait bus avec Deklan en faisant comme si. Comme s’il n’était pas parti comme un con, comme s’il n’avait pas largué la seule famille qui lui restait dans un lit d’hôpital, couvert d’ecchymoses, pour la simple envie de ne pas sentir la colère et le besoin de vengeance parcourir ses veines de nouveau. Mais on savait tous qu’il se sentait atrocement coupable, que ses nuits blanches, ses disputes avec Ash qui essayait de comprendre, son acharnement sur Jackson encore plus que d’habitude et sa particularité à jouer à l’autruche n’étaient que des leurres. Il se sentait atrocement mal. Il savait qu’il avait merdé, qu’il s’était tiré comme il l’avait fait pour Gab. Qu’il n’avait pas assuré, qu’il n’assurait jamais, que ce que les gens qui avaient le plus besoin de lui se souvenaient toujours de la dernière chose qu’il avait vu de l’irlandais ; son dos. Tourné. Bien loin.
Jason vit la poignée de la porte tourner de l’intérieur et une infirmière se faufila hors de la pièce. Une infirmière, c’est ce qu’il pensa à priori, mais il se rendit vite compte qu’il s’agissait de l’amie de la Monaghan. Lou-Ann, s’il ne se trompait pas. La pétillante tornade rousse, celle qui ne se taisait jamais, celle qui… essayait distraitement de se faufiler vite fait dans le couloir face à eux le regard bas croyant pertinemment que Jay ne l’avait pas reconnu.
« Abbott? » l’interpela Jay. « Qu’est-ce que tu fais là? » évidemment, il ignorait tout de la situation qui liait l’interne à son cousin, ne s’intéressant pas le moins du monde aux filles qui tombaient dans son lit.
« Il dort. J’allais seulement voir si tout était ok côté signes vitaux et percos. Lui et ses ronflements sont tous à toi. »
Jason aurait juré que Lou cachait quelque chose. Mais il n’insista pas. Elle n’avait clairement pas envie de s’étendre sur le sujet, et il savait aussi qu’elle vivait pas mal de traumatismes depuis un moment, alors il ne joua pas au père avec elle et la laissa filer. L’irlandais profita tout de même de la porte ouverte pour y passer un pied, puis l’autre, et pour finir dans une chambre complètement dans la pénombre. De l’autre côté se trouvait Parker, bel et bien endormi comme le lui avait dit Lou-Ann et malgré la noirceur, Jay remarqua qu’il commençait à reprendre du mieux, que ses blessures guérissaient petit à petit. Callaway, immobile, resta attentif à la respiration de son cousin qui s’accélérait tranquillement, comme s’il avait sentit une présence, et se contenta de fermer la porte, prenant pour acquis que le choc achèverait de le réveiller et qu’ils pourraient reprendre là où ils l’avaient laissé.
Sujet: Re: JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. Dim 24 Fév - 22:17
“ When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. „
Jason P. Callaway & Parker H. Bernstein
C’est con, comme les choses vous reviennent. On pourrait s’attendre à se rappeler du drame qui a secoué votre vie une décennie plus tôt ou alors du plus beau moment que vous avez passé et dont vous étiez certain de vous souvenir à vie, mais non. Vous sortez du coma, vous savez à peine plus que votre nom grâce aux quelques papiers que vous aviez sur vous avant de sombrer et la visite d’une psychopathe refoulée plus tard, vous ouvrez les yeux et vous revivez dans votre tête un événement aussi con que clair et limpide. La venue de Lou-Ann et ses effluves de tequila et de pétage de plomb avait fait sauté pas mal de sutures, quelques jours plus tôt. Pas seulement au sens propre, même si j’avais serré les dents presque aussi fort que mon médecin lorsqu’il avait constaté l’état de mes blessures, déjà précaire à la base, qui n’avait pas été vers le mieux après que j’aie forcé dessus pour paraître un tant soit peu plus costaud qu’un pauvre petit comateux sans défense. Il y avait aussi le figuré, sa venue et les conneries qu’elle avait débitées avait eu le mérite de me rappeler à toutes celles qui m’étouffaient perpétuellement, il y a quelques années de ça. Et là, miracle du ciel embaumé par l’alcool et la fumée, la barrière avait sauté. Pas aussi nettement et franchement qu’on voudrait toujours l’imaginer, mais je l’avais ressenti. C’était comme si j’avais été plus proche que jamais du gros sac de nœuds rangé là, juste derrière mes deux yeux, impossible à défaire jusque là. Je n’avais pas eu le temps de gratter un peu plus qu’elle était déjà repartie, titubante, et je me rendormais, sédaté. Mais le lendemain matin, le travail s’était fait de lui-même et, stupidement, en ouvrant les yeux, j’avais vu Lucinda se trémousser devant moi aussi distinctement que lorsque j’étais au Brésil avec Delilah – ou plutôt, lorsque j’étais à Rio et que Delilah planait trop dans une favela des environs pour nous déranger. Je ne sais pas pourquoi, mais c’était bien la première chose qui semblait aussi vraie, aussi évidente à mon esprit. Je pensais me souvenir de la nuit qui m’avait amené à me retrouver dans ce lit d’hôpital plusieurs semaines plus tard encore, de comment j’avais rencontré la folle dingue qui avait fait sauter ce barrage d’amnésique moisi, de ce frère qu’avait mentionné le gaillard qui semblait assez bien me connaître pour être ma première visite, mais toutefois pas assez pour revenir avec une édition renouvelé du magazine qui m’avait vite lassé et que j’étais allé abandonné dans la salle de jeu de l’étage pédiatrie, histoire de faire le bonheur de quelqu’un d’autre, comme ceux qui laissent leurs bouquins terminés sur les bancs d’un aéroport, tellement poétique. Tout ça était revenu, après, rien n’était parti en fin de compte, mais la première chose sur laquelle je m’étais focalisé était bel et bien la brésilienne, dont je ne savais pas grand-chose, sinon le nom et le sens du rythme de sa chute de reins indiscutable. Elle ne représentait rien, absolument rien, je ne suis même pas sûr que j’aurais pu repenser à elle si je n’avais pas rencontré les poings et le bord du trottoir un peu trop violemment avant d’arriver ici. Juste une fille, parmi tant d’autres, aux prestations même pas si mémorables que ça, et pourtant, c’était une victoire pour moi. J’avais toutefois gardé ça pour moi, lorsque l’infirmière était apparue dans l’encadrement de la porte une poignée de secondes plus tard et m’avait demandé comment j’allais ce matin. Le commun des mortels auraient levé la tête, les yeux humides, la lèvre tremblotante, et aurait crié à la guérison, mais je ne l’avais pas fait. J’avais simplement effacé toute émotion de mes traits, sculpté un sourire flippant au coin de mes lèvres et j’avais rivé mon regard sur elle sans piper un mot, comme à chacun de mes réveils jusque là. Je ne saurais même pas dire pourquoi, peut-être parce que je me rappelais soudainement ma nature d’emmerdeur sans nom et que j’avais envie de reprendre mon arnaque du monde entier en beauté, ou alors c’était à cause de mon envie de me débarrasser d’elle vite fait, histoire de soulager mon pantalon devenu trop petit en revoyant Lucinda danser la samba contre moi en toute intimité ; peu importe, elle était repartie aussi vite que d’habitude.
J’aurais pu confesser mon mieux-être au médecin un peu plus tard, mais merde, ça faisait trois siècles que je supportais cette connerie de sitcom qui gangrenait les deux seules chaînes disponibles dans ce trou à mourants et ce n'était pas pile au moment où Jennifer avouait enfin à Josh que le bébé qu'elle portait était en fait celui du grand-oncle de la belle-sœur de Carol que j'allais les laisser m'éloigner du poste de télévision pour une batterie de tests interminables. J'avais laissé passer l'opportunité, puis une autre, et encore une, et finalement ce n'était plus les occasions manquées que je comptais mais les jours qui passaient. C'est plutôt con, d'ailleurs, parce que plus je laissais couler le temps, plus je pensais, plus je recouvrais mes souvenirs et plus je mourrais d'envie de sortir de là. Mais il y avait un truc marrant à voir tout ce petit monde faire preuve de compassion et ne pas crier au scandale à la première vacherie que je sortais, parce que, voilà, ce n'était pas vraiment moi qui m'exprimais, ce moi m'étant inconnu. Et puis, de toute manière, mémoire recouvrée ou non, j'en aurais encore sûrement pour quelque temps avant de pouvoir signer ma feuille de sortie, d'ici à ce que je sache de nouveau marcher plus de cinq minutes sans me prendre un mur en perdant l'équilibre. Autant le faire peinard, à manger de la bouffe certes mauvaise mais cuisinée pour moi, habillé dans des vêtements toujours propres et frais sans que j'aie à lever le petit doigt, à prendre des douches dans des salles de bains avec bouton d'aide pour faire rappliquer presto une infirmière à toute occasion - il y en a toujours une qui finit par faire sauter sa chemise dans une telle situation, dans mon échantillon de références cinématographiques, j'allais bien en avoir une à l'usure. D'accord, la facture n'allait pas être des plus douces au final, mais maintenant que je me rappelais de ce qui c'était passé ce fameux soir, du moins à peu près, et que je savais exactement comment j'allais me plaindre de douleurs inexplicables dues à ce traumatisme jusqu'à obtenir une coquette somme de dommages et intérêts en plus du remboursement total des frais médicaux, de quoi flamber deux ou trois soirées avant d'aller faire ma justice moi-même, je m'en fichais bien. Autre raison, moins avouable, je flippais.Rien qu'un peu. Pas de sortir, mais de rester et que la nouvelle vienne à passer à l'oreille d'un des cons qui m'avaient foutu là si je venais à dire que je me rétablissais sûrement trop bien pour eux. Bref, j'allais simplement attendre mon prochain visiteur, qui, s'il pointe son nez ici, devrait bien m'apprécier rien qu'un peu, et pour que ce soit le cas, il ne devrait pas être trop attaché aux bonnes manières et aux règles : il m'aiderait à sortir en douce. J'avais bien guetté Delilah, mais elle avait visiblement disparue pour de bon depuis qu'elle m'avait vu les yeux ouverts, et puis il y avait Lou, mais j'en étais pas encore à ce point du désespoir. En plus, le stéthoscope autour de son cou lorsque je l'avais vu de loin l'autre jour ne m'inspirait pas plus confiance que ça. Peu importe, j'attendrais, quelqu'un finirait bien par passer. Ou sinon, j'attendrai juste que le vieux aux poumons émiettés à côté de qui je vais fumer ma clope du matin dans le parc finisse par clapser et je me m’incrusterai incognito dans le défilé de ses proches épleurés pour me tirer de là.
Finalement, je n'aurai pas besoin d'aller faucher un smoking ou quelque chose qui s'y rapporte à la blanchisserie - j'ouvre un œil, puis deux, porte une main à mon visage en cherchant l'intrus en blouse blanche que je commence à pressentir de mieux en mieux du regard, mais c'est une voix trop grave qui vient percuter le silence de la pièce. Je tourne la tête un peu trop vite et je me redresse légèrement, par réflexe. Pas que je sois brusquement nerveux ou je ne sais quelle connerie du genre, je pense pas que quelqu'un dont je devrais me méfier me demanderait si j'ai bien dormi. C'est juste que ça a le mérite de me surprendre et, du coup, de me sortir du coaltar plus vite que prévu. Je suis donc en pleine possession de mes moyens pour reconnaître Jay devant la porte qui vient de se refermer, malgré l'obscurité, même si je ne pense pas que j'aurais peiné à le reconnaître, de toute manière. Je laisse passer quelques secondes, finis par me redresser assis dans mon lit. Un sourire fuse sur mon visage, aussi voyant que mon aversion pour les effusions de joie le permet, rien qu'un instant, et je tends la main vers la table de nuit. « Ramène ta tête peroxydée par ici, Callaway. Ça devrait être assez lumineux pour que je puisse retrouver ce foutu interrupteur. » Ma phrase à peine terminée, ma main a trouvé le bouton et la lumière envahit la pièce sans que j'aie à me servir de l'implantation blonde Pamela Anderson de mon cousin en guise de lampe torche. Je relève les yeux vers lui, un nouveau sourire aux lèvres, juste en coin. Si j'ai bien dormi ? Je n'ai pas répondu, mais, en même temps, ça aurait été louche que je le fasse, alors que je sais de nouveau qui je suis et qu'en plaçant son nom de famille dans mon accroche, je viens de lui donner un bon coup de pouce pour qu'il le constate lui aussi. Tout ça devient un peu trop compliqué - je m'en fous, je ne prête plus attention à la réflexion qui se joue dans ma tête. Je regarde juste mon cousin, content de le voir, même si il y a plus de chance que j'aille trouver Lou et la demande en mariage genou à terre que je l'avoue dans ces termes exacts. Mais bon, j'suis heureux de te voir là, c'est sympa de t'inquiéter pour moi. Désolé d'avoir agi comme un con la dernière fois, ce n'était pas ta faute après tout. C'est pas envisageable. Je vais le vanner encore un peu sur ces cheveux et il comprendra bien tout seul. « Avec le temps que t'as mis pour prendre l'air et à défaut de m'éclairer, j'espère que tu vas pouvoir me faire sortir par la fenêtre à la Raiponce, avec ça. » Je me suis levé entre temps, en prenant garde à ne pas chanceler comme un con et lui donner des arguments pour contrer ma requête lorsque je lui demanderai sans déconner de me faire sortir de là un peu plus tard. Trois pas assurés plus tard, je désignais d'un geste de tête une de ces mèches trop claires à mon goût pour ne pas le chambrer que je venais de mentionner, avant reposer un regard rieur sur le sien.
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Sujet: Re: JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. Sam 3 Aoû - 21:33
“ When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up. „
Jason P. Callaway & Parker H. Bernstein
« Ramène ta tête peroxydée par ici, Callaway. Ça devrait être assez lumineux pour que je puisse retrouver ce foutu interrupteur. »
Tiens, Parker avait retrouvé son semblant de mémoire. À savoir, au nombre de coups sur le crâne qu’il avait dus avoir recevoir dans sa vie, et pas mal tous mérités, c’était bien normal qu’il en perde des bouts de toute façon. Mais la situation n’était pas la même, il n’était pas le même, ou du moins, Jay essayait de se convaincre que son cousin n’était pas à l’aube de la mort, quoiqu’il y soit déjà allé quelques semaines plus tôt. Bêtement, Jason fit quelques pas vers le lit de Bernstein, comme celui-ci lui avait demandé. Plus pour constater davantage que les ecchymoses commençaient à pâlir et que les os ne faisaient plus un bruit d’enfer à la moindre respiration du photographe, et aussi un peu pour qu’il se calme sur les vannes et qu’il prenne cette énergie-là pour faire quelque chose de plus constructif avec son temps, tiens. Bref, Jay se rapprocha, suivant des yeux les doigts de Parker qui cherchaient l’interrupteur et qui finirent par le trouver, triomphants. La mémoire. Tout ce qu’on pouvait accumuler dans une vie, tout ce qui pouvait nous glisser entre les doigts du moment qu’une tache se faufile dans notre crâne et qu’elle se charge de noircir l’endroit et d’emmener avec elle tout ce à quoi on pouvait tenir, un peu. Les souvenirs qui partent, parfois pour le mieux, souvent pour le mal. Y’avait plusieurs choses que Jay aurait voulues oublier, et il jurait que Park devait être dans la même situation que lui, si même ce n’était pas tout ce qui se trouvait dans sa petite tête qu’il aurait voulu voir s’effacer. Et mine de rien, Callaway se demandait vraiment ce qui en restait, et ce qui était parti pour toujours. On ne le saurait jamais de toute façon.
« J’ai refait le bleach, j’espère que t’aime. » blagua l’irlandais avec le peu de sens de l’humour qu’il pouvait avoir. Aucun sourire, ni même de trace qu’il se moquait. Simplement le fait de voir les yeux malins de son cousin s’illuminer un peu lui suffit à lui confirmer que tout reprendrait sa place, petit à petit. « Avec le temps que t'as mis pour prendre l'air et à défaut de m'éclairer, j'espère que tu vas pouvoir me faire sortir par la fenêtre à la Raiponce, avec ça. » Il avait pris du mordant le petit. Jay se souvenait de Parker gamin, la peste, le p’tit gars qui ne prenait pas autant de place qu’il aurait dû, mais qui était tellement mené par des intentions cruelles que lorsqu’il se mettait en branle on devait se pousser de son chemin vite fait. Gab l’adorait. Et il le lui avait dit plusieurs fois, se foutant littéralement de ce que le monde pouvait bien penser. Gab était le genre esprit libre, le petit frère candide, un peu con ouais, mais qui n’avait pas une once de malice. Il avait été l’un des seuls qui avaient pu mettre un semblant de sourire honnête sur les lèvres de Bernstein et à ce jour, c’était presque un miracle aux yeux de Jay d’y avoir vu autre chose que de la malveillance mal placée. Gabriel était un mec bien, un type qui avait le cœur sur la main, tellement qu’il avait pris quelques balles dans le crâne pour protéger son grand frère du merdier dans lequel il s’était enterré vivant. Une grande âme, bref.
« Et avec le sens de l’humour que t’as retrouvé grâce au coma, tu pourrais bien animer un épisode de SNL. Tu y as pensé? »
Ils avaient toujours été forts pour ça. C’était ce qu’ils faisaient de mieux, de toute façon. S’emmerder, éviter de dire les vraies choses. Jay aurait bien pu le prendre dans ses bras. Parce qu’il avait eu la frousse de sa vie de perdre le seul membre de famille qu’il pouvait bien lui rester, et de ce côté de l’océan en plus. Il aurait pu arrêter de jouer au con et lui dire qu’il allait personnellement s’occuper de foutre une raclés aux mecs qui avaient voulu s’en prendre à lui. Il aurait pu prendre son rôle de pseudo grand frère au sérieux et l’aider à reprendre du mieux, à chaque jour, en voulant vraiment lui permettre de se remettre sur pieds comme personne, mais fallait pas se leurrer. Jay était fait du même bois que celui de Parker, à quelques comportements autodestructifs près. Il n’était pas aussi cruel que son cousin et ne prenait pas un malin plaisir à blesser volontairement les gens certes, il était quand même un irlandais un peu trop fort et un peu trop fier, qui ne trouvait le calme que lorsqu’il s’exprimait le moins possible. Ses émotions, il avait dû grandir avec en tête un truc de merde comme on en entend que dans Spiderman, alors qu’on confirme que les sentiments sont la pire arme destructrice qui soit. Jason n’y pouvait rien, il avait trop cru à ses BDs, et à toutes les merdes qui lui étaient tombées dessus au courant de sa vie pour confirmer la dite chose, et se retrouvait aujourd’hui avec les séquelles et surtout, surtout, l’envie de se foutre de tout. D’avoir la paix. De ne pas montrer à son cousin que de le voir marcher et blaguer à nouveau lui donnait envie de verser une putain de larme.
« Alors, c’est quoi le plan? J’imagine que t’as un doc qui a statué sur la chose… » commença Jason, curieux de savoir ce qui était à venir pour Parker.
L’irlandais pris place dans l’une des chaises tout sauf confos auprès du lit de Bernstein, jouant distraitement avec le lacet défait de ses vieilles baskets salies. Il y avait plusieurs possibilités, plusieurs façons de voir la chose, plusieurs scénarios qui pouvaient avoir lieu dès que Parker commencerait à mieux aller. Le principal étant de finir par lui faire cracher la raison qui faisait qu’il s’était retrouvé dans un lit d’hôpital, et surtout ce qui avait bien pu motiver les pauvres mecs qui s’en étaient pris à lui de le laisser vivant. Vraiment, fallait être cons. Parce que du moment que Parker irait mieux, ils devaient clairement s’attendre à une répartie de sa part. Soit ça, soit ils avaient un plan et le fait qu’ils soit rétabli – ou presque – en faisait partie… m’enfin bref. Jason se replaça dans son siège, l’esprit ailleurs, attendant le statut pour commencer à élaborer ses propres plans et ses propres conclusions, et mettre ses relations plus ou moins bonnes dans le secret pour enfin arriver à tirer quelque chose de bine de toutes les merdes qu’il avait accumulées dans une autre vie.
« D’autres flashs sur ce qui a bien pu se passer ce soir-là ou t’es à sec? » tant qu’à se questionner, autant mettre Parker dans le coup et l’inviter dans ce qui ressemblait le plus à une fête où toutes ses méninges étaient invitées…
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Sujet: Re: JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up.
JAY&PARK’ – When we were young, you said something about ruling the world. And then, we grew up.